Mediaset : Bolloré va au bras de fer avec la famille Berlusconi

Par Pierre Manière  |   |  684  mots
Vincent Bolloré, le chef de file de Vivendi, la maison-mère de Canal+.
A la tête de Vivendi, le financier breton a grignoté en trois jours 20% du capital de Mediaset, le premier groupe de télévision italien, dont le premier actionnaire est la famille Berlusconi. Ce raid constitue une violente pique, les deux acteurs étant en froid depuis l’échec d’un partenariat industriel.

Non, Vincent Bolloré n'en a pas fini avec Mediaset. Cette semaine, le chef de file de Vivendi, maison-mère de Canal+, a décidé de fondre sur le premier groupe de télévision privé italien, dont l'actionnaire de référence est la famille Berlusconi. Lundi soir, le géant français des médias a affirmé détenir plus de 3% de Mediaset, en annonçant qu'il en grignoterait 20%, « dans un premier temps ». Un objectif qu'il a atteint ce mercredi. Premier actionnaire du groupe avec près de 35% du capital, la famille du « Cavaliere » a levé son bouclier. Le même jour, elle a indiqué avoir racheté des actions pour porter son capital à près de 40% via sa holding Fininvest. Qualifiant ce raid soudain « d'hostile », elle a déposé une plainte contre Vivendi devant la justice italienne pour « manipulation du marché ».

Si ce coup financier interpelle, c'est parce que Mediaset et Vivendi sont en très mauvais termes depuis des mois. Fin juin, le groupe de Vincent Bolloré a fait capoter un « partenariat stratégique » entre les deux groupes, lequel portait sur des prises de participations croisées. Après la signature d'un accord, Vivendi a voulu en revoir les termes, estimant qu'un des business plan de Mediaset - celui de Premium, sa filiale de télévision payante - n'était pas réaliste. De quoi susciter l'ire de l'état-major du groupe italien, qui a engagé une batterie d'actions en justice. Certains pensaient que Vivendi en resterait là et mènerait bataille dans les tribunaux. Raté.

Un moyen de pression

En attendant, en Italie comme en France, les observateurs se demandent bien pourquoi Vincent Bolloré se montre aussi agressif, étant donné qu'il lui sera de toute façon très difficile de prendre le contrôle de cette nouvelle proie. Une première hypothèse, la plus simple, est que Vivendi veuille forcer Mediaset à renégocier ce fameux « partenariat industriel ». L'objectif étant, sur le papier, de créer des synergies entre les deux groupes de médias pour poser les fondations d'un « Netflix d'Europe du Sud ».

La seconde hypothèse est celle défendue par Fininvest à travers sa plainte pour « manipulation de marché ». D'après le groupe italien, Vivendi aurait délibérément boudé l'accord initial avec Mediaset pour faire dégringoler son cours. Et ainsi acheter des titres à bas prix. « La volte-face de cet été a provoqué une perte de valeur de la société en Bourse d'environ 30%, dont Vivendi profite en investissant massivement sur le marché », a fustigé Mediaset dans un communiqué.

La perspective d'une plus-value

Une troisième hypothèse est celle d'une attaque visant à forcer Mediaset à abandonner ses poursuites judiciaires. Analyste chez Mainfirst, Jean-Baptiste Sergeant estime ce scénario crédible :

« Ce raid est un moyen de mettre la pression sur Fininvest et Mediaset pour qu'ils retirent leur plainte. Ils demandent à la fois plus de 2 milliards d'euros de dommages et intérêts, et 50 millions d'euros par jour de retard d'exécution du deal. Or je pense que Vivendi risque gros dans cette histoire, car ils ont quand même signé un contrat en bonne et due forme, qui était tout à fait engageant. On ne peut écarter qu'en agissant ainsi, Vivendi souhaite en réalité mettre la pression sur Mediaset pour trouver une solution à l'amiable, laquelle pourrait conduire, en définitive, à son retrait du capital. »

Quoi qu'il en soit, d'après Jérôme Bodin, analyste chez Natixis, Vivendi pourra toujours, si nécessaire, revendre sa participation à bon prix:

« Si Vivendi ne parvient pas à ses fins stratégiques, le groupe pourrait tout à fait céder ses titres Mediaset. Le cours actuel est particulièrement bas, ce qui devrait assurer une plus-value. On retrouve ici le raisonnement suivi par Vivendi lors de la montée au capital d'Ubisoft basé sur des considérations d'intérêts stratégiques (synergies), mais aussi de liquidité (pouvoir vendre les titres acquis facilement) et de valorisation (point bas). Vivendi dispose ainsi de plusieurs options en fonction de l'évolution de la situation, et avec d'importantes perspectives de création de valeur. »