Le relèvement de la TVA, une mauvaise nouvelle pour la consommation des ménages ?

Par Fabien Piliu  |   |  762  mots
Les prix à la consommation ne devraient pas bondir brutalement estime l'Insee (Crédits : reuters.com)
Selon l’Insee, la consommation des ménages ne progressera que de 0,1% au premier et au deuxième trimestre. L’augmentation des taux de TVA favorisera-t-elle une augmentation des prix et fragiliser le seul moteur encore vaillant de la croissance française ?

C'est l'un des arguments de l'opposition. En relevant le taux normal de TVA de 19,6 % à 20 % et le taux intermédiaire de 7 % à 10 %, le gouvernement prendrait le risque de gripper la consommation des ménages, le seul moteur encore relativement vaillant de l'économie française.

Au-delà du fait que la majorité actuelle avait émis les mêmes craintes lorsque le gouvernement de François Fillon avait décidé de lancer la TVA sociale début 2012 - avant que celle-ci ne soit retoquée dès l'été par le gouvernement -, ce relèvement de la fiscalité indirecte est-elle en effet de nature à favoriser l'inflation, peser sur le pouvoir d'achat et ralentir les dépenses de ménages ?

Une hausse mécanique de 0,5% sur les prix

Dans sa note de conjoncture publiée ce vendredi, l'Insee répond à la question. Selon les experts du boulevard Adolphe Pinard, si la hausse de la TVA était intégralement répercutée, les prix des produits au taux normal de TVA augmenteraient de 0,3 % et les prix des produits au taux intermédiaire de 2,8 %, soit un impact de 0,5 point sur l'inflation globale. Une progression à comparer avec celle du pouvoir d'achat des ménages, évaluée à + 0,6% pour  2014 par l'Insee.

Quels seraient les secteurs les plus affectés ? Ce serait essentiellement les services, parmi lesquels l'hébergement, les cafés et la restauration, l'entretien du logement, les services culturels et les transports.

Les entreprises ont des contraintes

Mais cette prévision est théorique. " En pratique, d'après les expériences passées de variation des taux de TVA, l'ajustement des prix se fait progressivement, si bien qu'un impact de l'ordre de 0,4 % serait attendu à fin juin 2014 ", précise l'Institut pour qui ce délai de transmission traduit des différences de comportements de marge des entreprises.

Au regard de ces expériences, il faut s'attendre à ce que certaines entreprises ne répercutent pas immédiatement la hausse de la TVA dans les prix à la consommation. Le groupe de distribution Leclerc a notamment prévu de temporiser avant de réviser à la hausse les tarifs des produits présents dans ses rayons.

Dans les télécoms, Orange, Bouygues Télécom et SFR ont fait un choix différent. Si le premier prévoit d'augmenter ses tarifs, les deux autres ont décidé d'absorber la hausse de la fiscalité. L'opérateur historique fait un pari risqué. En janvier 2011, après le passage de 5,5% à 19,6% de la TVA sur l'offre "Triple play" (téléphone, Internet et télévision), SFR et Orange avaient été contraints de renoncer à l'augmentation des prix sur leurs offres mobiles suites aux demandes massives de résiliation. Une hausse de TVA étant en effet un motif de résiliation, l'abonné dispose alors d'un délai de quatre mois pour résilier sans frais à compter de la date de la mise en place de la hausse.

Dans l'automobile, si le prix facial des véhicules risque d'augmenter, il est fort probable que cette inflation soit totalement compensée par les rabais que les constructeurs sont prêts à consentir pour écouler leurs stocks. 

Des baisses de prix envisageables ?

À court terme, certaines entreprises devraient même baisser leurs prix hors taxe, pour ne pas amputer leurs prix TTC. Dans certains secteurs, la concurrence est telle que les entreprises préfèrent rogner leurs marges pour maintenir leurs positions de marché. Selon les estimations de COE-Rexecode, le taux de marge du secteur industriel manufacturier en 2013 frôle les 34% en Allemagne quand elle peine à tutoyer les 24% en France. A titre de comparaison, il s'élevait à 33% en France et 27% en outre-Rhin en 2000.

Mais, estime l'Insee, ces comportements seraient pourtant " transitoires ". " En observant des hausses ou des baisses passées de TVA, en France comme à l'étranger, les changements de législation de la fiscalité indirecte se transmettent aux prix à la consommation (TTC) au bout d'un certain délai, suggérant qu'elles n'ont finalement pas d'effet sur le niveau des prix hors taxe ", observe l'Institut.

Un effet CICE !

Le relèvement de ces deux taux de TVA devrait donc inéluctablement se traduire par une hausse des prix comprise entre 0,4% et 0,5% ? C'est sans compter sur l'apparition d'une autre nouveauté dans le domaine fiscal : le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE). Parce que « la hausse du taux de TVA se fera en 2014 concomitamment à la mise en place du CICE, la diffusion serait de fait plus faible que pour les hausses passées de taux de TVA, et l'effet sur l'inflation en glissement annuel à fin juin 2014 ne serait que de +0,2 point.