1990, 2007 : deux crises immobilières provoquées par l'innovation financière

Par Mathias Thépot  |   |  710  mots
La hausse des prix de l'immobilier dégrade également la balance courante des pays
Depuis la dérèglementation financière du début des années 1980, deux cycles immobiliers se sont succédé, provoquant crises et récessions. Avec le temps, l'innovation financière progresse et les dégâts sur l’économie réelle sont de plus en plus importants.

On compare souvent la crise initiée en 2007 à celle de 1929. Mais une autre crise, plus récente, certes de moindre ampleur, présente des similitudes importantes avec celle que nous vivons aujourd'hui. Cette crise s'est déroulée au milieu d'un cycle, celui de la  la période 1985-1995. Pourquoi est-il plus pertinent de la comparer avec la crise de 2007 ? Car elles se sont toutes les deux déclenchées après la déréglementation financière du début des années 1980.

De nombreux pays de l'OCDE ont abandonné à cette époque l'idée d'encadrer les crédits. Résultat, l'offre de prêts immobiliers s'est emballée et les prix réels des logements se sont envolés… avant de s'écrouler, ce qui a entraîne crises bancaires et récessions. Puis les prix ont remonté à partir de 1997… avant de s'écrouler à nouveau 10 ans plus tard avec des conséquence similaires. 

Les crises suivent désormais une logique de cycles

Une note du Centre d'Études Prospectives et d'Informations Internationales (Cepii) explique que, depuis la libéralisation de la finance,  les crises suivent en fait l'évolution des cycles immobiliers. "Deux cycles immobiliers globaux se sont succédé entre 1985-1995, et entre 1997-2012", explique son auteur, l'économiste Thomas Grjebine. Et à chaque fois,  "les banques ont alors cherché à dégager une rentabilité élevée en se tournant vers de nouvelles catégories d'emprunteurs dont les risques sont sous-estimés", explique-t-il.

Autre similitude : pour les deux périodes, le retournement généralisé des marchés immobiliers s'explique en grande partie par le resserrement de la politique monétaire qui visait à calmer l'emballement des prix.

Pour le second cycle (1997-2012) notamment, "l'augmentation du taux directeur de la Réserve fédérale de 1 % à 5,25 % entre 2004 et 2006 est l'une des explications du déclenchement de la crise des subprimes, les emprunteurs se trouvant confrontés à une hausse importante de leurs mensualités, les plus fragiles étant incapables de faire face à leurs remboursements", se souvient l'auteur de la note. 

Des conséquences désastreuses sur l'économie réelle

Les conséquences des retournements des marchés immobiliers sont désastreuses sur l'économie réelle : presque tous les pays de l'OCDE vont connaître au moins un épisode de récession pendant la période 1989-1993, ainsi que des hausses très fortes des taux de chômage : de 6,8 % à 10,3 % au Royaume-Uni, de 16 % à 24 % en Espagne (1990-1994), de 5,3 % à 7,5 % aux États-Unis (1989-1992), et de 9,1 % à 12,6 % en France (1991-1994), énumère la note du Cepii.

L'augmentation du chômage sera encore plus spectaculaire après 2007 : "le taux de chômage a plus que triplé en Espagne (passant de 8,3 % en 2007 à 26 % fin 2012), plus que doublé aux États-Unis (de 4,6 % en 2007 à 9,6 % en 2010) et a augmenté de près de 50 % au Royaume-Uni (de 5,3 % en 2007 à 7,9 % en 2012)", indique l'auteur de la note.

L'innovation financière amplifie les crises

Il faut donc dire qu'à bien des égards, "le second cycle apparaît comme une reproduction amplifiée du premier", ajoute-t-il.
Pour quelle raison ? Une ingénierie financière qui progresse. Ainsi la technique de la titrisation a connu "une nouvelle phase de développement dans les années 2000 du fait notamment d'un ensemble d'innovations dans les produits financiers (produits dérivés., etc). Mais ce développement n'a pas été sans risque ", déplore Thomas Grjebine.

L'exception allemande

Un pays semble toutefois être passé entre les gouttes des cycles immobiliers : l'Allemagne. "Ce pays n'a pas connu de boom immobilier entre 1985 et 1990, probablement en raison de l'absence de libéralisation financière significative. Les sociétés de crédit ont en effet continué à exercer leurs activités dans le même environnement réglementaire", nous indique la note du Cepii. La réunification allemande, qui a tiré les prix du logement à la hausse, à Berlin notamment, est ensuite venu accentuer la désynchronisation du cycle immobilier allemand. 

Réguler pour éviter une prochaine bulle

Reste que dans la plupart des pays de l'OCDE, la hausse des prix de l'immobilier a désormais repris : 38 % au Canada depuis 2008, 8 % au Royaume-Uni, 15 % à Londres, 14 % aux États-Unis en 2013.

Voilà pourquoi, il faudra porter une attention toute particulière à la régulation financière pour ne pas revivre une récession d'une plus grande ampleur encore que la précédente.