Le programme du Front National au crible (2/5) : le rêve fou d'une sortie de l'euro

Par Romaric Godin  |   |  3607  mots
Le Front National veut sortir de la zone euro et revenir au franc.
Au moment où le Front National vole de record en record dans le sondages, il a semblé opportun à la Tribune de se plonger dans son programme économique histoire de décoder ce qui apparait bien souvent comme des incantations. Des propositions bien souvent approximatives, datées, ou simplement inapplicables. Deuxième volet de notre série : la sortie de l'euro.
  • CE QUE LE FRONT NATIONAL VEUT POUR L'EURO

Le Front National se définit clairement comme un parti anti-européen. Dans son programme présidentiel, le seul disponible à ce jour, il entend faire sortir le pays de l'euro et mettre fin à l'Union européenne dans sa forme actuelle pour la substituer par une « association libre d'Etats européens partageant la même vision et les mêmes intérêts sur des sujets tels que l'immigration ou les règles devant régir les échanges extérieurs et la circulation des capitaux. » L'Europe rêvée par le FN est donc un ensemble de traités bilatéraux ou multilatéraux sur des sujets précis.

Ordonner la sortie de l'euro

Pour cela, il faudra d'abord faire sortir la France de l'euro. C'est un des points principaux du programme du Front National qui prétend vouloir « ordonner » et « maîtriser » le processus. En réalité, le FN estime que « l'euro est condamné » et qu'il disparaîtra quoi qu'il arrive en raison du « coût de son maintien insupportable pour les nations pour lesquelles il n'est pas adapté. »

Reste que cette analyse permet, en quelque sorte, au FN de se dédouaner de la responsabilité de mettre fin, de son propre chef, à la monnaie unique. Il s'agit avant tout d'accompagner une évolution inévitable et, donc, d'éviter un éclatement désordonné de l'euro. Autrement dit, le FN entend moins « sortir la France de l'euro » que de « mettre fin à l'euro » avec les autres pays européens.

La sortie de l'euro par la coopération franco-allemande...

C'est pourquoi le parti de Marine Le Pen entend faire usage de la « coopération européenne » pour défaire la monnaie unique : « la France doit préparer, avec ses partenaires européens, l'arrêt de l'expérience malheureuse de l'euro », peut-on lire dans son programme présidentiel du. C'est, de même, la « coopération européenne » qui permettra d'envisager les « options » permettant le retour aux monnaies nationales. Le FN compte beaucoup sur le « moteur franco-allemand » pour organiser la fin de l'euro, convaincu qu'il est que l'Allemagne ne peut souhaiter, elle non plus, porter ce coûteux fardeau plus longtemps.

Un ministère des Souverainetés à la manoeuvre

On n'en apprendra pas davantage sur les modalités de disparition ordonnée de l'UEM, le FN n'ayant pas répondu à nos demandes d'explications complémentaires. Mais le parti envisage néanmoins la « création d'un ministère des Souverainetés », chargé d'organiser le mouvement ainsi que de prendre « des mesures de contrôle du mouvement de spéculation des capitaux », autrement dit un contrôle des changes, accompagné d'une « nationalisation partielle des banques » pour « sécuriser l'épargne des Français. » Enfin, ces banques nationalisées en partie verront taxer « leurs actifs libellés en euros afin de compenser les coûts de la dette en euro de l'Etat. » Mais cette dernière mesure ne frappera les banques que « dans le cas improbable » où l'euro survivrait.

Contre l'austérité et les transferts

S'il le faut, la France dirigée par le FN aidera à accélérer le processus puisque le programme de Marine Le Pen indique que la France mettra son veto aux mesures d'austérité dans les pays « victimes de l'euro » et tout transfert vers ces pays : « l'argent des Français doit rester en France ». Autrement dit, ces pays, privés de soutiens extérieurs, n'auront d'autres choix que d'abandonner la monnaie unique.

Une Europe de la coopération plutôt qu'une union...

