L'immobilier de tourisme en montagne risque de dévisser

Par latribune.fr  |   |  657  mots
Entre 30 et 40% des cinq millions de lits touristiques des massifs français sont 'froids", c'est à dire occupés moins de 4 semaines dans l'année.
Deux sénateurs s’inquiètent de l’excès d'offre immobilière de tourisme dans les montagnes. Ils demandent notamment la suppression de dispositifs fiscaux trop incitatifs.

Donner une tendance globale sur l'immobilier en France n'a quasiment aucun sens tant le marché est hétérogène. La situation de l'immobilier de tourisme des stations de montagne en en est un exemple criant.
Alors que l'on cesse de dire que l'on manque d'habitations en France, en haut des montagnes, on s'inquiète à l'inverse du fait qu'il y en ait trop.
Les "lits froids", occupés moins de 4 semaines par an, souvent situés dans des appartements trop petits, mal isolés ou mal équipés, représentent en effet entre 30 et 40% des cinq millions de lits touristiques des massifs français, estime l'Association nationale des maires de stations de montagne.

L'immobilier, moteur de l'économie des grandes stations de ski

Un rapport d'information sénatorial publié début mars justifie cet état de faits par la "fuite en avant" de l'immobilier touristique en montagne. Depuis les années 1970, les stations de ski construisent en effet toujours plus d'hébergements neufs. "L'immobilier a été le moteur économique de développement des grandes stations intégrées de sports d'hiver, caractéristiques notamment du département de la Savoie", indiquent les sénateurs auteurs du rapport Hélène Masson-Maret (UMP) et André Vairetto (PS).

Concrètement, les marges dégagées par les programmes immobiliers neufs "garantissent le financement des équipements et constituent donc un fondement indispensable de la viabilité financière du modèle économique des stations", ajoutent-ils. Grâce à cela, la France est devenu le premier parc mondial des remontées mécaniques.

La fréquentation en montagne fléchit

Revers de la médaille, le parc neuf s'étale continûment, "tout en laissant se dégrader leur parc immobilier ancien, qui menace par endroits de former des friches touristiques à l'abandon", s'alarment les deux sénateurs.

D'autant que la fréquentation en montagne fléchit. En cause : l'incertitude météorologique, l'image encore élitiste dont souffrent les vacances en montagne et le fait que, par rapport aux destinations concurrentes comme la Suisse ou l'Autriche, les stations françaises proposent une offre jugée parfois trop standard. En outre, "la montée en puissance des destinations urbaines a relégué la montagne à la quatrième place, derrière la mer et la campagne", expliquent les sénateurs.

"Considérant que ce processus est à la fois suicidaire sur le plan économique et néfaste sur le plan environnemental", ils appellent en conséquence à "un Grenelle de l'immobilier touristique en montagne" pour dégager des "solutions durables".

Stopper les dispositifs fiscaux incitatifs

Les sénateurs demandent notamment la suppression des dispositifs fiscaux qui ont favorisé le développement des résidences de tourisme en montagne.

"Ils sont proposés comme un investissement locatif sûr pour les propriétaires : en achetant dans une résidence de tourisme classée, ils ont pu bénéficier d'une déduction de TVA sur le prix d'achat ainsi que d'une réduction d'impôt dans le cadre des dispositifs "Demessine" et "Censi-Bouvard", en contrepartie d'un engagement d'affecter leur bien à la location pendant une durée de neuf ans".

Ce qui "amène à s'interroger sur la viabilité à moyen terme de ce modèle de développement. À l'échéance règlementaire des baux à un horizon de neuf à douze ans, ce sont autant de logements qui sont susceptibles de sortir du marché locatif", s'inquiètent les sénateurs.

 

Mobiliser l'épargne locale

Ils militent donc pour "supprimer les incitations fiscales à l'investissement locatif dans l'immobilier de loisir neuf" en montagne et instaurer au contraire un dispositif fiscal "incitant à la réhabilitation du parc locatif existant", assorti d'une obligation de location d'au moins 15 ans.

Autres propositions : permettre aux communes de moduler la taxe foncière en fonction du taux d'occupation sur la saison de chaque logement touristique ; et généraliser la mise en place, en mobilisant l'épargne locale, de sociétés foncières pour réhabiliter l'immobilier de loisir.