Immobilier : le viager va-t-il ressusciter ?

Par Mathias Thépot  |   |  578  mots
La CDC compte par l'intermédiaire de son nouveau fonds, acquérir 400 logements en viager.
La Caisse des dépôts tente de remettre au goût du jour le viager pour subvenir aux besoins des petites retraites. Mais l’expérience reste encore très embryonnaire…

Jusqu'ici, lorsqu'on évoque le viager en France, on pense à Michel Serrault et à Michel Galabru dans le film de Pierre Tchernia, ou bien plus récemment à Jeanne Calment qui avait joué à son insu un bien mauvais tour à son notaire après lui avoir cédé sa maison en viager lorsqu'elle avait 90 ans... Celui-ci est même décédé avant elle !
Surtout, le viager est davantage perçu comme un mécanisme de spéculation sur la mort plutôt que comme une pratique utile à l'économie. Ainsi, actuellement, seulement "4.000 ventes en viager s'opèrent chaque année", estime Pierre-René Lemas, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), le bras financier de l'Etat.

Un solution à des problèmes de la société française ?

Mais alors que la population vieillit (un tiers des Français auront plus de 60 ans en 2040), que la précarité des retraités augmente, que les prix de l'immobilier atteignent des niveaux élevés et que le marché du logement ancien se bloque, le prêt viager hypothécaire pourrait revenir sur le devant de la scène.
Concrètement, pour contracter ce type de prêt, le retraité, appelé crédit rentier, vend son bien à un prix réduit tout en continuant à l'occuper jusqu'à sa mort. L'usage et la propriété sont ainsi dissociés. La signature du contrat de vente est le moment où le crédit rentier reçoit de l'acquéreur un capital appelé bouquet, premier versement qui sera suivi d'une rente mensuelle perçue durant le reste de sa vie.

Débloquer le marché immobilier

En plus de subvenir aux besoins des retraités qui souhaitent être maintenus dans leur domicile jusqu'à leur mort, le viager permettrait de fluidifier le marché du logement. "Il faut trouver des moyens pour introduire de la fluidité dans notre société sclérosée par son capital immobilisé", justifie-t-on à la Caisse des dépôts.

Toutes ces raisons ont incité la "vielle dame de la rue de Lille" à lancer un fonds nommé Certivia, pour l'instant doté de 120 millions d'euros, et qui rassemble une petite dizaine d'investisseurs institutionnels : la CNP Assurances, Suravenir, AG2R La Mondiale, Groupama, la Maif, la Macif, le Crédit Mutuel Nord Europe, ainsi qu'Unéo.
Le fonds devrait se porter acquéreur de 400 biens, soit un prix moyen de 300.000 euros. Une somme moyenne élevée qui se justifie par la localisation des biens acquis puisqu'ils seront situés en zones très tendues, c'est à dire en Ile-de-France, en Provence-Alpes-Côte d'Azur (Paca) et dans les centres villes des grandes métropoles.

Des bailleurs sociaux pour acheter en viager ?

Pas de quoi toutefois agir significativement sur le marché du logement français. Mais cette expérience en appelle d'autres, notamment dans le monde du logement social. Le viager serait en effet un moyen ingénieux pour faire passer des logements du secteur privé dans l'escarcelle du secteur conventionné si des bailleurs sociaux se portaient acquéreurs.

Pierre-René Lemas n'a d'ailleurs pas caché l'ambition des pouvoirs publics de développer ce type de mécanisme, même si des obstacles subsistent. "Les bailleurs sociaux qui pratiquent le viager de manière trop isolée avec peu de clients prendront de trop grands risques. D'où l'intérêt comme le fait la CDC de lancer un fonds qui par sa taille permet de lisser le risque statistique", indique un observateur avisé du logement en France.