Le 15 mai prochain, la France sera plus riche !

Par Fabien Piliu  |   |  966  mots
Quand la comptabilité nationale fait bondir la richesse française !
C’est à cette date que l’Insee publiera une nouvelle version des comptes nationaux, actualisée et modifiée. L’immatériel sera désormais considéré comme de l’investissement. Les ratios qui prennent le PIB pour dénominateur reculeront donc.

Jean-Marc Ayrault et Pierre Moscovici y croient dur comme fer ! La croissance de l'économie française pourrait bien dépasser 1% cette année si l'on en croit les déclarations faites ce vendredi matin par le Premier ministre et le ministre de l'Economie et des Finances.

Comptent-ils sur une subite accélération de la consommation des ménages, une reprise des investissements ou sur une envolée des exportations ? Peut-être, mais comme ils n'ont pas précisé leurs pensées… Ces déclarations ne seraient donc que des incantations ?

Une chose est sure, le 15 mai, le niveau du PIB français décollera. A cette date, l'Insee publiera une nouvelle version des comptes nationaux, actualisée sur les trois dernières années, et reposant sur une nouvelle base qui prend en compte les modifications de tous les grands agrégats (PIB, consommation, investissement…). Conséquence de ces modifications comptables, « il en résultera une révision substantielle à la hausse du niveau du PIB, pour un impact nettement plus modeste sur les taux d'évolution ".

Selon l'Insee, l'augmentation du niveau du PIB pourrait être de 1 à 4 points de PIB, 1 point de PIB représentant 20 milliards. Conséquence, les ratios qui prennent le PIB pour dénominateur reculeront précise l'Insee, notamment ceux qui auront le déficit public, la dette publique et les prélèvements obligatoires au numérateur.

Actualisation et changement de base

Quels changements interviendront ? Les données macroéconomiques des comptes nationaux seront actualisées sur les trois dernières années, soit 2011, 2012 et 2013, afin de tenir compte des nouvelles informations arrivées depuis le précédent millésime des comptes nationaux. En outre, les concepts qui gouvernent l'établissement de ces chiffres feront l'objet d'un toilettage lié à changement de base - de 2005 à 2010 -, entraînant la modification de la définition exacte de nombreuses données et le contour de tous les grands agrégats (PIB, consommation, investissement, solde des administrations publiques,...).

Concrètement, à compter du 15 mai prochain, lors de la publication de la base 2010, les actifs produits, entendus comme les biens matériels ou immatériels utilisés de façon répétée et continue dans des processus de production pendant plus d'un an, verront leur périmètre élargi pour inclure, au titre de la propriété intellectuelle, un certain nombre d'actifs immatériels comme les résultats des activités de recherche et développement (R&D), les bases de données, et les biens d'équipement à usage exclusivement militaire. " On entend par là les navires, sous-marins, avions, blindés ainsi que certains missiles à fort pouvoir destructeur équipant les forces armées ", explique l'Insee.

L'immatériel devient un investissement

Le corolaire de cette extension du périmètre des actifs produits est que les dépenses engagées pour acquérir ces actifs - dépenses de R&D, achats de base de données ou d'équipements militaires - sont dorénavant comptabilisées en formation brute de capital fixe (FBCF), c'est-à-dire en investissement, et non plus en consommation intermédiaire. Le PIB est relevé d'autant. Jusqu'à présent, la consommation intermédiaire, c'est-à-dire la valeur des biens et services transformés ou entièrement consommés au cours du processus de production, n'était pas prise en compte dans le calcul la valeur ajoutée et le PIB. " L'augmentation de la valeur ajoutée concerne aussi bien les administrations publiques, pour les achats de systèmes d'armes ou le financement de la R&D non marchande, que les sociétés non financières, pour la R&D marchande et les bases de données ", détaille l'Institut.

Le poids de l'immatériel enfin reconnu

Pourquoi ce changement ? L'Insee appliquera les nouvelles normes de comptabilité nationale édictées par le Système de comptes nationaux (SCN 2008) et sa déclinaison européenne, le Système européen de comptes (SEC 2010). " Le cadre comptable doit en effet s'adapter pour refléter au mieux les mutations de l'économie. Traiter en investissement les dépenses de R&D permet par exemple de mieux rendre compte du poids de plus en plus important des actifs tirés de la propriété intellectuelle dans l'économie d'aujourd'hui ", explique l'Institut.

Cette prise en compte de l'immatériel suit les nombreuses recommandations d'experts et d'institutions pour une meilleure prise en compte de l'immatériel dans la création de richesses.

Créée en 2008 à l'initiative de Nicolas Sarkozy, la Commission sur la mesure de la performance économique et du progrès social, menée par  les économistes et prix Nobel Joseph E. Stiglitz, de l'université de Columbia, et Amartya Sen, de l'université de Harvard,  ainsi que Jean-Paul Fitoussi, de l'Institut d'Études Politiques de Paris, président de l'Observatoire Français des Conjonctures Économiques (OFCE), faisait notamment fait des propositions sur ce point.

La France ne fait pas exception

Aux Etats-Unis, la récente révision quinquennale de la comptabilité nationale permet également d'évaluer le PIB différemment. Ainsi, depuis le 31 juillet, le Bureau of Economic Analysis (BEA) - l'équivalent américain de l'Insee - inclut l'apport de la production intellectuelle afin de reconnaître les dépenses en recherche et développement, dans le domaine du divertissement, de la création littéraire et artistique comme des investissements à part entière. Les États-Unis ne sont pas les seuls à appliquer ce changement de méthode comptable, recommandé par les Nations unies en 2008. L'Australie et le Canada l'ont également adopté.

Les pays européens devant suivre en 2014 - ils doivent transmettre les données harmonisées avancent septembre à la Commission européenne -, la France ne sera pas la seule pays à voir son stock de richesses augmenter cette année.