Où mettre les touristes chinois ?

Par Romain Renier  |   |  760  mots
La France a tous les atouts pour attirer de plus en plus de touristes chinois, qui consacrent en moyenne 40% de leur budget en dépenses sur place. Mais cela réclamera des aménagement et des réorganisations dans des lieux déjà saturés. (Photo : Arnaud David (CC))
Le nombre de touristes chinois est passé de 10 à 83 millions en à peine plus de dix ans. La France, déjà saturée, doit donc s'organiser pour réussir à accueillir cette clientèle dépensière. Un bon moyen de soutenir sa demande intérieure.

Le monde change. Pour preuve, le nombre de touristes chinois vers l'international est passé de 10 millions à 83 millions entre 2000 et 2012. Et celui-ci devrait "continuer à croître de 10% par an en moyenne jusqu'à 2020. Ce grâce aux efforts menés par Pékin pour qu'un plus grand nombre de Chinois profite de la croissance du pays", explique Rajiv Biswas, chef économiste Asie Pacifique chez IHS Global Insight.

Une clientèle dépensière

Leur rêve absolu ? La France et sa capitale, selon une étude du Boston Consulting Group. Une aubaine pour le pays, qui reste la destination numéro un, non seulement dans le monde (82 millions de touristes accueillis en 2012), mais aussi pour les Chinois.

"La France est connue en Chine. Les entreprises françaises y sont implantées depuis longtemps, sa gastronomie et son Histoire y sont réputées", selon Sylvain Duranton, directeur associé en charge du tourisme au Boston Consulting Group (BCG). Pourtant, sur les plus de 80 millions de touristes chinois, seulement 1,4 million ont visité la France en 2011, selon les chiffres de l'Insee. La marge est donc importante.

D'autant plus que la clientèle chinoise est dépensière. "Ils consacrent 40% de leur budget vacances au shopping", souligne le spécialiste du tourisme. Des dépenses qui, en raison d'un taux de change qui leur est de plus en plus favorable et de salaires qui montent, ont explosé de 40% entre 2011 et 2012. D'ici à 2030, leurs dépenses devraient passer de 260 milliards à 1.800 milliards de dollars.

Un moyen de soutenir la demande interne, moteur de la croissance française

Ce qui est loin d'être anodin dans un pays comme la France, dont la croissance est principalement tirée par la consommation. De fait, "le tourisme est un puissant moteur pour favoriser une croissance portée sur la demande intérieure", a pointé lundi dernier le président de la Commission européenne José-Manuel Barroso, à l'occasion d'une conférence sur le tourisme qui se tenait à Berlin.

D'autant plus que si l'Hexagone accueille le plus grand nombre de touristes par an, il ne se classe qu'en troisième position derrière les Etats-Unis et l'Espagne en termes de gain, d'après l'Organisation mondiale du tourisme. Le secteur rapporte pourtant plus que celui de l'énergie par exemple. De ce point de vue, accueillir des touristes réputés pour être dépensiers apparaît comme essentiel.

Les monuments importants sont déjà saturés

"Mais il ne faut pas contempler ces chiffres en se disant que cela va venir tout seul", prévient Sylvain Duranton. De fait, si les atouts de la France sont certains - un territoire ramassé avec une grande diversité de richesses culturelles authentiques qui plaisent aux clients chinois - encore faut-il qu'ils en aient pour leur argent. Habitués des voyages groupés (55% d'entre eux choisissent ce type de voyage organisé) ils sont 65% à envisager de voyager en solitaire. Or la France fait souvent partie d'un tour d'Europe des grandes villes qui comprend Londres, Rome, Paris mais aussi les Châteaux de la Loire et le Mont Saint-Michel, autres destinations françaises phares.

Se rendre en France doit donc garder de l'intérêt pour eux, alors que Paris, les Châteaux de la Loire et le Mont Saint-Michel sont déjà saturés de touristes et peuvent à la longue en fatiguer plus d'un. Il faut donc s'organiser.

Des efforts au niveau de la filière sont à prévoir

Du côté de l'hébergement, cela devrait suivre, selon Sylvain Duranton, car les effets de la crise sur la demande interne ont libéré des capacités. Mais le problème est ailleurs, estime-t-il : "on doit s'organiser au niveau de la filière touristique pour mettre en place une véritable politique industrielle pour répondre aux besoins".

En ce qui concerne les monuments, par exemple, il est impossible de les agrandir. Il faudra donc se poser la question de la gestion des flux, des horaires d'ouverture, de la qualité des guides par exemple, selon le spécialiste du tourisme. Le secteur aérien, essentiel pour acheminer cette nouvelle clientèle, doit s'y adapter. "Les touristes chinois adorent le shopping et détestent être limités dans leurs achats, pour les attirer à Dubaï, la compagnie Emirates a par exemple relevé sa limite de poids par bagage", raconte-t-il.

"Il y a tout un tas d'investissements à faire sur les infrastructures d'accueil, constate le spécialiste, mais il faut les financer, or dans le contexte budgétaire actuel, ce ne sera pas simple". . Il y aurait pourtant beaucoup à y gagner, selon lui.