Immobilier : faut-il revenir aux prêts à taux variable ?

Par Mathias Thépot  |   |  577  mots
85% des prêts immobiliers en France sont à taux fixe.
Les banques françaises s’élèvent contre une recommandation du comité de Bâle qui les contraindrait à offrir plus de taux variables pour les crédits immobiliers .

Très prisés des français, les prêts immobiliers à taux fixes sont remis en cause par le comité de Bâle. Le régulateur hébergé par la banque des règlements internationaux (BRI) devrait émettre d'ici à la fin de l'année 2014 des propositions visant à maîtriser le risque de taux pour les banques. L'environnement des taux historiquement bas est au sens du régulateur une véritable menace pour l'équilibre financier de celles qui pratiquent massivement des prêts à taux fixe. Ce qui est notamment le cas des banques françaises qui possèdent dans leur bilan plus de 800 milliards d'euros d'encours de prêts immobiliers, dont 85% sont à taux fixe.

Faire peser le risque sur l'emprunteur...

Une remontée des taux de refinancement pourraient faire perdre beaucoup à ces établissements financiers. C'est pourquoi le comité de Bâle penserait revoir la manière dont les banques traitent le risque de taux dans leur bilan, notamment en leur demandant d'accroître les réserves à mettre en face des crédits immobiliers à taux fixe. Si les banques souhaitaient échapper à ces contraintes, elles auraient alors plusieurs possibilités : se couvrir davantage sur les marchés (sic), revenir massivement aux prêts à taux variable en faisant de facto peser le risque de taux sur l'emprunteur en bout de chaîne, ou bien sortir les prêts de leur bilan par la technique de la titrisation.

... ne sera pas bien accueilli

Du côté des emprunteurs, nul doute qu'on ne verra pas d'un bon œil le fait de prendre le risque de taux ... d'autant que ceux-ci ne peuvent que croître à l'avenir tant ils sont bas aujourd'hui. "Le potentiel de baisse des taux est quasi nul", confirme Ludovic Huzieux, cofondateur du courtier immobilier Artemis Courtage.
Se voir imposer des crédits immobiliers à taux variable serait en outre d'autant plus incompréhensible pour les emprunteurs "qu'en d'autres temps pas très éloignés, les banques ont pris des risques fous garantis par l'Etat, et donc par les contribuables qui sont aussi des emprunteurs...", remarque Ludovic Huzieux. Bref, il y a fort à parier que le marché de l'immobilier en France se tarisse si les banques proposent des crédits à taux variables.

Le prix à payer d'une concurrence acerbe ?

Mais si les banques françaises sont autant exposées à une hausse des taux de refinancement, c'est aussi parce qu'elles dégagent de trop faibles marges par crédit immobilier. Elles se livrent, il faut dire, une concurrence de tous les instants pour capter le maximum de clients : les taux de crédits immobiliers atteignent sans cesse depuis 15 mois des niveaux bruts historiquement bas.

Quelle posture adopter ?

Les banques peuvent désormais adoptées deux postures : celle qu'elles ont pour l'instant choisi, la plus "court-termiste", où elles s'opposent au comité de Bâle pour ne pas perdre des clients et ne pas écorcher leur image ; et celle plus impopulaire mais plus prudente sur le long terme où elles commercialiseraient davantage de crédits à taux variable pour faire baisser le risque potentiel de remontée des taux sur leur bilan.

Du reste, "il serait très surprenant de voir in fine les régulateurs, qui ont tout fait depuis la crise de 2008 pour encadrer les crédits à taux variable, revenir en arrière", prédit Ludovic Huzieux. D'autant que les puissants lobbys bancaires français, allemands et japonais sont déjà montés au créneau pour contrecarrer les plans du comité de Bâle...