Les hôpitaux privés tirent la sonnette d’alarme et entrent en résistance

Par Fabien Piliu  |   |  712  mots
Pour Jean-Loup Durousset, le président de la FHP, le dialogue avec le ministère de la santé est rompu
S’estimant lésée par la politique de santé menée par le gouvernement, la Fédération hospitalière privée (FHP) a décidé de prendre plusieurs mesures fortes parmi lesquelles la suspension de la formation des infirmiers à compter du 1er mars.

Entre la Fédération hospitalière privée (FHP), qui représente 1.100 cliniques et hôpitaux privés et le ministère de la Santé, le torchon est en train de bruler. " Malgré nos efforts, malgré notre bonne volonté, le ministère de la Santé est totalement sourd à nos doléances. C'est incompréhensible. Ils nous conseillent de recourir au Conseil d'État plutôt que d'étudier nos propositions. Quelle perte de temps ! ", regrette Jean-Loup Durousset, le président de la FHP qui a décidé de prendre l'avenue de Ségur au mot.

S'estimant " rejetée et marginalisée ", l'hospitalisation privée a en effet décidé d'entrer en résistance.Trois actions fortes sont envisagées à commencer par le déploiement d'une panoplie de mesures juridiques sans précédent. La FHP compte ainsi remettre en cause les structures publiques hospitalières pour abus de position dominante, saisir l'Autorité de la concurrence et poser la question prioritaire de constitutionnalité sur la loi de 2004 qui instaura la tarification à l'activité (T2A) qui visait à équilibrer les coûts des systèmes hospitaliers publics et privés.

Les élèves infirmiers devront se former ailleurs

La FHP, qui accueille chaque année 32.000 stagiaires, soit un tiers des élèves infirmiers, a également décidé de suspendre la formation des infirmiers à compter du 1er mars et pour une durée indéterminée.  Est également suspendue le Plan pour l'emploi du secteur qui a déjà permis la création de 3.000 postes en 2013, notamment via les contrats d'avenir et les contrats de génération. " Si nos efforts ont été loués par Michel Sapin, le ministre du travail, il faut bien reconnaître qu'ils ont laissé de marbre Marisol Touraine, la ministre des Affaires sociales ", constate Jean-Loup Durousset.

Concrètement, que reproche la FHP à l'avenue de Ségur ? Selon la Fédération, qui emploie 154.000 salariés dont plus de 42.000 médecins, et dont les établissements réalisent 54% des interventions chirurgicales, près de 66 % de la chirurgie ambulatoire et enregistrent un accouchement sur quatre, l'hospitalisation privée est marginalisée et souffre d'une iniquité de traitement entre acteurs, à son détriment.

Un traitement inique ?

La FHP constate qu'elle ne reçoit que 1% des 8 milliards des Missions d'intérêt général et d'aides à la contractualisation (MIGAC) et répertorie 33 différences fiscales et de charges entre le public et le privé, représentant un surcoût de 600 millions d'euros. Elle regrette aussi l'écart de tarification entre les secteurs hospitaliers, les tarifs du privé étant plus bas de 22%. " Cet écart représente un montant de 7 milliards d'euros selon le rapport 2011 de la Cour des comptes de la Sécurité sociale ", précise la FHP.

La FHP dit également souffrir d'une application sélective de la règlementation relative aux demandes d'autorisations comme de matériel, ou encore d'accompagnement à l'investissement. " L'hospitalisation privée n'a obtenu respectivement que 7% et 10% des aides accordées dans le cadre des programmes Hôpital 2007 et 2012 ", poursuit la Fédération qui regrette la décision de Bercy d'amputer 0,49% du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) dont bénéficient hôpitaux et les cliniques privés, par " solidarité " avec les établissements publics qui n'en bénéficient pas.

"Seuls les cliniques et hôpitaux privés se voient exclus d'un dispositif applicable à toutes les entreprises. Les groupements de médecins regroupés en sociétés bénéficient de l'intégralité du CICE et pas nous, c'est injuste !", estime Jean-Loup Durousset qui réclame aussi la suppression de la dégressivité tarifaire introduite dans la loi de financement de la Sécurité sociale 2014 qui selon lui pénalise les établissements de santé en faisant baisser leurs tarifs en fonction de leur volume d'activité. " Les plus performants seront pénalisés, c'est un nivèlement par le bas ", insiste-t-il.

Toutes les cliniques privées ne sont pas florissantes

Pourquoi cet acharnement ? Les établissements de privé affichent-ils une santé financière insolente. Si certaines cliniques privées spécialisées affichent des taux de rentabilité enviables, un quart des cliniques et hôpitaux privés sont en déficit selon la FHP qui a constaté la fermeture d'une centaine de cliniques depuis 2000.