Les artisans employeurs à leur tour tentés par la radicalisation

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  774  mots
L'organisation patronale des artisans, l'UPA, essaie de canaliser la colère de ses adhérents dont certain sont tentés par des actions radicales à l'instar des "bonnets rouges"
Les artisans de l'UPA mènent une campagne choc contre la fiscalité qui selon eux les "asphyxie". L'organisation patronale des artisans veut canaliser la colère qui gronde chez ses adhérents dont certains évoquent une "gréve de l’impôt", à l'image des luttes menées par le CIDUNATI de Gérard Nicoud dans les années 1970.

Et les artisans entrèrent dans la danse ! L'Union professionnelle artisanale (UPA) a décidé à son tour de se faire entendre par le gouvernement. Forte de ses 1,3 million d'adhérents qui emploient plus de 3 millions de salariés, l'organisation patronale lance une grande pétition (consultable sur www.sauvonslaproximité.com) contre la politique fiscale du gouvernement qui   "asphyxie progressivement le petit commerce et les artisans", selon Jean-Pierre Crouzet, le président de l'UPA.

Au-delà de cette pétition, l'UPA a aussi demandé à ses troupes d'apposer sur les devantures de leur commerce une petite affichette où il est écrit "Sacrifié mais pas résigné ". En outre, l'UPA diffusera sur les réseaux sociaux, à compter du 13 novembre, une petit film choc sur "les sacrifiés ".

Tout ceci donc pour alerter les pouvoirs publics, Premier ministre en tête, sur la situation désastreuse dans laquelle se trouvent les artisans. Selon l'UPA, ceux-ci ont à supporter 1,4 milliard de charges fiscales et sociales supplémentaires en 2013  et encore 100 millions de plus en 2014, sans compter les hausses de TVA au 1er juillet 2014.

L'UPA réclame un allègement de la fiscalité pour les indépendants

L'UPA formule donc un certain nombre d'exigences, comme le retrait de toutes les nouvelles charges sociales qui pèsent sur les travailleurs indépendants depuis le 1er janvier 2013 ; le remplacement du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) par une baisse directe du coût du travail ; la suppression de la cotisation d'allocations familiales payées par les employeurs et les travailleurs indépendants ; la révision du mode de calcul de l'impôt sur le revenu des travailleurs indépendants de sorte que les bénéfices réinvestis dans l'entreprise ne soient plus soumis à l'IR ; le rétablissement de toutes les aides à l'apprentissage, etc.

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" Nous sommes des gens responsables, pas des extrémistes ", explique Jean-Pierre Crouzet mais maintenant, il y en a ras- le- bol, nous devons nous faire entendre ". Le président de l'UPA, qui devait avoir ce mardi 12 novembre dans la soirée le Premier ministre Jean-Marc Ayrault au téléphone, espère un geste du gouvernement. Pas certain qu'il soit entendu pour autant.

Mais le moment est-il bien choisi pour l'organisation artisanale, alors qu'il règne déjà un climat de " jacquerie" dans certaines régions. "Je m'emploierai à ce qu'il n'y ait aucune récupération politique du mouvement prévient le président de l'UPA. Pour autant cela fait des mois que je maintiens le couvercle sur la marmite, là il faut que ca sorte ".

Le spectre du CIDUNATI de Gérard Nicoud

La vraie raison de ce mouvement se trouve d'ailleurs là, comme l'explique officieusement un dirigeant de l'UPA :

"Nos troupes grognent énormément. Il y a un vrai ras-le-bol. De très nombreux artisans sont excédés, ils ont vraiment l'impression que le gouvernement ne les écoute pas. Même dans des régions aussi tranquilles que les Pays de la Loire, il y a des mouvements de contestation. Nos adhérents nous reprochent de pas en faire assez et de nous pavaner dans les ministères. Certains ont demandé la démission du président Crouzet. Vous imaginez l'ambiance. Alors cette campagne est destinée à faire baisser la pression, de permettre à nos adhérents de s'exprimer. Mieux vaut ce genre de campagne plutôt que des actions violentes. Mais attention, certains veulent aller plus loin et évoquent une grève des impôts ou du versement des cotisations sociales ".

Des actions potentielles qui rappelleraient celles menées dans les années 1970 par le CIDUNATI de Gérard Nicoud qui s'était illustré dans la lutte " musclée " contre la hausse des cotisations sociales des travailleurs indépendants. " En effet, il y a de cela, explique ce cadre de l'UPA. Il y a des années que je n'avais pas vu des adhérents aussi remontés ".

Les grandes entreprises du privée appellent au calme

Certes, la base patronale gronde. Au point d'inquiéter la très vénérable Association française des entreprises privées (Afep), qui regroupe une centaines des plus grosses entreprises françaises. L'Afep a fait savoir aux président du Medef, Pierre Gattaz, qu'il devait modérer son discours trop «"frontal" avec le gouvernement et éviter de participer à des rassemblements patronaux trop "énervés ", comme celui de Lyon le 8 octobre. A l'Afep on estime en effet que "personne n'a rien à gagner à un développement des mouvements actuels qui pourraient devenir incontrôlables ".

Manifestement, le gouvernement a encore quelques semaines difficiles devant lui…