Logement : la Cour des comptes préconise de remonter la TVA sur les travaux

Par Mathias Thépot  |   |  696  mots
La Cour des comptes regrette que la part de la TVA dans les prélèvements obligatoires recule ces dernières années.
Le taux de TVA réduit sur les travaux de rénovation des logements est inefficace, estime la Cour des comptes.

Le taux de TVA réduit pour les travaux de rénovation dans les logements est dans le viseur de la Cour des comptes. Un rapport sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) publié par le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), rattaché à la Cour des comptes, recommande en effet la suppression des « taux réduits inefficaces » , et notamment celui de 10 % portant sur les travaux d'amélioration, de transformation, d'aménagement et d'entretien pour des logements achevés depuis plus de deux ans. Si l'on raisonne en dépense fiscale, celui-ci coûtera 3,28 milliards d'euros aux finances publiques en 2016, soit le taux réduit le plus coûteux pour les finances publiques. Or, selon le CPO, « son efficacité économique n'est pas démontrée ».

Un taux réduit créé pour l'emploi

Le passage du taux normal au taux réduit dans ce domaine des travaux d'entretien et de rénovation des logements a en fait été adopté en 2000. Comme la Cour des comptes le rappelle, « il a été créé pour le soutien à l'emploi dans le secteur du bâtiment et, en second rang, la lutte contre l'économie souterraine ». Le secteur du bâtiment était tout particulièrement visé car « il est très intensif en main d'œuvre », expliquent les magistrats de la rue de Cambon. Le bâtiment représente aujourd'hui plus d'1 million d'emplois.

Mais les retombées économiques initialement prévues ne seraient pas à la hauteur. Pour le CPO, le coût pour l'État par emploi créé ou sauvé grâce à ce taux réduit est beaucoup trop élevé. Une baisse des cotisations sociales eût été plus judicieuse pour les comptes publiques, estime l'institution.

Elle s'appuie notamment sur une étude de la Commission européenne qui a conclu que « calculée au niveau de l'Union européenne, pour un même coût budgétaire, une baisse des charges sur le travail crée 52 % d'emplois de plus qu'une baisse du taux de TVA entièrement transmise dans les prix ».

Profil anti-redistributif

Par ailleurs, la Cour des comptes dénonce le profil anti-redistributif de ce taux de TVA réduit à 10 % sur les travaux de rénovation et d'entretien des logements. Car il profite davantage aux revenus les plus importants qui ont plus de moyens pour entreprendre des travaux. « La part des ménages bénéficiant du dispositif est d'autant plus élevée que leurs revenus sont importants », confirme le CPO. « Ainsi, la part du dernier décile dans la dépense fiscale totale est de près de 28 % contre près de 3 % pour ceux du premier décile », ajoute-t-il.

Ces arguments s'étendent. Mais ils ne devraient pas pour autant satisfaire les professionnels du bâtiment, notamment ceux travaillant dans les plus petites entreprises. Il n'est par exemple pas certain que les artisans et les petites entreprises, qui éprouvent les pires difficultés à sortir de la crise, approuvent une telle hausse de la TVA sur les travaux de rénovation. Selon leur confédération, la Capeb, leur activité était en effet toujours en baisse de 2,5 % au troisième trimestre 2015, tirée vers le bas par la construction neuve (- 5 %) ainsi que par les travaux d'entretien-rénovation (-1 %). Augmenter la TVA sur ce dernier secteur d'activité risquerait donc de plonger ces acteurs encore plus dans la crise.

La Cour des comptes estime qu'il y a trop de baisses de TVA en France

Il faut, du reste, dire que les multiples baisses de la TVA irritent les magistrats de la rue de Cambon. Ils dénoncent l'existence de 150 mesures dérogatoires au taux normal de TVA qui coûtent environ 48 milliards d'euros par an à l'État. Ainsi ils regrettent que la part des recettes de la TVA « dans le PIB (6,9 % en 2014) et dans les prélèvements obligatoires (15,3 %) se soit dégradée au cours des dernières années », et que « les taux en vigueur y sont désormais inférieurs à la moyenne européenne ». D'où la nécessité, selon eux, de s'attaquer aux taux de TVA réduits les moins efficaces. Celui dont bénéficient les hôtels-cafés-restaurants est d'ailleurs aussi dans leur viseur .