Une fois la France sortie de l'euro, elle détricotera le reste de son appartenance à l'UE. Le FN entend ainsi rétablir des droits de douanes, la primauté de la législation nationale et une contribution « nette nulle » à l'UE afin « de dégager des marges pour aider l'agriculture. » l'Europe deviendra un ensemble de « coopérations » bâti sur le modèle  « d'Airbus » ou « d'Ariane. »

  •  L'ANALYSE DU PROGRAMME

L'opposition à l'euro constitue un élément important du succès électoral du Front national. C'est aussi une ligne de rupture majeure avec l'UMP. Mais la question de la sortie de l'euro est également délicate, car elle est souvent conçue comme une « apocalypse » économique qui conduirait à l'isolement de la France.

On voit bien que le FN tente de désamorcer cette impression en faisant de la fin de l'euro une fatalité. Il se donne ainsi le beau rôle, celui d'un parti prévoyant, voulant empêcher la crise incontrôlable de la dissolution de l'euro en organisant ce qui semble inévitable. Le parti de Marine Le Pen se veut donc responsable sur ce sujet, ce qui permet de désarmer l'argument d'irresponsabilité qui lui est régulièrement jeté au visage.

Plus que cela, si l'euro est voué à disparaître et que l'ensemble des pays de la zone décide d'y mettre fin ensemble, les avantages seraient considérables, car le détricotage de l'UEM est un phénomène complexe et coûteux. En cas d'explosion, le FN peut espérer que la France se débarrasse de ses engagements auprès du Mécanisme Européen de Stabilité (MES) et qu'elle pourra, comme ses anciens partenaires, rembourser sa dette en monnaies nationales…

  a/ L'euro est-il voué à disparaître ?

Économiquement, la survie de l'euro est, il est vrai, loin d'être assurée. Preuve a été faite, en effet, que la zone euro n'est pas une « zone monétaire optimale » :  l'évolution depuis 1999 des pays membres en est la preuve. Malgré l'austérité, les différences de compétitivité et de structure économique rendent l'architecture de la zone euro extrêmement fragile. Sans vrais transferts, la zone euro aura bien du mal à tenir tant les écarts de compétitivité restent importants.

Les constructions institutionnelles issues de la crise ne semblent pas en mesure d'améliorer la situation : elles créent avant tout une compétition interne féroce qui ne peut se régler que par une compression des demandes intérieures, donc un appauvrissement, des pays les moins compétitifs. Ainsi, l'amélioration de la compétitivité espagnole met-elle la pression sur la France. Les tensions internes ne peuvent que s'en renforcer. Et la tentation pour un pays de la zone de sortir de l'UEM n'en sera que plus forte.

 Une volonté politique qui demeure

Le FN aurait-il alors raison ? En partie seulement. Car si la zone euro est bancale et artificielle, elle dispose d'un ciment important, ciment qui a permis son sauvetage malgré la crise majeure qu'elle a traversé : la volonté politique. Or, cette volonté s'appuie sur trois piliers : la détermination allemande, la pression sur les pays « périphériques » et l'action de la BCE. Assis sur ces trois piliers, l'euro a survécu et semble pouvoir résister - même artificiellement - à de nouvelles secousses pendant encore longtemps.

Un soutien allemand déterminant

Le pilier « porteur », principal de l'euro, c'est évidemment l'Allemagne. Sur ce point, l'analyse du FN est entièrement fausse et le parti de Marine le Pen prend clairement ses désirs pour des réalités. Au cours de la crise de l'euro, loin de s'en détourner, la République fédérale a pris conscience de l'importance de la monnaie unique pour son économie. Non seulement l'euro lui offre une protection face à ses concurrents européens privés de l'arme de la dévaluation, mais elle constitue également un bouclier contre une trop forte appréciation de ce qui serait une monnaie purement allemande.

D'où la stratégie de « sauvetage de l'euro à tout prix » développée par Angela Merkel à partir de 2012 et qui a été confirmée par les électeurs lors du scrutin du 22 septembre. Lors de ce scrutin, les défenseurs d'une position proches de celle du FN (sur ce point), regroupés dans le parti Alternative für Deutschland (AfD) ont fait un bon score, mais n'ont pas dépassé les 5 % nécessaires à l'entrée au Bundestag. L'opinion opposée à l'euro demeure en réalité très minoritaire outre-Rhin. L'idée d'une « coopération franco-allemande » pour mettre fin à l'euro semble donc illusoire. D'autant que l'Allemagne devrait payer plusieurs des garanties avancées dans le cadre du MES.

