Plan fibre : SFR fait cavalier seul

Par Pierre Manière  |   |  716  mots
Patrick Drahi, le propriétaire et chef de file d'Altice, la maison-mère de SFR.
À La Tribune, l’opérateur de Patrick Drahi souligne que sa volonté d’apporter seul l’Internet à très haut débit fixe dans tout l’Hexagone d’ici à 2025 n'est en rien « une proposition », comme l'a récemment laissé entendre un ministre. « Les déploiements sont en cours », nous dit-on. Et ce, malgré les critiques émanant du gouvernement comme de certains acteurs privés.

Patrick Drahi, le propriétaire de SFR, veut quoi qu'il en coûte posséder ses propres infrastructures télécoms. Et il ne reculera, vraisemblablement, devant rien pour arriver à ses fins. Ce mardi, l'opérateur au carré rouge a confirmé à La Tribune que sa volonté de fibrer seul et sans argent public 100% du territoire d'ici à 2025 n'était en rien une proposition. « Nous le faisons », indique une source proche de l'état-major. « Nous allons préciser le financement, le rythme, le calendrier dans les prochaines semaines, nous dit-on. Pour autant, nos déploiements sont en cours. »

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Voilà une réponse cinglante à Mounir Mahjoubi, le secrétaire d'État en charge du numérique. Lundi, dans un entretien aux Échos, celui-ci s'est montré pour le moins critique envers le programme de SFR. « Cette proposition spécifique n'est pas encore accompagnée d'un plan opérationnel qui explique comment elle est faisable », a-t-il jugé. Avant d'estimer que l'ambition de SFR n'est pas « aujourd'hui » raccord avec « l'état d'esprit de l'État ». Et ce « notamment vis-à-vis des RIP [réseaux d'initiative publique, NDLR], ces zones où les réseaux sont à l'initiative publique, c'est-à-dire à la fois avec un financement local et national dans toutes les zones peu denses et habituellement peu rentables ». Avant d'estimer que le programme de l'opérateur au carré rouge menace de faire capoter le Plan France très haut débit (PTHD), qui vise à apporter un Internet ultra-rapide à tous les Français à horizon 2022. « Il y a tout un modèle économique qui s'est construit et qui permet de créer des réseaux qui vont se pérenniser, durer dans le temps, et qu'il ne faut pas casser, qu'il ne faut pas briser », a-t-il ajouté au quotidien économique.

« Ligne rouge »

Pour sa part, SFR affirme sa détermination à mener son projet à bien, d'autant qu'il estime répondre aux desiderata du gouvernement. « L'État est favorable au déploiement rapide du très haut débit sur l'ensemble du territoire, indique notre source. Nous répondons avant tout à cette attente. » Une réponse qui, à n'en point douter, ne fera guère plaisir à Mounir Mahjoubi comme à certains responsables publics et privés.

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Ce mardi, Patrick Chaize, le président de l'Association des villes et des collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (Avicca), a montré son inquiétude pour l'avenir des RIP si SFR venait à doublonner les réseaux existants ou en cours de déploiement. « En ce mois de septembre, le gouvernement doit rendre ses arbitrages sur le très haut débit fixe et mobile. Se fier aux seules annonces d'acteurs privés compromettrait gravement l'atteinte des objectifs fixés », a-t-il canardé dans un communiqué. Avant d'appeler le gouvernement à « signifier aux opérateurs privés qu'ils franchiraient une ligne rouge en dupliquant des réseaux [fibrés] » en particulier dans les zones rurales et peu denses. Même son de cloche pour Étienne Dugas, le président de la Fédération des industriels des réseaux d'initiative publique (Firip), qui s'est le même jour félicité « de l'analyse de Mounir Mahjoubi », en « confortant le modèle des RIP »...

« La législation ne me va pas du tout »

Reste qu'en face, Patrick Drahi et SFR ne semblent pas du tout prêts, pour le moment, à mettre de l'eau dans leur vin. Interrogé sur le déploiement de la fibre en France par la Commission des affaires économiques du Sénat, en juin 2016, le milliardaire s'est montré on ne peut plus clair : « On va venir tous vous voir, sur le terrain, parce que moi je veux fibrer plus que ce qui m'a été alloué [dans le cadre du PTHD, NDLR], quitte à fibrer en doublon. Parce que la législation ne me va pas du tout. Je ne veux pas être locataire du réseau des autres. Je vous l'ai déjà dit sur les RIP: ça ne me plaît pas. Je préfère être opérateur d'une infrastructure que je possède quitte à avoir des tarifs spécifiques quand il y a eu évidemment l'intervention de l'État ou des collectivités. » C'est dit.