Logement étudiant : les faux agents immobiliers attaqués en justice

Par Laura Fort  |   |  1014  mots
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Les étudiants sont la cible des vendeurs de listes de petites annonces de logement, aux pratiques peu scrupuleuses. Ces derniers, déjà épinglés par la DGCCRF en 2010, persistent dans leurs abus. L'association UFC-Que Choisir porte plainte contre 13 enseignes.

Ils s'appellent Hestia, Top Immo, MIL'IM ou encore Casa Immo, et sont "vendeurs de listes". Comprendre : ils commercialisent des listes de petites annonces de biens immobiliers à louer et ciblent en priorité la population étudiante. Mais il ne faut pas s'y méprendre : ils ne sont ni agents immobiliers (à moins d'en avoir la carte professionnelle), ni supports de diffusion d'annonces comme Seloger.com ou De particulier à particulier.
Leur modèle économique en est d'ailleurs bien distinct. Les vendeurs de listes reprennent des annonces déjà existantes pour les publier sur des sites spécialisés ou des journaux. Puis, lorsqu'un candidat à la location les contacte, ils l'invitent à venir dans leur "boutique" pour lui proposer d'acquérir une plus grande liste d'annonces. Jusque là, rien de répréhensible. Sauf que ces marchands de listes sont bien peu scrupuleux, se faisant passer pour ce qu'ils ne sont pas et faisant payer des prestations qu'ils ne fournissent pas.

Des abus à tous les étages

Si bien que l'association de consommateurs UFC Que Choisir vient de déposer plainte pour pratiques commerciales trompeuses et encaissement anticipé contre 13 enseignes de marchands de listes*. La Confédération étudiante met elle aussi en garde contre leurs pratiques depuis plusieurs années : l'organisation étudiante a même envahi certains points de vente pour réclamer le remboursements des étudiants abusés par leurs pratiques.
En 2010, la DGCCRF (direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes) a également épinglé cette profession et prononcé depuis quelques sanctions et rappels à l'ordre.
En juin 2012, l'UFC a réalisé une enquête auprès de 18 points de vente appartenant à 15 enseignes différentes et situés dans 11 villes universitaires, pour voir si le secteur avait bien été assaini. Et les résultats sont accablants : biens non pertinents, non disponibles, prestations non fournies, pratiques trompeuses, confusions avec la profession d'agents immobiliers... Le cocktail est explosif !
Les membres de l'UFC se sont faits passer pour des étudiants en recherche d'appartements à louer et ont constaté "des abus à tous les étages".

Confusion totale avec le métier d'agent immobilier

Tout commence par les petites annonces que les marchands de listes republient dans les journaux ou sur les sites spécialisés, et qui sont noyées parmi les annonces de particuliers et d'agences. La confusion pour l'étudiant en recherche d'une location est totale, d'autant plus qu'il est mentionné sur ces annonces des frais d'honoraires ou d'agences. "Le vendeur de listes, qui n'est ni le propriétaire, ni son mandataire, ne peut "offrir" un bien en location, puisque juridiquement, il ne peut être mandaté par le propriétaire pour sélectionner le locataire, ni faire les visites et signer le bail en son nom", souligne l'UFC. Le fait que ces vendeurs avancent masqués est d'ailleurs pour l'UFC la principale cause de leur pérennité.
La vigilance est également de mise lorsque la personne intéressée est "rabattue" dans le point de vente du vendeur de listes, qui ne mentionne par ailleurs jamais l'objet réel de son activité, ce qui entretient encore la confusion.
Pour acquérir une liste d'annonces d'appartements à louer, l'intéressé devra choisir des critères souvent sibyllin : pas de loyer maximum souhaité mais une fourchette de montants, une surface imprécise du bien, une zone géographique floue, etc... Problème : l'UFC a remarqué que les biens proposés étaient rarement disponibles, voire déjà loué avant la fourniture de la liste, et qu'ils ne correspondaient quasiment jamais aux besoins exprimés par le candidat à la location.

Des biens sans rapport avec les besoins du client

L'association relève que 16 établissements sur 18 ne prennent même pas en compte la surface minimum exigée par le client, et que 13 d'entre eux ne permettent pas de sélectionner un quartier ou un arrondissement particulier. "Non seulement ils n'apportent aucune garantie à la conclusion effective d'un bail, à la différence d'une agence immobilière mandatée, mais ils se défaussent de leur obligation réelle et légale, qui est de fournir « exclusivement » des biens correspondant aux desideratas du client", constate l'UFC.
L'association de consommateurs s'est livrée à la même recherche de biens à louer sur un site de petites annonces gratuites, et remarque que, dans 89% des cas, le marché du gratuit a proposé davantage d'annonces de biens pertinents, qui plus est, à des loyers inférieurs à ceux de la liste des vendeurs.

Des frais prohibitifs

Quant aux frais facturés, ils sont prohibitifs. L'UFC rapporte de son enquête une moyenne de 28 annonces par liste fournie, pour un prix moyen de 222 euros pour l'achat de cette liste. Mais il y a des "perles", comme cette boutique Ancea de Paris, qui a fourni à l'UFC une liste comprenant 3 annonces pour la modique somme de 450 euros. Sachant que le budget moyen d'un étudiant s'élève à 610 euros selon l'étude BVA-Sodexo de mai 2012.
Pour justifier l'importance de ces frais, les marchands de listes précisent qu'ils comprennent les frais d'états des lieux, de bail, ou encore de recherches et de visites. Là encore, le bât blesse : "il trompe le consommateur, car ni l'état des lieux, ni les visites, ni la recherche, ne peuvent être facturés à un locataire", ajoute l'UFC.
Cerise sur le gâteau : 16 établissements sur 18 ont exigé un paiement avant la « parfaite exécution » de leur obligation et sont donc en infraction.
Au final, Alain Bazot, le président de l'UFC, dénonce "la scandaleuse politique du "paie pour être moins bien servi" des marchands de listes" et invite à "bien réfléchir avant de bourse délier". Il souhaiterait aussi que la DGCCRF intensifie ses contrôles et que ce sujet soit intégré au projet de loi sur la consommation que prépare Benoît Hamon.
Gare donc aux vendeurs de listes, véritables marchands de (mauvais) rêves pour étudiants...

 

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