Les pays périphériques attachés à la monnaie unique

Les deux autres piliers du soutien politique à l'euro découlent de cette volonté allemande. Les élections grecques de 2012, la formation des deux derniers gouvernements italiens, le règlement de la crise politique portugaise cet été et la mise au pas de Chypre au printemps ont montré que dans une Europe dominée par l'Allemagne, la démocratie a une limite : la sortie de la zone euro. Les Européens n'ont pas hésité à faire des pressions, voire, dans le cas chypriote, du chantage, pour que ces pays demeurent dans la zone euro. On voit donc mal l'Allemagne et les gouvernements de ces pays applaudir à la proposition française d'une implosion de l'euro.

Du reste, ces pays périphériques ne semblent plus eux-mêmes devoir engager des processus de sortie de la zone euro. Leurs « efforts » commencent à payer en termes de compétitivité externe et de succès à l'exportation. Certes, les souffrances de la population restent immenses, le chômage très élevé, mais, sauf crise majeure, on voit mal ces pays abandonner leurs sacrifices passés pour se jeter dans une nouvelle aventure. Il est sans doute trop tard...

La BCE, dernier rempart

Enfin, il y a la BCE. La Banque centrale a montré également sa détermination à sauver la monnaie. Certes son arme essentielle BCE, l'OMT (e programme de rachat illimité d'obligations souveraines), est une arme fragile. Elle n'a jamais été utilisée et sans doute ne peut-elle pas l'être en cas de crise impliquant la France ou l'Italie. Elle doit aussi être validée par la cour constitutionnelle de Karlsruhe, et si cette dernière devait limiter la participation de la Bundesbank à ce programme, ce serait un coup porté à l'euro. Mais pour le moment, elle est assez dissuasive et Karlsruhe a toujours reculé devant le détricotage de ce qui existe. La cour allemande n'agit souvent que pour l'avenir

Du reste, la BCE a d'autres moyens, comme le LTRO (le programme de prêts à long terme accordé aux banques), de maintenir les taux périphériques (et même ceux du « cœur ») artificiellement bas en prêtant aux banques pour qu'elles achètent des obligations d'Etat. En tout cas, la BCE défendra l'euro - sa raison d'être - tant qu'elle le pourra. Et elle est soutenue en cela par l'exécutif allemand.

b/ Avec qui négocier une « implosion concertée » de l'euro ?

Bref, économiquement fragile, l'euro est solidifié par une volonté politique de fer. Tant qu'il en sera ainsi, sa disparition ne sera pas inéluctable. Le scénario d'un inévitable effondrement de l'euro est, à ce jour, une erreur d'analyse de la situation économique européenne. Et l'on voit mal avec qui la France pourrait « négocier » pour faire disparaître l'euro.

Un euro encore populaire

Certes, la situation peut toujours évoluer et les expériences des années précédentes doivent appeler à la prudence. Mais il faut bien l'avouer : l'euro bénéficie encore d'un soutien populaire fort, malgré un recul sensible. Le dernier Eurobaromètre de juillet 2013 montre que les plus europhobes sont les pays qui ne sont pas dans la zone euro : Royaume-Uni, Suède, République tchèque, Pologne, Danemark. Seuls la Lettonie et Chypre ont moins de 50 % de leur population favorables à l'euro. 

Pas de majorité eurosceptique claire en Europe

Pour le moment, on ne voit guère des majorités eurosceptiques pouvoir se former dans les pays de l'UEM. Aux Pays-Bas, les Eurosceptiques sont certes majoritaires, mais divisés entre extrême-gauche et extrême-droite. Donc incapables de gouverner ensemble. En Italie, le Mouvement 5 Etoiles culmine à un peu plus de 20 % des voix. Les mouvements anti-euros ne dépassent guère 15 % en Espagne et au Portugal. En Grèce même, Syriza, la coalition de la gauche radicale, actuellement en tête dans les sondages, n'est pas favorable à une sortie du pays de la zone euro.Le FN ne peut donc guère compter sur des alliés puissants dans la zone euro...

