Comment Bercy compte simplifier la fiscalité des entreprises

Par Fabien Piliu  |   |  1058  mots
Le ministère du Budget veut rationaliser la fiscalité des entreprises
Les Assises de la fiscalité démarreront avant la fin du mois. En promettant de réduire le nombre des taxes directes et indirectes pesant sur les entreprises, Bernard Cazeneuve, le ministre du Budget espère s’attirer les bonnes grâces du patronat.

Bernard Cazeneuve a le sens du tempo ! Une semaine après la proposition élyséenne de signer un pacte de responsabilité avec les entreprises, le ministre du Budget leur donne déjà des gages. A quelques jours du début des Assises de la Fiscalité, qui ne démarreront pas avant la fin du mois, Bernard Cazeneuve a repris dimanche des propos martelé depuis très longtemps par le Medef. Il reprend également à son compte une promesse faite par Pierre Moscovici, le ministre de l'Economie lors de l'université du Medef de " faciliter la vie des entreprises ", notamment dans le domaine fiscal.

" Il y a à peu près 150 petites taxes dont les entreprises sont redevables qui représentent des montants en termes de recettes très faibles (...). J'ai demandé à ce qu'on fasse l'inventaire de ces petites taxes et qu'on regarde si l'on peut simplifier ", a déclaré le ministre lors du Grand Jury RTL - Le Figaro- LCI.

Cette preuve de bonne volonté n'est pas tout à fait désintéressée. En simplifiant la vie administrative des entreprises, Bercy simplifie aussi la sienne, la gestion de ces multiples taxes, dont certaines d'entre elles ne rapporte pas plus de 5 millions d'euros, étant très lourde.

Plus de 150 taxes directes et indirectes

Selon une enquête menée en 2012 par la Fondation IFRAP et l'ASMEP-ETI, le syndicat des entreprises intermédiaires, 153 taxes et impôts pèsent directement ou indirectement sur les entreprises tricolores pour un montant total cumulé de 25,54 milliards d'euros. A titre de comparaison, il en existe 55 en Allemagne. " Globalement, la fiscalité additionnelle, hors impôt sur les sociétés (IS) et hors charges représente 2,45% de PIB de plus en France qu'en Allemagne ", précisait l'étude.

" Les secteurs particulièrement productifs en matière de nombre de taxes et de montants sont celui des collectivités territoriales qui dispose de 41 dispositifs fiscaux en direction des entreprises représentant un montant de 4,15 milliards d'euros, le secteur social, avec 25 dispositifs représentant un montant de 10,31 milliards d'euros, et l'environnement avec 9 dispositifs pour un poids de 2,7 milliards d'euros ", observe l'étude.

Selon l'étude annuelle " Paying taxes 2014 " du cabinet PwC, la France conserve sa 53ème position dans le classement mondial de l'attractivité selon les trois critères de l'enquête : taux d'imposition, nombre de paiements et nombre d'heures consacrées aux démarches.

Il faut distinguer deux types d'impôts directs, ceux que la plupart des entreprises doivent acquitter, et les taxes sectorielles. Dans la première catégorie, on peut ranger la cotisation foncière des entreprises (CFE), la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), la taxe des chambres consulaires, la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) à laquelle s'ajoute la taxe additionnelle, les taxes foncières, la taxe sur les salaires des sociétés, le versement transport, les taxes d'apprentissage, les taxes sur la formation, le congé individuel de formation des salariés titulaires d'une CDD/Contribution DIF, la participation des employeurs à l'effort de construction, la taxe sur les véhicules de sociétés, les droits d'enregistrement et taxe de publicité foncière, la taxe sur les surfaces commerciales, la taxe générale sur les activités polluantes…

Le poids des taxes sectorielles

Dans la seconde catégorie, plus étoffée, citons par exemple le cas des secteurs de l'agriculture et de l'alimentation qui s'acquittent à eux seuls d'une dizaine de taxes affectées, dont la taxe sur les appellations d'origine protégée, la taxe sur les céréales, la taxe sur le lait et les produits laitiers, la taxe sur les produits de la mer, la taxe sur les médicaments vétérinaires…

Le cas de l'industrie pharmaceutique peut également être mis en avant. En effet, selon une étude réalisée en 2012 par le cabinet d'avocats Landwell pour Les entreprises du médicament (LEEM), la France compte une dizaine de taxes sectorielles pharmaceutiques parmi lesquelles les droits d'enregistrement pour la mise sur le marché d'un nouveau produit, la contribution sur les dépenses de promotion, contribution sur les ventes directes... alors que les autres pays en tout au plus trois en Espagne et en Italie, voire une seule en Allemagne ou même aucune à l'exception non significative des honoraires d'enregistrement des spécialités pharmaceutiques, en Grande-Bretagne, en Suisse et en Irlande. " Le poids des taxes sectorielles par rapport au taux d'imposition global est extrêmement élevé en France - de 34% à 62% selon le profil de l'entreprise. L'augmentation récente de la contribution sur le chiffre d'affaires de 0.6% et des plafonds de diverses taxes pharmaceutiques est venue sensiblement alourdir le poids de cette fiscalité spécifique ", explique l'étude.

La méthode de Bercy

Quelles sont les impôts dans le collimateur de Bercy ? Il est encore trop pour le dire. Néanmoins, Bernard Cazeneuve devrait largement s'inspirer du rapport que vient de lui remettre l'Inspection générale des finances (IGF) portant sur les petites taxes dont s'acquittent les entreprises. " Certaines taxes pourraient être supprimées, d'autres fusionnées ", avance-t-on au Medef.  

S'inspirant du rapport du rapport daté de juillet du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) sur les taxes affectées, la CGPME a également une idée précise de la question. "Il apparaît effectivement que quatre-vingt une taxes ont un rendement individuel inférieur à 5,5 millions d'euros. On peut à ce titre citer notamment la redevance sur les biocides, les droits sur l'enregistrement des médicaments à base de plantes … Or les coûts de collecte et de recouvrement des taxes affectées sont d'autant plus importants que leur rendement est modeste. Aussi, dans le cadre des Assises de la fiscalité, la CGPME proposera d'établir une règle automatique consistant à supprimer toutes les taxes dont le rendement ne serait pas a minima supérieur de 25% au coût de leur collecte. En outre, la Confédération proposera de supprimer les vingt-neuf taxes dont le rendement financier annuel est inférieur à 0,5 million d'euros. Simple question de bon sens ", explique la Confédération.

Dès le projet de loi de finances 2015

Ce dossier peut-il est clôt rapidement ? Les organisations patronales en sont convaincues. Selon elles, cette simplification partielle de la fiscalité peut être intégrée au projet de loi de finances 2015. Le choc de simplification serait alors vraiment engagé.