Loi Duflot : ces zones d'ombre qui font encore désordre

Par Mathias Thépot  |   |  733  mots
La création d'un fichier des "mauvais payeurs" de loyers de loyer pourrait poser un problème à la CNIL (Crédits : AFP)
Après le vote par le parlement de la loi en première lecture, la Garantie universelle des loyers (GUL) de Cécile Duflot présente encore quelques incertitudes qui devraient être levées par décret. A moins que les parlementaires apportent des modifications substantielles lors de la deuxième lecture du texte….

Votée le samedi 26 octobre par le Sénat en première lecture, la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) de Cécile Duflot présente encore quelques zones d'ombres. Celles-ci se concentrent sur la très controversée Garantie universelle des loyers (GUL) qui est l'objet de l'article 8 du projet de loi de la ministre du Logement. Cette mesure censée assurer les propriétaires contre les impayés de tous les locataires du parc privé est jugée trop permissive par ses détracteurs.

Les modalités de la GUL seront déterminées par décret

C'est ici la manière d'appréhender l'aléa moral qui fait débat : les locataires se sachant couverts seront-ils incités à ne plus payer leur loyer ? De toute évidence, les propriétaires le craignent. Et cela les inquiète d'autant plus que les montants et les délais de remboursement ne sont pas encore clairement déterminés.

Ils seront en fait connu plus tard grâce à un décret en Conseil d'État qui précisera "les conditions exigées pour bénéficier de la garantie universelle des loyers, le montant minimal d'impayés ouvrant droit à la garantie, le montant maximal de la garantie accordée pour un même logement en fonction de la localisation du logement et de sa catégorie, et la durée des versements", est-il indiqué dans le projet de loi voté au Sénat.

Le décret définira "également les modalités de recouvrement des impayés ainsi que les mesures d'accompagnement social en faveur des locataires dont les impayés de loyer sont couverts par la garantie", est-il ajouté dans le texte voté le week-end dernier.

Un problème de constitutionnalité ?

Le ministère de l'Économie qui aura son mot à dire lors de la rédaction du décret, puisque le dispositif GUL sera financé par des fonds publics, a déjà sa petite idée sur les modalités à appliquer à la mesure. Dans un rapport commandé par Bercy à l'Inspection générale des finances (IGF), il est ainsi préconisé, pour dissuader les locataires de ne pas payer, l'usage de prérogatives telles que les saisies sur les salaires, les allocations familiales ou les comptes bancaires.

Selon l'IGF, ces mesures musclées sont une condition sine qua non pour assurer la viabilité du dispositif, qui présente un risque de dérapage pour les finances publiques s'il n'est pas parfaitement équilibré et calibré.

Reste que ces moyens renforcés alloués par l'État dans le but d'indemniser au mieux les propriétaires pourraient poser un problème de constitutionnalité. En effet, les préconisations de l'IGF mettent "au service des intérêts privés les moyens de l'État pour recouvrer les créances", constate, inquiet, Denys Brunel, président de la Chambre des propriétaires.

Une intervention de la Cnil ?

Une autre zone d'ombre dans le rapport de l'IGF concerne la proposition de créer un "fichier des baux", dont le but poursuivi est d'écarter les mauvais payeurs du dispositif, ce qui soulagerait les propriétaires. Concrètement, avant de louer, le bailleur devra s'assurer que son futur locataire n'est pas inscrit au fichier des mauvais payeurs (arriérés de paiement, refus de solutions de relogement et d'apurement de la dette).

Intrusive, cette mesure, si elle est intégrée dans le décret, pourrait subir la gronde de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), garde fou de la vie privée des Français.

La deuxième lecture au Sénat pourrait donner lieu à des modifications substantielles

Avant la parution des décrets, des évolutions pourraient cependant intervenir en deuxième lecture par le parlement : en votant la mise en place de la GUL, les sénateurs ont créé un groupe de travail destiné à améliorer cette garantie.

"Il faut aller plus loin, d'ici la deuxième lecture, ce qui nous laisse du temps pour travailler", avait estimé le président de la commission des Affaires économiques Daniel Raoul (PS). "Je ne doute pas qu'il aboutisse à des propositions très constructives, afin de cimenter un projet très opérationnel".

La GUL, financée à parité par locataires et propriétaires via une cotisation sur le loyer, devrait être mise en place d'ici au 1er janvier 2016.