Une évolution incertaine

Reste évidemment que la popularité de la monnaie unique ne cesse de se dégrader, y compris dans les pays de la zone euro. La situation peut donc évoluer. Mais aujourd'hui, on voit donc mal avec qui le FN pourra négocier une désintégration de la zone euro. Autrement dit, sauf modifications majeures des rapports de force politiques dans les pays européens, la France devra sortir seule de l'euro et sans la « coopération » de ses partenaires. La promesse de sortie apaisée de la zone euro formulée par le Front National semble donc difficile à mettre en œuvre.

c/  Négocier sa sortie de l'euro

A la différence de la sortie de l'UE qui est prévue par une procédure dans le traité de Lisbonne, la sortie de la zone euro est considérée comme « impossible », car l'entrée dans l'euro se veut « irréversible. » Evidemment, ce rempart « moral » ne tiendra guère si la France décide d'abandonner l'euro. Mais il lui faudra pour cela dénoncer unilatéralement plusieurs traités internationaux : celui de Maastricht, celui instaurant le MES (Mécanisme Européen de Stabilité) et le pacte budgétaire. Un comportement qui aurait évidemment une conséquence immédiate : la perte de confiance dans la signature de la France.

« Seule contre tous »

Autre conséquence : la France serait « seule contre tous » pour négocier et ne serait donc pas en position de force. Les pays de la zone euro sachant que la France sortira de l'euro et de l'UE n'auront pas de raison de se montrer bienveillants. Pourquoi l'Allemagne et l'Italie feraient-elles cadeau à Paris des garanties engagées sur le MES ou de ses engagements auprès de la BCE ou du budget européen ? Pourquoi accepteraient-ils de voir les conditions de la dette extérieure française modifiée au détriment des banques et des investisseurs de leurs pays ? D'autant que ces pays auront à cœur de « faire un exemple » pour sauver ce qui peut l'être de l'UEM.

Une épreuve de force inévitable

La France pourra certes tenter l'épreuve de force et compter sur la pusillanimité de l'Europe, qu'elle a déjà démontrée face à la Hongrie, par exemple. Mais le cas est différent, car il implique l'avenir de l'euro. Comme la France sera déterminée à sortir de l'UE, les Européens n'auront pas de raison de se montrer bienveillants et pourront menacer de prendre des mesures de rétorsions commerciales.

Dans tous les cas, cette épreuve de force risque de durer longtemps. Pendant ce temps, il faudra sans doute contrôler les capitaux pour éviter une fuite des euros vers l'étranger et maintenir la confiance des marchés et des investisseurs envers la France. Tout ceci sera fort difficile. Pour toutes ces raisons, on comprend l'intérêt d'une disparition complète de l'euro plutôt que d'une sortie unilatérale.

d/ Le choc économique

Reste que qu'elle sorte seule ou non de la zone euro, la France devra faire face à un choc inévitable : les taux remonteront en flèche et la nouvelle monnaie se dévaluera fortement. Pour freiner ces effets collatéraux, le FN envisage d'établir un contrôle des capitaux. Les cas chypriotes ou islandais montrent qu'un tel contrôle freine inévitablement l'investissement étranger et accélère les sorties de capitaux lorsqu'elles redeviennent possibles. D'autant que les investisseurs seront déjà fortement échaudés par l'introduction d'une monnaie dévaluée.

La question du remboursement de la dette

La France devra également décider si elle veut conserver en euros la dette émise avant sa sortie. Si c'est le cas, elle préservera une partie de sa crédibilité. Sinon, le Front National ruinera ce qui reste de confiance dans la France, car rembourser en francs de la dette émise en euros sera considéré comme un défaut. Mais il pourra rembourser à vil prix la dette française et dégager de la marge de manœuvre budgétaire.

Sur ce point, le FN semble vouloir rembourser la dette libellée en euros dans cette devise. Le FN veut financer ce remboursement par une taxe sur « les actifs en euros » des banques. Il s'agit donc de « siphonner » les euros présents dans les bilans des banques afin de rembourser la dette, autrement dit de vendre ces actifs dans les pays restés dans la zone euro. Une solution qui risque de fragiliser le secteur financier français et la position de la France face à ses anciens partenaires.

