Garantie des loyers selon Duflot : vers une usine à gaz ?

Par Mathias Thépot  |   |  591  mots
Les professionnels de l’assurance et de l’immobilier redoutent que la garantie universelle des loyers de Cécile Duflot ne soit une nouvelle usine à gaz.

Mettre en place une Garantie universelle des loyers en France n'est pas une mince affaire. La ministre du Logement Cécile Duflot se donne ainsi plus de 2 ans pour monter ce dispositif, qu'elle a intégré dans son projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) qui sera débattu au Parlement dès septembre.
La mise en place de cette "sécurité sociale du logement", censée couvrir l'intégralité des propriétaires et des locataires en cas d'impayés, sera effective le 1er janvier 2016. Elle nécessitera la création d'une agence publique chargée d'indemniser les propriétaires qui travaillera main dans la main avec le trésor public pour le recouvrement des impayés. Un service d'accompagnement social sera également créé, alors que des intermédiaires, peut-être assureurs, s'occuperont de gérer les sinistres.

Une usine à gaz ?

Pour que la mesure soit efficiente à son lancement, deux ans ne seront pas de trop pour mettre tout cela en place. Mais certains, comme l'assureur spécialiste en la matière Galian, perçoivent ce dispositif comme une future usine à gaz.
En plus de sa lourdeur administrative, il pourrait déresponsabiliser certains locataires et propriétaires, estime pour sa part Jean-François Buet, le président de la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim).
Résultat, le total des impayés à recouvrir risque d'être plus important que prévu par le ministère du Logement. Galian les chiffre à 2 milliards d'euros, alors que le ministère les estime à 700 millions, indique Alain Ledemay, directeur général de Galian.

Un mécanisme assurantiel en deux branches 

L'assureur propose de créer "un mécanisme assurantiel généralisé avec une garantie unique gérée par les assureurs, courtiers et professionnels de l'immobilier". Cette garantie serait scindée en deux branches, dont les résultats seraient mutualisés. L'une serait à destination des "publics sensibles qui ont besoin d'un soutien à la location d'un logement, et qui ont des ressources précaires avec un taux d'effort (part du loyer dans le revenu disponible ndlr) de 30% ou 33%, jusqu'à 40%", propose Galian. La cotisation, partagée entre propriétaires et locataires, serait fixée à entre 3% et 3,5% minimum du montant du loyer, selon les estimations de l'assureur. Cette branche généraliserait en fait la "Garantie des risques locatifs" (GRL) existante, qui n'assure pour l'instant que 300.000 logements.
L'autre branche, s'apparentant à la "Garantie des loyers impayés" (GLI) souscrites pour seulement 900.000 logements aujourd'hui, s'adresserait aux publics pouvant accéder sans difficulté au parc locatif privé, avec un taux d'effort allant jusqu'à 30 ou 33 %. La cotisation serait ici d'environ 2% du loyer.

Quid des taux d'effort supérieurs à 40% ?

Pour ne pas déresponsabiliser les locataires, Galian suggère également de créer un fichier recensant les locataires en situation d'impayés et sujets à un contentieux judiciaire avec leur propriétaire.
En revanche, la proposition de l'assureur ne prévoit pas d'intégrer les publics avec un taux d'effort supérieur à 40%, un profil assez fréquent dans les zones tendues où le salaire ne peut pas atteindre une telle part d'un loyer trop important. Théoriquement, le système de caution privée s'appliquerait alors, obligeant les locataires à solliciter famille ou amis ayant des revenus suffisants. S'il reconnait que le sujet est sensible, Alain Ledemay admet qu'"il y a un niveau au-delà duquel ce n'est plus possible" de couvrir les risques. C'est bien connu, un assureur assure lorsqu'il y a un aléa. Lorsqu'il estime qu'il n'y en a pas, il n'assure pas…