De quelle crise du logement parle l’UMP ?

Par Mathias Thépot  |   |  1073  mots
La crise du logement est récente selon Nicolas Sarkozy... est-ce bien le cas?
Nicolas Sarkozy a dénoncé lors d'une convention à l'UMP une crise du logement récente. Pourtant le mal-logement est loin d'être une nouveauté. Il dénonce en fait la crise de la construction qui fait perdre des profits au monde des affaires, ainsi que la crise de l'accession pour les classes moyennes, qui va de pair avec la folle hausse des prix par rapport aux revenus depuis le début des années 2000.

"Contrairement aux idées reçues, la crise du logement est récente", clamait mercredi après-midi Nicolas Sarkozy lors de la « Convention logement » organisée au siège de l'UMP. Ou comment insinuer que la situation actuelle est la résultante de la politique du gouvernement en place. Mais de quelle crise du logement parle-t-il donc ? Assurément pas de celle des mal-logés, que la fondation Abbé Pierre dénombrait déjà à 3,5 millions en 2006.

Aujourd'hui, d'aucuns avancent qu'il manque 800.000 logements en France. Mais ceux-ci concernent en réalité des personnes "aux portes du logement", selon les termes de la Fondation Abbé Pierre.

"Ce chiffre est la somme des 100.000 personnes sans domicile, des 150.000 personnes hébergées dans le cadre de dispositifs collectifs, des 150.000 à 300.000 personnes contraintes à un hébergement chez des proches, et enfin des 300.000 personnes vivant dans des conditions atypiques", expliquait sur son blog Thomas Grjebine, économiste à l'OFCE.

Il manque donc bien des logements en France, mais à des prix abordables et de qualité décente, pour au moins 800.000 personnes. Pourtant la France est l'un des pays européens qui construit le plus de logements par habitant ! Autrement dit, s'il faut construire plus en France (l'objectif de 500.000 logements par an a été donné lors des deux derniers quinquennats), il faut le faire en grande partie pour les démunis.

Le secteur privé pourra-t-il assumer la production pour loger les plus démunis?

Et qui peut dire aujourd'hui que le monde des affaires pourra assumer la production de logements à des prix extrêmement bas pour ceux qui en ont besoin, alors même que les promoteurs immobiliers ont toutes les peines du monde pour construire des logements à des prix décents pour les classes moyennes ? Un constat s'impose : concentrer la production globale de logement sur du logement social soutenu par les pouvoirs publics n'a rien d'absurde.

Dans son programme, l'UMP s'oppose à ce constat et propose à l'inverse de "refonder totalement la politique du logement social". En modifiant la loi SRU qui impose 25% de logement sociaux dans chaque commune, par la limitation des "prescriptions de la loi aux flux, et non aux stocks, avec un pourcentage de 25 % pour les nouvelles opérations qui pourra être augmenté par les agglomérations, mais qui ne pourra excéder 35 % des nouveaux logements construits, pour ne plus assécher l'offre de logements libres".

Or dans les zones tendues, limiter la part de logements sociaux d'un côté et accroître celle des logements libres de l'autre, risque d'augmenter substantiellement l'effort pour se loger des ménages aux revenus modestes qui auraient pu accéder à des logements sociaux dans l'état actuel des choses.

Certes, comme le dénonce l'UMP, la loi SRU actuelle a comme effet pervers d'accroitre le prix des logements des classes moyennes dans les zones tendues, car elle déséquilibre la balance économique des opérations pour les promoteurs.

Mais quand on sait que le nombre de demandeurs de logements sociaux atteint 1,8 million d'unités, alors que seulement 467.000 HLM sont attribuées chaque année, il paraît plus juste socialement de maintenir une production optimale de HLM, tout en proposant, comme le fait toutefois le parti de droite, de remettre un maximum de transparence dans l'attribution des logements sociaux. Sur ce point, la mairie de Paris expérimente d'ailleurs depuis peu un système plus juste et moins opaque, en s'inspirant de ce qui a été fait dans la ville de Rennes.

Les crises selon l'UMP

En réalité, l'UMP dénonce deux crises : d'une part, la crise de la construction, qui s'est aggravée depuis la prise de pouvoir de François Hollande. "Le marché est aujourd'hui profondément grippé", a expliqué Nicolas Sarkozy mercredi après-midi. "On est passé de 500.000 constructions neuves par an en 2007 à moins de 360.000 en 2014", a-t-il ajouté. Que faire pour remédier à cette crise selon l'UMP ? D'abord donner la possibilité à l'offre de produire davantage et à meilleur prix en libérant le foncier, en abaissant la TVA sur la construction sous condition de prix de vente plafond, et en réduisant les contraintes administratives.

Toute la classe politique française est consciente de ces enjeux. Le gouvernement actuel a d'ailleurs amorcé un choc de simplification notamment par le biais d'ordonnances, mais les acteurs du secteur disent en attendre encore les effets. S'alignant globalement sur les mesures du gouvernement actuel, l'UMP propose aussi d'instaurer un moratoire sur les normes, de supprimer les exigences de places de parking dans les Plan locaux d'urbanisme (PLU), de limiter les recours abusifs, d'assouplir les normes PMR (personnes à mobilité réduite), et de réduire les délais d'instruction des permis de construire.

Libérer l'accession pour les classes moyennes

D'autre part, l'UMP dénonce la crise du logement pour les classes moyennes, matérialisée par un poids du budget consacré à leur logement trop lourd. Cet état de fait est une constante depuis la folle hausse des prix de l'immobilier en France, amorcée il y a quinze ans. Sur cette période, ils ont plus que doublé alors que les revenus ont pour leur part crû de moins de 30%...

Pour revigorer la demande des classes moyennes, l'UMP met le paquet sur l'accession à la propriété. Après une période 2002-2012 où la droite a instauré divers prêts à taux zéro, la loi TEPA (avec une déduction des intérêts d'emprunts), les dispositifs Scellier, Robbien et Borloo, elle propose désormais une garantie de l'Etat sur les prêts bancaires afin de rendre plus solvables les classes moyennes exclues de la primo-accession. Le problème de ces mesures, censées tirer l'accession vers le haut, c'est qu'elles ont par le passé eu des effets inflationnistes, alors que la part des propriétaires en France n'a augmenté que de manière marginale : 58,2% en 2012, contre 56,1% en 2002.

La propriété plutôt que la location, l'UMP en est persuadé, c'est une demande des Français. C'est pourquoi il propose aussi d'abroger la loi sur l'encadrement des loyers adoptée sous François Hollande, qui ne s'appliquera qu'à Paris intramuros, au nom du rétablissement des libertés contractuelles entre bailleurs et locataires... Mais le parti de droite propose en supplément de fluidifier les résiliations des baux des locataires et de faciliter l'expulsion des mauvais payeurs. Plus que le retour à un équilibre relatif, l'UMP propose en fait de faire pencher la balance du côté des propriétaires, au détriment des locataires.