Xavier Niel : « J'affirme que Free Mobile dynamise le marché »

Par Delphine Cuny  |   |  907  mots
Xavier Niel, le 10 janvier, au lancement de Free Mobile au siège d'Iliad. Copyright Reuters
Dans une tribune publiée dans les Echos ce vendredi, le fondateur de Free démonte les « mythes » quant à l'impact de l'arrivée du nouvel opérateur mobile sur l'emploi et l'investissement du secteur des télécoms en France.

Xavier Niel sort de sa réserve. Sans doute las d'entendre ses concurrents, certains syndicats et des politiques aussi le pointer du doigt comme responsable d'un drame à venir dans le secteur sur le plan social et de l'investissement, le fondateur de Free et actionnaire majoritaire d'Iliad, la maison-mère, déroule son contre-argumentaire dans une tribune parue dans la rubrique Le Cercle du journal Les Echos. Le bouillant patron souhaite apporter « une vision positive et j'espère objective » au débat. Sur le fond, il martèle que la 4e licence était nécessaire du fait de la structure du marché français de la téléphonie mobile en oligopole.

L'emploi a baissé bien avant Free Mobile
Sur les craintes de réductions d'emploi et de délocalisation des centres d'appel, Xavier Niel relève que « l'emploi baisse depuis des années dans notre secteur passant de 156.000 postes en 1998 à 124.000 en 2009, année ou il s'est stabilisé. » Mais aussi que « l'installation de centres d'appels offshore sous-traités a commencée il y a bien longtemps », ne pouvant s'empêcher au passage de vilipender « l'oligopole soucieux de sa rente. » Quant aux distributeurs indépendants de téléphonie, le fondateur de Free affirme qu'ils souffrent surtout du « développement des réseaux de boutiques propriétaires développés ces dernières années par les opérateurs et captant jusqu'à 70% du volume d'affaires. » Pour autant, le bouleversement du marché produit par l'arrivée de Free Mobile a bien des conséquences actuellement sur les magasins de téléphonie comme The Phone House, qui a gelé des ouvertures et se dit « fragilisé indirectement par l'arrivée de Free. » Quant à sa propre entreprise, « Free a pour sa part recruté plus de 1500 personnes sur la dernière année pour son activité mobile auxquels s'ajoutent les nombreux emplois indirects », qu'il ne chiffre pas. D'un centre d'appels en France en 2008, Free est passé « à cinq avec des effectifs qui ont quintuplé. » Dans son document de référence, Iliad précise que sur ses 5.655 salariés, 70% travaillent en centres d'appels ou sur la relation abonnés, soit 5.300 personnes, mais ne détaille pas la part de ceux travaillant en France, ni son recours à la sous-traitance. Iliad a trois centres d'appels au Maroc (Call One, Total Call et Telecom Academy).

Free investit plus, proportionnellement
Sur le thème de l'investissement, Xavier Niel se place en « bouc émissaire ». Il soutient que proportionnellement il dépense plus, « 50% de son chiffre d'affaires en 2011 » contre « de 12% à 20% » chez ses concurrents. Surtout, il revient à la charge sur le dividende : « l'oligopole distribue des dividendes beaucoup plus qu'il n'investit » et cet argent part « très majoritairement chez des investisseurs institutionnels rarement domiciliés en France. » Si France Télécom comme Vivendi ont annoncé des baisses de dividende, « les trois opérateurs historiques vont demeurer très prospères » et verseront des dividendes « considérables » l'an prochain. Il se garde tout de même de comparer les montants investis, qui ont un effet de levier sur l'ensemble de la filière (875 millions d'euros pour Iliad hors fréquences, contre 2,6 milliards dans les réseaux en France chez France Télécom, 1,7 milliard chez SFR, 859 millions chez Bouygues Telecom).


Free Mobile dynamise le marché
Du côté des prix, bien sûr, Xavier Niel rappelle que les cartes prépayées venaient le prix de la minute cher (« 30 à 55 centimes pour un coût de quelques centimes ») et que les forfaits illimités ont « miraculeusement » baissé « en quelques mois » avant l'arrivée de Free, de 80 euros à 24,90 euros. Pour autant, il ne parle pas du sort des MVNO, les opérateurs virtuels, dont la survie est menacée par son arrivée. Plus généralement, « de même qu'au début des années 2000, le lancement par Free, des box, a accéléré le passage de la France du Minitel à la France numérique, j'affirme que Free Mobile dynamise le marché. » Son arrivée expliquerait que les trois opérateurs historiques « se précipitent sur le déploiement de la 4G » pour se différencier du nouvel entrant, alors qu'ils avaient « attendu des années avant de déployer la 3G. »

« Des milliards économisés par les ménages »
Evoquant le gain immédiat de pouvoir d'achat « considérable » pour beaucoup de foyers français, une notion récemment oubliée par le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, inquiet des conséquences sociales avant tout, Xavier Niel se fait lyrique : « une nation qui peut communiquer sans entrave se développera toujours plus vite qu'une nation inquiète de sa facture mobile. » Invitant en substance à chausser ses lunettes roses plutôt que de prédire un « désastre », il faut penser à « la réallocation des milliards économisés par les ménages » qui seront « dépensés sans délai dans d'autres secteurs de l'économie. » Peut-être plus en smartphone Samsung ou en iPad qu'en produits made in France ceci dit. Ces milliards d'euros, Xavier Niel ne prend pas le risque de les évaluer. Initialement il avait déclaré vouloir faire économiser 1.000 euros par an par foyer de trois personnes, ce qui pourrait approcher de 15 milliards pour une quinzaine de millions de foyers, en imaginant qu'ils profitent tous de la baisse des prix.... Aucune étude n'a encore évalué la réalité de cet impact et ses conséquences sur l'économie. Mais cet aspect mérite pourtant de s'y pencher.