Effet Free : SFR et Bouygues veulent partager une partie de leurs réseaux mobiles

Par Delphine Cuny  |   |  738  mots
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Le numéro deux et le numéro trois du mobile en France annoncent ce lundi soir l'ouverture de négociations exclusives en vue d'une mutualisation partielle de leurs réseaux, un accord stratégique qu'ils espèrent boucler avant la fin de l'année, après l'effondrement des prix causés par l'arrivé de Free. L'Autorité de la concurrence a prévenu qu'elle était contre une mutualisation à l'échelle nationale.

Maintenir quatre opérateurs mobiles de réseau. La ministre déléguée à l'Economie numérique, Fleur Pellerin, et l'Autorité de la concurrence, n'ont eu de cesse de marteler ce principe, depuis l'arrivée fracassante de Free Mobile en janvier 2012, qui a bouleversé l'équilibre du marché en faisant chuter drastiquement les prix et en conquérant plus de 6 millions de clients en un peu plus d'un an. Dix-huit mois plus tard, le tsunami provoque sa première réplique d'ampleur : le numéro deux et le numéro trois du mobile français annoncent ce lundi soir l'ouverture de négociations exclusives en vue d'un partage d'une partie de leurs réseaux (mobiles), un accord « stratégique », qu'ils espèrent boucler avant la fin de l'année. L'ambition affichée est d'offrir « la meilleure couverture géographique et la meilleure qualité de service », même si l'objectif, non avoué à ce stade, est de faire des économies et de mutualiser les investissements. Bouygues Telecom a fini l'année 2012 dans le rouge, en perte de 16 millions d'euros.

L'Autorité de la concurrence contre une mutualisation nationale
« La mutualisation envisagée par Bouygues Telecom et SFR d'une partie de leurs réseaux mobiles, serait comparable à des dispositifs du même type déjà mis en ?uvre dans d'autres pays européens » assurent les filiales de Bouygues et de Vivendi dans un communiqué commun, en précisant que « chaque opérateur conserverait une capacité d'innovation autonome et une indépendance commerciale totale. » Cette dernière est clé pour recueillir l'assentiment du gouvernement, qui avait précisément consulté l'Autorité de la concurrence sur ce sujet de la mutualisation des réseaux. Le président du gendarme de la concurrence, Bruno Lasserre, qui a insisté sur la nécessité de mettre un terme à l'accord d'itinérance entre Free et Orange en 2016 ou 2018, avait été très clair en mars dernier sur la mutualisation : très favorable au partage d'installations dites « passives», comme les pylônes, les toits-terrasses, les câbles qui relient les antennes aux stations de base, les locaux, etc, qui ne pose pas de problèmes de concurrence, il était beaucoup plus réservé sur le partage de la partie « active » (le RAN sharing), qui consiste à mettre en commun les antennes, les stations de base, les contrôleurs et les liens de transmission. Interrogé sur le cas de SFR et Bouygues, le président de l'Autorité de la concurrence avait répondu qu'un rapprochement ne serait acceptable que dans certaines zones et non à l'échelle nationale.

La 4G de Bouygues comme accélérateur ?
SFR et Bouygues parlent d'ailleurs d'un partage sur une partie de leurs réseaux qui reste à préciser. L'accord en discussions sera soumis aux sages de la rue de l'Echelle et au régulateur des télécoms, l'Arcep. L'accord devra « maintenir des conditions de concurrence satisfaisantes » a réagi ce mardi matin le gendarme des télécoms. « L'accord n'est pas signé, il est trop tôt pour se prononcer » réagissait lundi soir un haut fonctionnaire. A Bercy, ce lundi soir, Arnaud Monterbourg, le ministre du Redressement productif, et Fleur Pellerin ont déclaré dans un communiqué «prendre acte » de ces discussions et assuré que « le gouvernement reste vigilant » sur leur mise en ?uvre « afin que chaque acteur continue de prendre sa part d?investissement dans le déploiement des nouveaux réseaux. » Bouygues Telecom, qui vient d'obtenir un coup de pouce réglementaire sur la réutilisation des fréquences GSM (1800 Mhz), aura une couverture « nationale » de son réseau 4G à très haut débit mobile dès le 1er octobre (au moins 40% de la population), ce qui a peut-être servi d'accélérateur dans les discussions avec SFR, qui compte presque deux fois plus d'abonnés mobiles (21 millions contre 11,3 millions). La 4G doit en effet permettre aux opérateurs de "recréer de la valeur" (comprendre augmenter les prix). Vivendi, en plein recentrage stratégique sur le divertissement et les contenus, envisage de scinder SFR par un "spin-off" (distribution d'actions). Elle avait refusé les avances des actionnaires de Numericable à l'automne dernier. Alors que les deux opérateurs ont mis en place des plans de départ volontaire l'an passé (542 postes chez Bouygues, 1.123 suppressions chez SFR hors créations), les syndicats se déclarent d'ores et déjà vigilants sur les possibles conséquences sociales de ce rapprochement des réseaux.