L'immobilier ancien, un secteur oublié ?

Par Mathias Thépot  |   |  1056  mots
Environ 800.000 transactions ont été réalisées dans l'immobilier ancien en 2015. . (Crédits : CC0 Public Domain)
Le gouvernement a beaucoup légiféré depuis 2012 sur les sujets relatifs au logement. Il a, pour ce faire, clairement favorisé les secteurs du logement neuf et du logement social,... au détriment de l'ancien privé ?

Depuis l'élection de François Hollande en 2012, le gouvernement a légiféré à de multiples reprises sur les sujets relatifs au logement. Mais paradoxalement, il a pris peu de mesures pour favoriser l'activité dans le secteur du logement ancien, qui pesait pourtant 800.000 transactions en 2015.

La priorité a en effet été donnée à deux secteurs : d'une part la pérennisation du parc social en France, qui est à relier aux forts besoins en logements des populations aux revenus modestes. Le seuil obligatoire de logements sociaux par commune de plus de 50.000 habitants a ainsi été relevé à 25 % et plusieurs mesures ont été prises visant à consolider le financement du logement social - nouveaux prêts de la Caisse des dépôts, mutualisation des fonds propres, cession du foncier public allant jusqu'à la gratuité, création d'un fonds national des aides à la pierre (FNAP) etc. - ont été prise. Le projet de loi de finances 2016 prévoit ainsi le financement de 140.000 logements sociaux en 2016, un niveau proche de l'objectif de 150.000 logements sociaux financés fixé en début de mandat.

Sortie de crise dans l'immobilier neuf

D'autre part, en seconde partie de mandat, le gouvernement a décidé de soutenir fortement la construction de logements neufs pour dynamiser l'emploi et la croissance. Les années 2012, 2013 et 2014 ont en effet été marquées par une lourde crise pour ce secteur, ce qui a affecté durement la croissance et l'emploi en France. En réaction, le gouvernement a dans un premier temps renforcé le dispositif d'aide fiscale à l'investissement locatif, le  Pinel, et le rendant plus flexible que son prédécesseur - le Duflot - pour les investisseurs particuliers.

Ces derniers sont ainsi revenus en masse sur le marché de l'investissement locatif, sur lequel les promoteurs immobiliers ont vu leurs ventes augmenter de près de 45 % en 2015. Ensuite, dans un second temps, c'est le prêt à taux zéro (PTZ) qui a été renforcé à partir du 1er janvier dernier par l'exécutif. Il donne désormais la possibilité aux primo-accédants de financer jusqu'à 40 % de leur achat à taux zéro, et allonge la durée de différé de remboursement.

Succès du PTZ dans le neuf

Ce nouveau dispositif est également un succès : en Île-de-France notamment, 4.230 PTZ ont été distribués entre janvier et avril 2016, soit une hausse de 98% par rapport à la même période de l'année précédente, selon la préfecture, alors que les prévisions tablaient sur environ 3.100 PTZ accordés en ce début d'année. A ce rythme, l'objectif de 15.800 PTZ accordés en 2016 pourrait donc être largement dépassé. Dans le détail, 95% de ces prêts de taux zéro ont été octroyés pour l'acquisition de logements neufs, 2% pour l'acquisition d'anciens logements locatifs sociaux et donc... seulement 3 % dans l'ancien.

Il faut dire que pour bénéficier d'un PTZ pour acheter dans l'ancien, l'acquéreur doit absolument entreprendre des travaux de rénovation d'un coût global au moins égal à 25 % de l'opération. Une part prohibitive. Cette réforme est très révélatrice de la politique du logement du gouvernement qui a donc largement privilégié le neuf et le social.

Les agents immobiliers, absents des réjouissances gouvernementales

Il n'est donc pas surprenant que les acteurs du logement ancien, principalement les agences immobilières, se sentent quelque peu délaissés. D'ailleurs, coïncidence ou pas, les agents immobiliers étaient aux abonnés absents lors de la dernière conférence de presse de la ministre du Logement Emmanuelle Cosse... qui avait pourtant convié les acteurs du logement social et de la construction neuve pour la présentation de son plan pour un logement abordable et un habitat durable.

Présents lors de réunion, la présidente de la fédération des promoteurs immobiliers (FPI) Alexandra François-Cuxac, le président de la confédération des artisans et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB), Patrick Liébus, et le directeur aux affaires économiques de la Fédération française du bâtiment (FFB), Bernard Coloos, ont tous apporté leur soutien à la politique menée par la nouvelle ministre du Logement depuis quatre mois.

Que faire pour l'ancien ?

De quoi faire grincer des dents chez les agents immobiliers, qui estiment qu'il reste encore beaucoup à faire lors de cette dernière année de mandat et au-delà pour tirer vers le haut l'activité dans l'ancien. Le président du réseau Orpi, Bernard Cadeau, milite notamment pour « un statut de bailleur privé » pour les particuliers voulant aussi investir dans l'ancien. Il donnerait accès à un panel de dispositifs fiscaux avantageux dans l'ancien, notamment pour louer à des ménages aux revenus modestes, ou pour financer des travaux de rénovation énergétique. Si un tel statut était créé dans l'ancien, l'objectif serait moins de « transformer les acheteurs en chasseurs de primes fiscales, que de les aider à acheter en fonction de leurs besoins du moment », justifie-t-il.

Par ailleurs, Bernard Cadeau estime qu'il serait nécessaire de questionner la politique d'octroi de crédits immobiliers des banques, alors que plus de 80 % des embauches se font désormais en contrat à durée déterminée (CDD). « Il faut faire évoluer ce prisme qui veut que les banques ne prêtent qu'aux personnes titulaires d'un CDI », propose-t-il. Un objectif ambitieux à un moment où les tensions réglementaires sur le crédit immobilier sont fortes.

Contraintes sur les finances publiques

Du reste, l'idée de favoriser l'immobilier ancien pose la question du risque de surchauffe sur le marché immobilier domestique. En ne soutenant « que » le logement neuf et le logement social, le gouvernement limite aussi le risque de hausse des prix déconnectée des revenus, comme cela a été le cas entre 1998 et 2011.

Enfin - et c'est un argument loin d'être négligeable - si l'Etat n'a pas soutenu massivement le marché de l'immobilier ancien, c'est aussi parce qu'il est contraint dans ses dépenses budgétaires depuis le début de la crise des dettes publiques de la zone euro. Or, les Français sont historiquement très sensibles aux dispositifs fiscaux avantageux pour acheter dans l'immobilier. Bercy en est complètement conscient et, fidèle à son « pragmatisme budgétaire », freine des quatre fers à chaque fois qu'un  gouvernement émet l'idée d'une relance globale de l'immobilier.