Le logement intergénérationnel, une solution potentielle pour les jeunes

Par Mathias Thépot  |   |  669  mots
Potentiellement, l’offre de logements de personnes âgées seules à destination des jeunes dans le but de cohabiter représente près de 2 millions de logements.

Si elle est isolée dans un logement trop grand, pourquoi une personne âgée ne pourrait pas accueillir un jeune à la recherche d'un logement ? Dans un pays en mal de mixité sociale et rongé par la crise de l'habitat comme la France, la question de pose.

En effet, en matière de logement, tout oppose ces deux tranches d'âges : seules, les personnes âgées habitent souvent dans des logements sous-peuplés dont elles sont propriétaires, et ce même dans les zones tendues. En France, 44% des personnes vivant seules ont ainsi 60 ans et plus. A l'inverse, les moins de 30 ans sont les plus touchés par la précarité ainsi que par le surpeuplement dans leur logement.

Ne pas maquiller un service d'aide à domicile

Dans ce contexte, valoriser la cohabitation entre un jeune et un sénior, ce qu'on appelle le logement intergénérationnel, pourrait satisfaire plusieurs besoins. Ce, à conditions évidemment que la situation ne soit pas subie par au moins une des deux personnes, que leur intimité soit préservée dans le logement (chacun doit avoir sa chambre), que les rétributions financières dont s'acquitte le jeune locataire ne soient pas abusives, et que la personne âgée soit autonome. Car le but de ce type de logement n'est surtout pas de maquiller un service d'aide à domicile.

Une offre quatre fois supérieure à la demande

Venu d'Espagne, ce type d'initiative a émergé en France au début des années 2000. Mais pour l'instant le nombre de logements intergénérationnels est marginal. Le potentiel ne l'est pourtant pas : selon l'Enquête nationale logement (ENL), l'offre potentielle (sans demander leur avis aux séniors) est de près de 2 millions de logements en sous peuplement prononcés, occupés par un ménage d'une personne âgée de 60 ans ou plus.
En face, la demande totale potentielle de jeunes s'élève à .... 500.000 unités, selon l'ENL. Elle est quatre fois inférieure ! Un comble en ces temps où la demande de logements excède largement l'offre.
Mais dans les faits, "la demande des jeunes est plus importante que l'offre des séniors", expliquait lundi Ingrid Fourny, géographe consultante au Cresge, une entité de l'Institut Catholique de Lille, lors d'un colloque organisé par le Conseil d'orientation des retraites (COR) sur le thème du logement des retraités.

Les personnes âgées ont un a priori négatif des jeunes

Les freins à la mise en location d'une chambre par un sénior sont en effet multiples.
La premier est "l'a priori négatif des séniors envers les jeunes", explique la géographe, ainsi que la crainte de "perdre son intimité" ; mais aussi la peur du regard des autres : prendre un jeune, c'est insinuer à son voisinage que l'on a besoin d'aide. Certains retraités estiment également que les rétributions financières sont insuffisantes pour le service rendu au jeune.
D'autres freins d'ordre juridique obèrent le développement de la cohabitation entre un sénior et un jeune. Ils concernent l'absence d'encadrement de la contribution financière des locataires, ainsi que la dissimulation illégale d'une aide à domicile que seul un professionnel est autorisé à apporter.

L'utilité sociale du sénior

Car c'est bien une contrepartie qui est demandée au jeune par le sénior et non un service. En plus d'un loyer, cette contrepartie se matérialise par des échanges réguliers et par une présence du jeune à des moments précis de la journée comme le repas.

"Pour le sénior, l'intérêt de ce type d'habitation, en plus de percevoir un complément de ressource, est de rompre avec sa situation d'isolement", insiste Ingrid Fourny. "Cela lui permet également d'avoir une utilité sociale car il rend service à un jeune en situation de précarité vis-à-vis de son logement et il peut également transmettre son expérience", ajoute-t-elle.

Tout cela participe à alimenter les liens intergénérationnels auxquels de plus en plus de  jeunes sont sensibles.