La France, un paradis fiscal ? Xavier Niel exagère

Par Ivan Best  |   |  736  mots
Xavier Niel embellit un peu la réalité fiscale française, notamment en ce qui concerne les transmissions d'entreprises
Le patron de Free assure, non sans provocation, que la France est un véritable paradis fiscal pour les entrepreneurs. Si la réalité est moins noire que ne le dit le Medef, en comparaison avec les autres pays, une telle affirmation n'est pas vraiment conforme à la réalité...

Le patron de Free, Xavier Niel, le dit et le répète, il l'a encore fait récemment devant les étudiants de Sciences Po : de son point de vue, pour un créateur d'entreprise, la France est un véritable paradis fiscal.

A l'appui de son affirmation, il a cité notamment la taxation "à 23%" des plus-values - il évoquait sans doute les plus-values des investisseurs particuliers dans une entreprise - et la faiblesse des droits sur les transmissions d'entreprises. Qu'en est-il réellement ? Et quid des autres impôts ?

Les plus-values : la France dans la moyenne

Après l'affaire des Pigeons, François Hollande a retenu au printemps un nouveau système de taxation des plus-values sur valeurs mobilières (réalisées par des particuliers), de fait beaucoup plus favorable que le précédent, et même plus que ne l'était la législation à la fin du mandat Sarkozy. Les Pigeons ont bel et bien gagné. Les plus-values restent soumises au barème de l'impôt sur le revenu, mais cette taxation est assortie d'abattements importants.

Pour résumer, la taxation globale, s'agissant d'un contribuable imposé dans les plus hautes tranches, est de 31,1% si les titres ont été conservés pendant deux à huit ans, et de 21,77% au-delà de huit ans. S'agissant de PME de moins de 10 ans, de jeunes entreprises innovantes, ce taux de 21,77% est atteint après quatre ans de détention des titres. Il n'existe pas de taux à 23%.

Qu'en est-il ailleurs ? En Grande-Bretagne, les plus-values importantes sont taxées à hauteur de 28%. Mais il existe un régime d'exception au profit des investisseurs détenant moins de 5% des titres d'une société, qui ne sont taxés qu'à hauteur de 10% dans la limite de 10 millions de livres sterling (ce plafond étant apprécié tout au long de leur vie professionnelle). En Allemagne, l'imposition des plus-values évolue selon les cas entre 26,4 et 28,5%. En Italie, la fourchette de taxation se situe entre 20% et 22,08%.

Avec un taux évoluant, sauf exception, entre 21,77% et 31,1%, la France ne fait donc pas figure de paradis fiscal, du point de vue des plus-values.

Transmissions: il n'y pas qu'en France qu'elles sont facilitées

En France, les transmissions d'entreprises peuvent être facilitées par ce qu'il est convenu d'appeler les « pactes Dutreil » : ceux-ci permettent de léguer une entreprise avec des droits de transmission très réduits. Un abattement de 75% est prévu sur la valeur de l'entreprise, auquel s'ajoutent des réductions d'impôts supplémentaires en cas de donation. De fait, si l'on prend l'exemple de la donation à trois enfants d'une entreprise valant 6,4 millions d'euros, son propriétaire étant âgé de moins de 70 ans, les droits transmissions tombent de 20,2% de la valeur de l'entreprise dans le régime normal à… 0,9% en cas de pacte Dutreil.

Mais, souligne Anne Sophie Kerfant, avocat chez Orrick-Rambaud Martel, "le pacte Dutreil est synonyme de contraintes assez lourdes" : les héritiers doivent notamment s'engager à conserver les titres pendants quatre ans après la transmission.

Et, en Europe, existent des régimes encore plus favorables. En Italie, si les donations sont taxées à hauteur de 4%, les successions sont totalement exonérées, s'agissant des entreprises. En Allemagne, Belgique, Grande-Bretagne, "des régimes spécifiques existent pour la transmission d'entreprises, qui prévoient des abattements entre et 10 et 85%", souligne Anne Sophie Kerfant.

La législation française n'est donc pas plus favorable.

Impôt sur les bénéfices : la France au dessus de la moyenne

La taxation des bénéfices des sociétés (IS) atteindra 38% en France, en 2014, avec l'instauration d'une surtaxe de 10,7%. C'est beaucoup moins dans les autres pays européens. L'imposition est de 29% en Allemagne, 23% en Grande-Bretagne, 37,5% en Italie…

Xavier Niel fait peut-être allusion au statut de la jeune entreprise innovante, qui autorise une exonération des bénéfices. Mais ce statut est soumis à des règles strictes (investir au moins 15% des charges en recherche et développement) et surtout, le nombre de salariés est plafonné (à 250) ainsi que le chiffre d'affaires (50 millions).

Quant au crédit impôt recherche, il est certes plus favorable en France qu'ailleurs en Europe, mais il ne compense pas la différence de taux d'IS. En outre, jusqu'à récemment, l'assiette de l'IS était plus étroite, autorisant une taxation globale plus faible. Mais c'est de moins en moins le cas, notamment avec une déductibilité désormais limite des intérêts d'emprunt.