La Banque de France, désormais contrainte de faire des avances au Trésor, participera à ce remboursement. Cela supposera de retrouver rapidement un excédent courant afin de pouvoir importer des devises. La dévaluation doit aider à la reconstitution de cet excédent en améliorant la compétitivité. Mais le renchérissement des importations et la perte de confiance dans la signature et la stabilité française suite à la dénonciation des traités et au contrôle des capitaux rendront le processus difficile.

Le risque inflationniste

Le FN espère pouvoir financer le budget par les avances au Trésor de la Banque de France, en francs cette fois. Or, ces avances sont fort inflationnistes, ce qui nuira à la compétitivité du pays. Les exemples avancés par le FN, les Etats-Unis et le Royaume-Uni ne sont pas convaincants. Les premiers bénéficient d'une vaste demande internationale pour leurs bons du Trésor qui rend les rachats de la Fed peu inflationnistes, le second a accompagné l'action de la Banque d'Angleterre d'une austérité sévère pour compenser les effets de sa politique monétaire. En Islande, la sortie de crise par la dévaluation s'est accompagnée d'une inflation forte qui est montée jusqu'à 18 % en 2009 et qui est encore à 6 %, 5 ans après la crise.

Privé de son accès aux marchés financiers, L'État, s'il ne pratique pas une austérité sévère, devra donc avoir toujours recours aux avances de la Banque qui n'aura plus d'autres solutions que d'émettre de la monnaie. Le risque d'un cercle vicieux hyperinflationniste ne peut donc être écarté. Quoi qu'il arrive, les Français devront se réhabituer à l'inflation et à des taux élevés. La promesse du FN de « sauvegarder l'épargne des Français », désormais libellés dans un franc dévalué, risque donc de rester lettre morte.

Le scénario rêvé : la stabilisation par la croissance

L'hypothèse du FN est cependant que la croissance engendrée par l'effet de la dévaluation permettra de résorber rapidement le chômage et de fournir des ressources supplémentaires à l'Etat. Beaucoup d'économistes reconnaissent que la France souffre d'un manque de compétitivité et qu'une dévaluation serait favorable à cette dernière.

Si la dévaluation permet de soutenir la croissance, les taux élevés ne seront pas des entraves à la croissance, mais des freins naturels permettant de maîtriser l'inflation importée et d'établir un taux de change adapté. Cette croissance acquise par la dévaluation permettrait, par ailleurs, de réduire le chômage et d'augmenter les recettes de cotisations sociales. Autrement dit, de réduire les besoins de financement de l'Etat sans en passer par l'austérité. Du coup, le recours de l'État à la Banque de France sera moindre et l'hyperinflation évitée.

L'impact incertain du protectionnisme

Cette hypothèse ne peut être entièrement écartée, mais elle suppose que la France reste inscrite dans la mondialisation et puisse profiter des marchés extérieurs. Or, il est difficile de mesurer l'impact des mesures protectionnistes prises par le FN, du poids fiscal imposé aux importations et de l'isolement de la France sur les exportations françaises. Les questions de la fuite des capitaux et du poids d'une dette demeurant en euros font également peser des doutes sur ce scénario, car elle risquerait de trop réduire le taux de change et de rendre la dévaluation nocive. Enfin, l'étatisation à outrance de l'économie française, notamment - mais pas seulement - par la nationalisation du système bancaire, risque de rendre les besoins de l'Etat trop importants et d'alimenter la spirale inflationniste.

 

En réalité, le programme européen du Front National repose sur une hypothèse de base erronée : l'inévitable fin de l'euro qui conduira à sa disparition négociée. Il s'appuie également sur une série de non-dits techniques concernant la dette, le protectionnisme et l'équilibre budgétaire.

Si certaines expériences, comme celles du Japon, de l'Islande ou de la Hongrie, peuvent montrer que la croissance est possible grâce à la dévaluation, la tâche de la France sera plus ardue car elle ne se contentera pas de dévaluer : elle sortira d'une union monétaire, ce qui - sans tomber dans le catastrophisme des économistes pro-européens - rend néanmoins l'exercice plus périlleux.

Surtout, la faiblesse du programme du FN semble guidé par l'espoir d'une sorte d'autarcie ou de mercantilisme où la France, pourra se financer elle-même grâce à la puissance publique et à des exportations dopées par la dévaluation. Ce projet semble difficile à tenir, c'est un euphémisme, dans le système économique actuel.