Logement : les normes d'accessibilité aux personnes handicapées pourraient être modifiées

Par Mathias Thépot  |   |  815  mots
Le respect des normes impose dans certains cas des tailles de cuisine qui obligent à les garder ouvertes. Ce qui peut nuire sérieusement à la qualité de vie
Les professionnels de l'immobilier affirment s’arracher les cheveux pour construire des nouveaux logements adaptés au personnes en situation de handicap. Un groupe de travail réuni autour de la sénatrice Claire-Lise Campion, auquel participe les associations, planche sur les modifications à apporter à la règlementation.

"Aujourd'hui, tous les nouveaux logements se ressemblent. Ils sont tous équipés de cuisines américaines ; et dans les petits appartements, les salles de bain font pratiquement la même taille que les séjours".

Avec ce constat, Marc Gédoux, président du promoteur immobilier Pierre Etoile, exprime ses réserves, c'est un euphémisme, vis-à-vis des normes pour l'accessibilité des personnes handicapées dans les logements, instituées par la loi du 11 février 2005 pour "l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées".

La législation prévoit en fait que la totalité des nouveaux logements construits soient adaptés aux personnes handicapées. Seule exception :

"ces dispositions ne sont pas obligatoires pour les propriétaires construisant ou améliorant un logement pour leur propre usage".

De nombreuses situations absurdes

Comme Marc Gédoux, beaucoup de professionnels du bâtiment s'arrachent les cheveux pour intégrer quotidiennement ces normes dans leurs constructions. Pour être adaptées aux personnes à mobilités réduites, certaines pièces comme la cuisine, la salle de bain, les toilettes, l'entrée ou la chambre, nécessitent dire des aménagements très spécifiques. Indispensable pour les personnes en situation de handicap, l'application généralisée de ces normes contraignantes à toutes les nouvelles constructions pose en revanche question, surtout en cette période où la crise du logement se fait plus que jamais pesante.

Depuis 2005, nombres de situations cocasses sont d'ailleurs apparues :

"Dans les nouvelles résidences étudiantes par exemple, tous les appartements sont adaptés aux personnes handicapées, avec des salles de bain de la taille des séjours, alors qu'il n'y a parfois pas une seule personne en situation de handicap vivant dans la résidence"

Autre exemple : toutes les cuisines doivent désormais être élargies pour permettre aux personnes à mobilité réduite de s'y déplacer sans problème. Dans certain cas, la taille de la cuisine devenant trop grande par rapport à celle de l'appartement, elle doit être ouverte sur le salon. Ce qui peut nuire sérieusement à la qualité de vie. Marc Gédoux explique :

"Les populations asiatiques par exemple, dont la cuisine est très parfumée, refusent d'acheter un appartement dont la cuisine est ouverte sur le séjour",

La construction peut être remise en cause

Et si par moment, "la qualité des logements est en jeu, c'est parfois leur construction même qui est remise en cause", explique un rapport d'experts piloté par l'architecte Emmanuelle Colboc. Sur certains terrains en pente, il est parfois impossible de construire des logements … car ils ne seraient pas accessibles aux personnes handicapées. En période de pénurie de logements, ce type de désagrément est malvenu. Le rapport Colboc est radical :


"Les écueils rencontrés régulièrement par les opérateurs pour monter leurs opérations de logements en respectant la règlementation accessibilité doivent absolument disparaître (…) il en va de l'intérêt collectif"

 

Comment s'adapter à tous les handicaps ?

Même dans le milieu du handicap, la loi de 2005 ne fait pas l'unanimité :

"Elle s'est attachée à demander à des gens en situation de handicap ce qu'était pour eux l'autonomie. Aborder cette notion entraîne des développements considérables. Que veut dire autonomie pour un obèse ? Pour un paraplégique ? Pour un tétraplégique ? Pour une personne de petite taille ? Pour un aveugle ? A chaque fois, les réponses diffèrent autant que les attentes.(...) Cela se négocie. Parfois, aucun espace ne donnera cette autonomie", explique Philippe Monmarché, directeur de Sherp'accès, une société d'assistance à la maîtrise d'ouvrage en matière d'accessibilité.

Les associations ne sont pas plus satisfaites

Pour remédier à la situation dans une démarche constructive, un groupe de travail réuni autour de la sénatrice Claire-Lise Campion planche "sur la révision des prescriptions techniques et règlementaires dans le domaine de l'Accessibilité". Autour de la table, les services du ministère du Logement, des fédérations d'entreprises du bâtiment, de l'architecture et de l'immobilier, sont présents, ainsi que plusieurs associations de personnes handicapées.

Ce groupe de travail a vocation à se réunir tous les quinze jours jusqu'en janvier. De ses conclusions devraient découler une avancée législative, par voie d'ordonnance comme le fait le ministère du Logement depuis plusieurs mois en matière de normes de construction. Pour l'instant, plusieurs pistes sont sérieusement étudiées. La notion d'adaptabilité des logements aux personnes à mobilité réduite, qui fait un relatif consensus, pourrait être retenue. L'objectif serait ici de faire baisser la proportion de logements adaptés aux handicapés, et de rendre en parallèle tous les nouveaux logements adaptables aux normes au prix de travaux mineurs comme par exemple la destruction d'une cloison sans toucher aux murs porteurs.