La révolution Free Mobile s'exporte en Israël

Par Pascal Lacorie à Jérusalem  |   |  806  mots
Michaël Golan, lorsqu'il s'appelait encore Boukoza et était directeur général d'Iliad, la maison-mère de Free. Copyright AFP.
L'ex-DG de Free, Michael Boukobza, désormais appelé Golan, a lancé le cinquième opérateur mobile israélien, avec des tarifs quasi copiés-collés de Free. Patrick Drahi, le premier actionnaire de Numericable, casse aussi les prix avec Hot Mobile.

Un vent de révolution bleu-blanc-rouge souffle sur Israël., Deux opérateurs de téléphonie mobile pilotés par des franco-israéliens bouleversent les règles du jeu sur un marché de plus de 4 milliards d'euros par an jusque là domaine réservé de trois groupes qui contrôlaient depuis une décennie 95% du marché.
Pour mener son offensive, Michaël Golan a utilisé les mêmes recettes que celles de Free en lançant Golan Telecom, le cinquième opérateur mobile, après avoir obtenu une licence 3G en juillet dernier. Il connaissait le modèle de très près : avant d'immigrer en Israël il y a cinq ans et de changer de nom, celui qui s'appelait alors Michaël Boukobza était le directeur général d'Iliad, la maison-mère de Free, aux côtés de Xavier Niel. Cette coopération se poursuit : le premier actionnaire de Free a pris à titre personnel une participation de 30% dans Golan Telecom. « Nos actionnaires Xavier Niel et Michael Golan sont connus pour être de redoutables pourfendeurs de monopoles sur le marché français » souligne le site du nouvel opérateur israélien. Les frères Patrick et Gérard Pariente, fondateurs de la marque de prêt-à-porter Naf Naf, sont aussi au capital.

Le slogan de Golan : "Arrêtez de vous faire prendre pour des pigeons"
La stratégie de campagne pour séduire les consommateurs s'est inspirée de celle utilisée en France avec le slogan « arrêtez de vous faire prendre pour des pigeons ». Concrètement, Golan Telecom a frappé très fort en proposant un forfait « tout compris » de 99 shekels, un peu plus de 20 euros, calqué sur celui de Free Mobile : appels illimités y compris vers 29 destinations internationales, SMS inclus et 3 Go d'accès à Internet. Pour les consommateurs plus modestes, un tarif de deux euros propose une heure de téléphone et 60 SMS, comme son cousin chez Free, mais aussi un accès à Internet à 10 Mo. Un autre franco-israélien, Patrick Drahi actionnaire du câblo-opérateur français Numericable, a répliqué aussitôt. Patron de Mirs un opérateur téléphonique et de Hot, un réseau des chaînes TV câblées, il a créé Hot Mobile qui propose un forfait au même prix « cassé » comprenant des appels locaux ainsi que vers 30 pays, des SMS illimités et un accès à Internet de 3 Go. Les deux concurrents ont lancé leur offensive le même jour, le 15 mai. Pour les Israéliens habitués à payer des factures deux, trois ou même quatre fois plus salées, ces nouvelles offres ont provoqué un choc. Les trois opérateurs « historiques », Cellcom, Partner qui opère sous la marque Orange (sous licence), et Pelephone (Bezeq) ont accusé le coup. « Sur le papier ces trois groupes n'avaient pas le droit de se concerter, mais comme par enchantement ils alignaient leurs tarifs les uns sur les autres. Cet oligopole empêchait toute véritable concurrence », a déclaré Michaël Golan devant les médias israéliens.

Le cinquième opérateur a conquis 30.000 abonnés en trois semaines
Cette rente de situation semble désormais bien compromise. Golan Telecom, qui a embauché plusieurs centaines de salariés, revendique plus de 30.000 abonnés tandis que Hot Mobile avance un chiffre de plus de 20.000 clients supplémentaires en trois semaines. Pour éviter un exode des clients, les trois grands opérateurs, dont les cours à la bourse de Tel Aviv ont chuté d'environ 30% en un mois, ont dû baisser leurs tarifs, désormais plus attractifs.
Rien ne dit toutefois qu'il y aura de la place pour tout le monde au soleil. Le taux de pénétration de la téléphonie mobile en Israël atteint les 132% et dépasse les 9 millions de lignes. Certains experts s'interrogent sur la capacité de Golan Telecom et de Hot Mobile à tenir à long terme avec des tarifs aussi bas. Selon le quotidien économique « Globes », les deux opérateurs, victimes de leur succès, éprouvent de sérieuses difficultés techniques à assurer tous les services promis à leurs clients. De plus, de vives tensions seraient apparues avec Cellcom, avec lequel Golan Telecom a signé un accord d'itinérance pour compléter sa couverture (comme Free avec Orange). Les deux groupes franco-israéliens doivent également affronter de nouveaux venus : trois opérateurs virtuels, qui achètent des communications en gros à des opérateurs mobiles pour les revendre sous leur propre marque. Un autre point d'interrogation relevé dans un récent rapport de la Banque d'Israël porte sur les capacités de financement du secteur de la téléphonie mobile, lourdement endetté auprès des banques au moment où ses marges de profits ont tendance à devenir de plus en plus étriquées.