Procès de l'UIMM : les syndicats refusent d'endosser le rôle du bouc émissaire

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  919  mots
Pour les syndicats, l'UIMM organise un tir de barrage en désignant les syndicats comme destinataires de fonds secrets
Au procès des anciens dirigeants de l'UIMM, accusés de détournements de fonds, les syndicats sont désignés par plusieurs protagonistes comme principaux destinataires des fonds secrets. Les organisations syndicales réagissent. Elles démentent et évoquent une opération visant à les dénigrer

"Les cinq syndicats représentatifs" étaient les destinataires des fonds issus de la "caisse noire " de l'UIMM, la fédération patronale de la métallurgie. C'est Arnaud Leenhardt, ancien président de l'UIMM de 1995 à 1999, qui a fait cette déclaration devant le tribunal correctionnel de Paris, mercredi 9 octobre.

"L'affaire UIMM" qui a éclaté en 2007 après une enquête menée par Tracfin, la cellule anti blanchiment de Bercy, vaut en effet aujourd'hui à ses anciens dirigeants de se retrouver devant la justice. Les juges cherchent à savoir où sont passés environ 16,5 millions d'euros, puisés dans la fameuse "caisse noire" de l'UIMM - de son vrai nom "Entraide professionnelle des industries de la métallurgie" (Epim) -, fondée en 1972 pour aider les entreprises du secteur confrontées à des conflits durs et alimentée par des cotisations facultatives des entreprises.

Les dirigeants de l'UIMM désignent les syndicats comme destinataires de fonds secrets

Fin 2006, les fonds déposés sur l'Epim atteignaient… 600 millions d'euros. Et on sait qu'une partie de cet argent (au moins 16,5 millions d'euros donc) a également servi à " fluidifier les relations sociales", selon l'expression de Denis Gautier-Sauvagnac - surnommé "DGS "- , alors président de l'UIMM, ainsi qu'à assurer "des complément de rémunération" en liquide à certains cadres de l'organisation patronale.

Mais où est cet argent ? Et qui en a profité. DGS refuse encore et toujours de le dire? "Je ne veux pas impliquer des organismes ou des personnes physiques avec qui j'ai tissé des liens de confiance pendant toutes ces années. Ce serait les trahir", a t-il lancé au tribunal. Et quand ses juges insistent et lui demandent si révéler les noms des bénéficiaires des enveloppes choquerait l'opinion publique, l'ancien président de l'UIMM répond promptement "Oui, bien sûr, Compte des noms en cause, bien sûr".

Et tous les regards se tournent vers les confédérations syndicales CGT, CFDT, CFTC, CFE-CGC et FO ou leurs fédérations de la métallurgie. Surtout quand Arnaud Leenhardt les désigne nommément.

Les syndicats démentent avoir reçu des enveloppes

Un système de défense qui commence à sérieusement chauffer les esprits syndicaux. Ainsi ce haut responsable de la CFTC qui déclare à La Tribune :

" C'est très bien joué de la part des anciens dirigeants de l'UIMM. Pour faire oublier que c'est le procès de leurs turpitudes et celui de leur caisse noire, ils organisent un tir de barrage et désignent les syndicats à la vindicte publique. Dans l'opinion, ils sont gagnants, que ce soit vrai ou faux, car leurs propos jettent le discrédit. Surtout en insistant sur le fait que les noms des bénéficiaires sont connus du public.

Moi, personnellement je n'ai jamais entendu parler d'enveloppes. En revanche, oui, l'UIMM nous a aidé en achetant des pages publicitaires dans nos journaux ou en louant un stand lors de nos congrès. Quand nous avons été perquisitionnés dans le cadre de l'affaire UIMM, tout était dans nos comptes, la traçabilité de ces opérations étaient très claires. Nous n'avons rien à cacher".

A la fédération métallurgie de la CFDT, la FGMM, on tient le même discours en dénonçant " des pratiques patronales inadmissibles, doublées d'allégations nuisibles qui entretiennent le doute sur la destination de fonds secrets de l'UIMM et qui pourraient entacher notre image ".

Le syndicat rappelle aussi qu'il a déjà mis sa comptabilité à la disposition de la justice et notamment des "remboursements de frais de participation à des réunions paritaires qu'elle a perçus de l'UIMM entre 2002 et 2006 inclus, pour un montant total de 21.626,13 euros ". Pour la FGMM, il s'agit "d'une pratique fréquente dans les branches, parfaitement légitime pour couvrir les frais de participation à des réunions paritaires, frais de transport essentiellement (…). Ces remboursements ont été effectués en toute transparence, exclusivement par chèque ".

 Et le financement politique?

De fait, curieusement, à ce stade du procès, seuls les syndicats sont désignés et pas les partis politiques. Pourtant Denis Gautier Sauvagnac a plus que suggéré qu'ils étaient également destinataires des fonds de l'UIMM en déclarant :

"Pour les partis, je n'avais pas la possibilité de vérifier et pour les parlementaires, oui, certains ont soutenu des amendements [rédigés par l'UIMM] ".

Pourtant, le financement politique par l'UIMM est un secret de polichinelle. Ainsi, Bernard Giroux, un ancien haut cadre du Medef et de son ancêtre le CNPF, dans son récent ouvrage " Medef, confidences d'un apparatchik" (Editions L'Archipel, 17,95 euros) évoque les notes de Georges Albertini, ce vigoureux anti communiste au cœur de bien des affaires de l'après-guerre, à l'occasion de la création du RPR.  Extrait d'une note du 4 février 1977 :

"Le patronat a finalement donné 5 millions de francs à Chirac pour les élections municipales. Les fonds ont été remis à Jérôme Monod, soit un million du CNPF, un de l'UIMM, un du GIM [la branche de la région parisienne de l'UIMM], un de la Fédération du bâtiment et un du groupe Michelin ".

Certes, depuis, des lois sont intervenues pur encadrer le financement des partis politiques. Ce qui n'est pas encore totalement le cas pour le syndicalisme. Mais ça ne serait tarder puisque le ministre du Travail, Miche Sapin, souhaite ouvrir ce chantier à l'occasion de la réforme du système de formation professionnelle… l'une des principales mannes du financement des organisations patronales et syndicales.