Grand Paris : comment faire baisser le prix du foncier ?

Par Mathias Thépot  |   |  664  mots
Vers Paris, le coût du foncier peut atteindre 40% du prix de revient d'une opération de construction de logements
La politique foncière du Grand Paris n'est pas assez cohérente pour faire baisser le prix des terrains.

L'ambitieux projet du Grand Paris a pour objectif de doubler la production annuelle de logements au sein de la métropole.

Il ne sera cependant efficace que si les populations peuvent se loger à prix décent dans ces nouvelles habitations. Pour ce faire, élus, collectivités, aménageurs, promoteurs et même bailleurs sociaux devront s'organiser au mieux pour résoudre une équation économique qui se complexifie avec une réduction des dotations de l'Etat aux collectivités qui se monte à 11 milliards d'euros sur la période 2015-2017.

Le prix du foncier:
entre 25 et 40% du prix de revient

Parmi les sujets les plus préoccupants, il y a le prix du foncier, matière première du constructeur de logements, beaucoup trop élevé sur le territoire du Grand Paris.

"Il faut arriver à faire baisser ce coût pour produire davantage de logements. Mais, malheureusement, on n'en prend pas la direction", s'inquiète Hervé Gay, président de la SEM 92.

On dit que le foncier représente, suivant les zones, entre 25% et 40% du prix de revient d'une opération de logements collectifs.

"Le prix du foncier en Ile-de-France a trop augmenté ces dernières années et ne redescend plus", constate Vincent Renard, directeur de recherche au CNRS.

Les élus n'arrivent pas à mener une politique foncière commune

Seul moyen de faire baisser ce coût : que les collectivités posent le problème en amont et s'entendent pour que le foncier soit acquis au plus bas prix. Or, il est quasiment impossible de dégager un consensus politique au sein de la métropole pour mener une politique foncière commune.

"Il ne pourra y avoir de politique foncière efficace sans une autorité politique forte qui créerait une agence foncière de la métropole", insiste Vincent Renard. "Une autorité politique forte est la mère de toutes les batailles", ajoute-t-il.

"Centrigation sociale" et "dictature du parcellaire" pas près de disparaître

Pis encore, la tendance chez les élus est davantage au refus de la densification. "La campagne électorale des municipales de mars 2014 n'a pas du tout été menée sur les thèmes des maires bâtisseurs", remarque Vincent Renard. "La politique foncière n'est pas une priorité pour les candidats élus", ajoute-t-il.

Résultat, on laisse les prix du foncier s'envoler, et s'opérer ce que le chercheur du CNRS appelle "la centrifugation sociale", c'est-à-dire le fait que "les ménages à faibles ressources se retrouvent piégés dans des périphéries de plus en plus lointaines".

La "dictature du parcellaire" règne car les propriétaires de terrains à bâtir sont libres de ne pas vendre leur terrain. "Ils ne paient même pas d'impôt dessus !", remarque Vincent Renard. "Le seul comportement raisonnable, dans ce cas, est celui du bon père de famille qui attend que son terrain prenne de la valeur", ajoute-t-il.

Redonner un vrai pouvoir urbain
au Grand Paris

Les propriétaires, Etat compris, souhaitent en effet valoriser au maximum leur terrain. En outre, la culture de la propriété privée dominante en France incite souvent les juges à prendre fait et cause pour les petits propriétaires lors des procédures d'expropriation.

"Par exemple, le propriétaire d'un logement ancien de 80 mètres carrés obtiendra le plus souvent du juge une somme suffisante pour se loger dans un logement d'une surface similaire ou supérieure au meilleur confort, et donc plus cher", constate Hervé Gay. Ainsi les aménageurs doivent souvent payer le prix fort pour acquérir du foncier.

Toutefois, "si l'on compare aux autres pays européens, l'expropriation marche assez bien en France, les gens l'acceptent relativement bien", remarque Vincent Renard. Les mécanismes de préemption, en revanche, doivent se décider à un échelon territorial supérieur à la commune, pour éviter les politiques clientélistes des maires, explique Vincent aussi Renard. Bref, il est temps de donner à la métropole du Grand Paris un vrai pouvoir urbain.