Le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, aubaine ou galère pour les PME ?

Par Fabien Piliu  |   |  910  mots
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Le cabinet Lowendalmasaï estime que la complexité du dispositif pourrait le rendre inaccessible à nombre de PME. Une complexité qui n'est pas intégrée par le simulateur mis en ligne en début de semaine par Bercy. Ses résultats ne serait pas donc d'une fiabilité absolue.

Etait-ce trop beau pour être vrai? Selon une étude réalisée par le cabinet de conseil Lowendalmasaï, le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ne serait pas vraiment une aubaine pour les PME, en raison de la complexité cachée du dispositif. Or, le simulateur lancé par le Ministère de l'Economie lundi 7 janvier est, lui, d'une simplicité extrême. «Le simulateur de Bercy n'apporte pas grand-chose, on est plutôt dans le gadget marketing que dans le calculateur avancé. La difficulté résidant plutôt dans la détermination, salarié par salarié, des rémunérations à retenir, un calculateur trop simpliste risque d'induire en erreur certains employeurs, et notamment les PME qui ne bénéficient pas d'équipes suffisamment étoffées ou des conseils avisés d'un expert», déclare Julien Plessis, directeur au sein du pôle social de Lowendalmasaï.

In fine, «la mise en oeuvre du CICE sera donc plus compliquée que Bercy ne le laisse penser, notamment pour les PME», explique le cabinet de conseil, qui illustre ces propos par deux exemples concrets.

Deux exemples concrets

Ainsi, pour une entreprise de 325 salariés du secteur de l'industrie, le CICE 2013 "juste" calculé en tenant compte de l'intégralité des subtilités applicables aux allègements bas salaires -dites réductions Fillon- s'élève à 226.264 euros. Le CICE 2013 résultant d'une utilisation basique du simulateur sur les rémunérations inférieures à 2,5 SMIC prédit lui un montant de 294.926 euros. «On constate donc dans cet exemple une surestimation du CICE de près de 23%. Le calcul trop simpliste du simulateur pourrait entraîner une sur-imputation de CICE, et ferait encourir à l'employeur un risque de validité de ses prévisions pour l'entreprise», indique Lowendalmasaï.

Autre exemple : pour une entreprise de 445 salariés du secteur du transport routier de marchandises, le CICE 2013 «juste» serait de 463.131 euros quand le CICE 2013 «simulé» atteindrait 441.968 euros. Les experts constatent dans ce cas une sous-estimation du CICE de près de 5%.

Face à la complexité du calcul, les PME seront perdantes

«La méthode de calcul retenue pour le CICE est très proche de celle de l'allègement Fillon sur les bas salaires. Le gouvernement souhaite ainsi rassurer les entreprises en appliquant un mécanisme supposé connu et bien maîtrisé. Mais les allègements Fillon ne sont pas un mécanisme simple, bien au contraire: ils ont donné lieu à des centaines de pages de circulaires administratives et de nombreuses interprétations, parfois contraires d'une URSSAF à une autre, voire de jurisprudences, et il en sera évidemment de même pour le CICE», poursuit-il.

«Se pose de nouveau la question de la sécurité juridique des employeurs: les ministères concernés par les deux dispositifs -allègements Fillon et CICE- n'étant pas les mêmes, les circulaires administratives auront des appréciations différentes sur des questions identiques, tout comme les tribunaux qui auront à en juger», conclut Julien Plessis.

La question des cas particuliers

Dans ce contexte, la question des cas particuliers soulevée par le dispositif Fillon se posera également pour le CICE. «Quid, par exemple, des sociétés adhérentes à des caisses de congés payés ou des sociétés d'intérim, qui bénéficient d'une majoration de 10% pour l'allégement Fillon?», s'interroge l'expert jugeant «indispensable» que le Bulletin Officiel des Impôts, actuellement en préparation à Bercy, règle le plus grand nombre des questions soulevées car le CICE donnera lieu à des calculs complexes.

En effet, calculé sur la durée légale de travail majorée des heures complémentaires et supplémentaires (sans prise en compte des majorations), un prorata devra être appliqué en cas de temps partiel ou de présence incomplète sur l'année. «Il faudra nécessairement réaliser un calcul individuel, salarié par salarié, à partir d'informations fournies par le service paie, issues de plusieurs dizaines, voire centaines, de rubriques de paie. Autrement dit, un service comptabilité ne sera pas nécessairement capable de réaliser seul le calcul du CICE. Une fois de plus, le dispositif risque surtout de ne bénéficier qu'aux entreprises de taille suffisamment importante pour bénéficier des ressources nécessaires à sa mise en oeuvre. Le CICE ayant vocation à être «réinvesti», il doit être calculé avec certitude pour éviter de se voir redresser ultérieurement des sommes déjà utilisées», prévient Julien Plessis.

Le scepticisme est de mise chez les chefs d'entreprises

Les chefs d'entreprises ont-ils devancé les experts? A l'annonce de la création du CICE, ils n'ont pas été vraiment séduits par l'aspect technique de ce nouveau dispositif. Interrogés en novembre dans le cadre du baromètre La Tribune-LCL, 56% des chefs d'entreprises indiquaient ne pas avoir l'intention d'utiliser le dispositif.
La polémique, non tranchée puisqu'une seconde loi est attendue, sur les contreparties ne les a pas vraiment rassurés. «Si le texte posant les principes du calcul a bien été publié le 31 décembre 2012, les contreparties [gouvernance d'entreprise, exemplarité de la rémunération des dirigeants, civisme fiscal voire distribution de dividendes] ne seront, elles, pas connues avant le courant de l'année 2013. Les entreprises de moins de 250 salariés ayant demandé une avance sur ce crédit d'impôt risquent ainsi de se voir imposées des contreparties rétroactivement, incertitude très problématique au moment de réinvestir ces montants», précise Lowendalmasaï.