Encadrement des loyers : les propriétaires pourront-ils le contourner ?

Par Mathias Thépot  |   |  768  mots
L'encadrement des loyers va-t-il révolutionner le marché de la location à Paris ?
La mesure sur l'encadrement des loyers s'appliquera à Paris à compter du 1er août. Mais un décret définit mal la possibilité donnée aux propriétaires d'appliquer un complément de loyer à leurs locataires. Une porte ouverte à des abus ?

Depuis l'été dernier, on sait que la mesure très polémique sur l'encadrement des loyers ne s'appliquera qu'à Paris intramuros et aussi à Lille. La capitale la mettra en œuvre en premier, dès le mois d'août 2015. Instituée par la loi Alur du 24 mars 2014, cette mesure dit qu'à la signature d'un nouveau bail ou lors d'un renouvellement, le loyer d'un logement ne peut pas dépasser de plus de 20% un loyer de référence fixé par arrêté préfectoral, ni lui être inférieur de 30%.

Ce loyer de référence est un loyer médian qui prend en compte quatre éléments: le type de location (nue ou meublée), le nombre de pièces (studio, 2 pièces, 3 pièces, "4 pièces et plus"), l'époque de construction ("avant 1946", 1946-1970, 1971-1990 et "après 1990") et le secteur géographique. Concernant Paris, l'Observatoire des loyers de l'agglomération parisienne (Olap) a divisé la capitale en 14 secteurs aux niveaux de loyers homogènes.

Une mesure pour limiter les abus

En empêchant un propriétaire de louer au-dessus de 20 % d'un loyer médian à bien équivalent, la mesure sur l'encadrement des loyers est donc davantage destinée à limiter les abus qu'à imposer à chaque propriétaire de revoir son loyer à la baisse.
A Paris cependant, il semble que les abus soient nombreux, notamment pour la location de petites surfaces : ainsi dans le nord du XVIe arrondissement (quartiers de la Porte Dauphine, Chaillot et la Muette), dans les immeubles antérieurs à 1946, environ un studio sur quatre, devrait, à la relocation, voir son loyer en théorie plafonné car il excède le loyer majoré autorisé, à savoir 31,70 euros le mètre carré. Il s'agit souvent d'anciennes chambres de bonnes transformées en logements et louées au prix fort, à des prix au mètre carré parmi les plus chers de la capitale.

Bon pour le pouvoir d'achat des jeunes

De même, dans certains quartiers d'arrondissements plus populaires, le IXe et le Xe, près d'un quart des studios situés dans des immeubles datant de 1946 à 1970, pourraient voir leur loyer baisser, car il dépasse les 28 euros au mètre carré autorisés dans ces zones. Il s'agit des quartiers du Faubourg-Montmartre, de Rochechouart, de la Porte-Saint-Denis et de St-Vincent-de-Paul. Une bouffée d'air frais pour les populations qui logent dans ces petits appartements.

« L'encadrement des loyers pourrait bénéficier notamment aux jeunes puisqu'il concernera de manière significative les studios », estime Fabrice Abraham, directeur général du réseau Guy Hoquet Immobilier. Si, comme la plupart de ses confrères agents immobiliers, il estime que « cette mesure risque de décourager les investisseurs », Fabrice Abraham concède tout de même qu' « elle aura le mérite d'apporter un soutien à l'accès au logement des jeunes, de préserver leur pouvoir d'achat et de favoriser la mobilité locative ». « Elle constitue un coup de pouce bienvenu pour cette population fortement impactée par la pression du marché locatif parisien et les prix des loyers », ajoute-t-il aussi.

Le complément de loyer, porte ouverte aux abus ?

Cependant, une interrogation -de taille- subsiste : comme l'indique un communiqué du ministère du Logement, qui fait référence à un décret publié ce vendredi au Journal officiel, « la loi prévoit la possibilité d'appliquer un complément de loyer aux logements présentant des qualités particulières (de localisation ou de confort) par rapport aux logements de la même catégorie situés dans le même secteur géographique ». Or ces caractéristiques particulières, très difficiles à évaluer, ne sont pas définies précisément dans le décret.

Par exemple, si les ascenseurs, lorsqu'ils sont inclus dans les charges payées par le locataires, seront de facto exclus des caractéristiques déterminantes, une vue rare, un jardin ou un balcon seront surement mis régulièrement en avant par les propriétaires pour appliquer un complément de loyer. Mais là encore, il n'y a pas de définition précise sur une amélioration du confort du locataire qui justifierait une surfacturation de son loyer.

En cas de désaccord entre le locataire et son bailleur, la Commission de conciliation devra être saisie et, si la décision de celle-ci était contestée par l'une des parties, il reviendra au tribunal de trancher. Dont acte. Mais au regard du rapport de force très à l'avantage des propriétaires à Paris intramuros, il semble peu probable que  notamment les jeunes locataires, aux ressources limitées, s'engagent dans de longues procédures judiciaires.

(Avec AFP)