Immobilier : les décisions de Valls vont-elles créer une bulle spéculative ?

Par Mathias Thépot  |   |  623  mots
A peine plus de 300.000 logements ont été mis en chantier au cours des douze derniers mois.
Pour Cécile Duflot, la politique menée par Manuel Valls et François Hollande va créer une bulle spéculative. Est-ce possible ?

Les annonces de Manuel Valls du vendredi 29 août risquent-elles de faire naître une bulle spéculative dans le secteur immobilier français ? Pour Cécile Duflot, c'est en tout cas certain. L'ancienne ministre du Logement a publié une tribune dans le Monde où elle dénonce la nouvelle politique du logement menée par le Premier ministre.

En plus de revenir sur l'encadrement des loyers, Manuel Valls a annoncé deux autres mesures phares que sont l'instauration d'un "abattement fiscal exceptionnel" de 30% sur les plus-values de cession de terrain à bâtir jusqu'à la fin 2015, ainsi que la possibilité pour les acheteurs d'un logement neuf dans le cadre du dispositif fiscal dit "Duflot" de louer à "un ascendant ou à un descendant sous certaines conditions". Ils auront aussi le choix de s'engager à louer pour six, neuf ou douze ans, au lieu de neuf ans uniquement aujourd'hui.

Une augmentation des prix artificielle à venir ?

Un revirement évident. Pour rappel, Jean-Marc Ayrault et Cécile Duflot s'étaient toujours refusés à mettre en œuvre ces dernières mesures malgré les demandes répétées des professionnels du secteur. "En cédant à certains promoteurs, le gouvernement prend le risque de poursuivre un mouvement d'augmentation artificielle des prix, alors que leur baisse est nécessaire, et de faire construire des logements là où les besoins sont inexistants (...) En misant sur l'héritage, il prend le parti de concentrer le patrimoine et de renforcer les mécaniques de rente, ce qui ne résoudra pas la crise du logement", déplore ainsi l'ancienne ministre du Logement dans le Monde de ce vendredi 5 septembre.

Elle ajoute que "le plan de relance de la construction annoncé le 29 août par le premier ministre est une voie sans issue (...) Il augmente le régime de défiscalisation sans contreparties sociales, contrairement à toutes les politiques conduites par la gauche depuis Louis Besson".

Une bulle spéculative ? ...

S'il poursuit dans cette direction, Manuel Valls pourrait certes relancer le marché de l'immobilier qui en a fortement besoin ( le marché du neuf notamment va mal ), mais il risque en parallèle de faire grimper les prix des logements en déconnexion avec les revenus des ménages. Et donc de faire émerger une bulle spéculative. En effet si l'on en croit la définition du CAE, "on parle de bulle spéculative lorsque le prix d'un actif - ici les biens immobiliers - se déconnecte de ses déterminants dits fondamentaux : la motivation des acheteurs est alors essentiellement l'espoir de réaliser une plus-value à la revente, et non le désir de se loger".

... comme sous Sarkozy ?

Or on a pu constater ce phénomène dans l'histoire récente : Après la crise de 2008 Nicolas Sarkozy avait mené une politique du logement similaire à celle de Manuel Valls en créant un cadre fiscale très favorable pour le secteur de l'immobilier grâce à la loi Tepa, au dispositif Scellier et aux différents prêts à taux zéro (qui coutaient encore 4 milliards d'euros à l'Etat en 2013, selon le Conseil d'analyse économique). Ces dispositifs ont grandement participé à tirer vers le haut les prix de l'immobilier dès le début 2009, particulièrement en Ile-de-France, alors que les revenus des ménages n'augmentaient pas ou beaucoup moins (Cf graphique ci-dessous ).

Dans un environnement aussi attractif, ce sont principalement les ménages qui en avaient les moyens qui en ont profité pour réaliser de bonnes opérations. Et pour autant la construction neuve de logements n'a pas explosé dans des proportions similaires aux prix (Cf graphique ci-dessous).

Preuve que Manuel Valls marche aujourd'hui sur des œufs, même si d'aucuns s'accordent à dire que les pouvoirs publics doivent prendre des risques au regard de l'urgence de la situation.