Tickets resto dématérialisés : "Moneo a tenté un coup de poker"

Par Propos recueillis par Jean-Yves Paillé  |   |  509  mots
Le marché du ticket restaurant dématérialisé ne se développe pas très rapidement, en raison des réticences des salariés notamment, explique Cédric Chanoine.
Moneo a dû abandonner son porte-monnaie électronique, onéreux pour les commerçants et trop précurseur pour les particuliers. La société se tourne désormais vers le titre restaurant dématérialisé. Un pari risqué, estime Cédric Chanoine, spécialiste des services financiers et senior manager du cabinet Colombus Consulting.

La Tribune - Pourquoi le porte-monnaie électronique n'a pas connu le succès escompté auprès des particuliers ?

Cédric Chanoine. Il y avait un manque de maturité dans les usages du grand public. Pour rappel, le porte-monnaie électronique Moneo est sorti il y a 15 ans. Peu de nouvelles solutions pour régler ses emplettes sortaient alors sur le marché. Le paiement sur mobile n'existait pas, le paiement sans contact non plus. Les consommateurs ont manqué d'appétence pour ce nouveau moyen de paiement. La carte devait être rechargée, il fallait soit une borne Moneo soit des distributeurs adaptés, cela ne facilitait pas son utilisation.

La Tribune -  Ce système n'a pas non plus bénéficié d'un soutien important chez les acteurs du marché...

Cédric Chanoine. Les commerçants devaient s'équiper de nouveaux terminaux adaptés au système Moneo, cela représentait un coût d'achat important. Par ailleurs, ils n'avaient pas d'intérêt à accepter ce type de paiement car à chaque transaction, une commission était prélevée par la banque.

Et les acteurs bancaires, qui ont poussé ce type de paiement au départ [les grandes banques françaises avaient investi dans le projet au départ, associées au sein d'un groupement d'intérêt économique, Ndlr], n'étaient finalement pas très enthousiastes. Comme les fabricants de cartes, ils n'étaient plus convaincus par le développement de cette solution de paiement. Il y a eu des investissements dans la communication au départ, mais les acteurs ont rapidement "laissé vivre" ce système de paiement.

La Tribune -  La société se concentre désormais sur le marché des titres restaurant dématérialisés avec Moneo Resto. Est-ce une bonne stratégie ?

Cédric Chanoine. Moneo a tenté un coup de poker. La société a sorti son offre en 2012 avant les autres concurrents, alors que le cadre légal n'avait pas évolué. En 2013, sous la pression des acteurs historiques du ticket restaurant, le gouvernement a mis à niveau le cadre législatif, ce qui a permis aux acteurs historiques du secteur de lancer aussi leur offre de ticket dématérialisé. Quatre nouveaux acteurs se sont ainsi positionnés dans le ticket dématérialisé, dont Moneo Resto.

Mais ce marché ne se développe pas très rapidement, notamment parce que les salariés ne sont pas satisfaits des contraintes liées au passage à la carte. Ils ne peuvent plus utiliser le titre restaurant le dimanche, ni le soir, on ne peut pas non plus le donner aux enfants ni au conjoint. Certaines grandes entreprises ne laissent pas le choix à leurs employés toutefois. Cela fait du bruit dans l'entreprise qui a pour principal avantage la gestion.

Moneo peut espérer que, comme dans les autres pays, les titres papier soient interdits et que le titre restaurant devienne électronique à 100%.

D'autant plus que Moneo a dû investir des sommes importantes dans la partie "dématérialisée" car tous les systèmes adaptés n'existaient pas.