Remaniement : qui restera à Bercy ?

Par Fabien Piliu  |   |  1273  mots
Tous les ministres logés à Bercy ne sont pas certains de leur avenir
Ce jeudi 6 mars, Jean-Marc Ayrault a précisé sa pensée sur un éventuel remaniement ministériel. Bercy serait particulièrement concerné. Plusieurs ministres sont d'ores et déjà donnés partants.

Les choses sont désormais claires. Interrogé ce jeudi 6 mars, sur l'antenne de BFM TV et RMC, Jean-Marc Ayrault a précisé sa pensée sur un éventuel remaniement ministériel. Bercy serait particulièrement concerné.

" Il y a sept ministres à Bercy, s'il y en avait moins, sans doute, ce serait plus efficace ", a déclaré le Premier ministre. Des propos dont le contenu est assez proche de ceux tenus lundi sur i-Télé  par Thierry Mandon, le porte-parole des députés socialistes, pour qui " repenser l'architecture " du ministère de l'Economie serait bienvenue. " Sept ministres, ça n'a pas de sens ", estime ce proche d'Arnaud Montebourg.

Bercy héberge actuellement sept ministres

Actuellement, les pensionnaires de Bercy sont Pierre Moscovici, le ministre de l'Economie et des Finances, Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif, Bernard Cazeneuve, le ministre du Budget, Nicole Bricq, la ministre du Commerce extérieur, Fleur Pellerin, la ministre (délégué) des PME et de l'Economie numérique, Sylvia Pinel, la ministre  de l'Artisanat, du Commerce et du Tourisme ainsi que Benoît Hamon au ministère de l'Economie sociale et solidaire et de la Consommation, créé en mai 2012.

Si remaniement il y a, qui pourraient être les sacrifiés ? Plusieurs noms sont déjà au centre des rumeurs. Celui de Pierre Moscovici circule depuis longtemps. Derrière les discours de façade sensés faire la preuve de l'unité et de la solidarité au sein du gouvernement, les relations entre le ministre de l'Economie et le Premier ministre ne sont pas au beau fixe. Par deux fois, en novembre, Matignon a tenté plus ou moins volontairement de déstabiliser Pierre Moscovici. La première en essayant de lui imposer un nouveau directeur du Trésor, la seconde en annonçant dans son dos une remise à plat de la fiscalité. Au printemps, Laurent Fabius, l'un de ses prédécesseurs à Bercy, y avait également été de sa pique en déclarant qu'il fallait un " vrai patron " à Bercy.

Relations tendues entre Moscovici et Matignon

Le ministre a très peu goûté ces initiatives, ne se privant pas de régler ses comptes dans la presse. Alors que les "mauvaises langues" lui reprochent son dilettantisme sur certains sujets, Pierre Moscovici a d'ores et déjà pris le temps de dresser un premier bilan de son action. Dans son livre  « Combats », publié en octobre, le ministre revient longuement sur son action à Bercy. Pour expliquer sa discrétion dans les débats, son effacement dans les médias, ses atermoiements sur certains dossiers, notamment fiscaux, Pierre Moscovici avance un argument imparable : il travaille trop.

Pour lui succéder, plusieurs noms circulent depuis longtemps. Après celui de Louis Gallois, l'actuel Commissaire général à l'investissement, qui aurait un temps refusé le poste offert par François Hollande, ceux de Martine Aubry, de Michel Sapin le ministre du Travail et tout récemment de Pascal Lamy, l'ancien directeur général de l'Organisation mondiale du Commerce, circulent.

A la tête du ministère du Budget depuis la démission de Jérome Cahuzac en mars 2013, Bernard Cazeneuve est-il menacé ? Une chose est certaine, il n'est pas non plus exempt de tout reproche. Il a également sa part de responsabilité sur les allers-retours de Bercy dans le domaine de la fiscalité. Au sein même du gouvernement, les critiques fusent à son égard. Arnaud Montebourg lui reproche ouvertement l'étroitesse de ses relations avec le patronat.

Arnaud Montebourg, un ministre potentiellement dangereux

Le ministre du Redressement productif est-il également sur la sellette ? Pas vraiment. Pour deux raisons. D'une part, sa cote de popularité auprès des dirigeants d'entreprises est assez élevée. Il faut croire que ses déclarations sur le made in France, le renouveau de l'industrie française et ses attaques régulières contre ceux qui, en France ou à l'étranger, portent atteinte aux intérêts économique tricolores, séduisent.

D'autre part, même s'ils s'irritent régulièrement des prises de position très tranchées de leur ministre, François Hollande et Jean-Marc Ayrault savent bien que la capacité de nuisance du troisième homme des primaires socialistes serait forte s'il devait quitter le gouvernement. Pour celui qui rêve de la présidence de la République, nul doute qu'une petite traversée du désert serait mise à profit pour afficher enfin ouvertement ses ambitions.

Sous la tutelle d'Arnaud Montebourg au ministère du Redressement productif, Fleur Pellerin pourrait-elle également être épargnée ? Rien ne serait joué. Son bilan n'est ni bon, ni mauvais. Son principal fait d'armes reste l'organisation des Assises de l'entrepreneuriat dont l'objectif était de réconcilier les chefs d'entreprises et l'Etat après le couac des "Pigeons" que la ministre, comme ses collègues de Bercy, n'avaient pas anticipé. Un an après cette manifestation, le service-après-vente est délicat. Un trop faible nombre des mesures annoncées a été appliqué au grand dam des entrepreneurs. Mais l'instabilité au sein de son cabinet irrite au sommet de l'Etat.

Le commerce extérieur et la diplomatie économique

Nicole Bricq a beau courir le monde pour relancer les exportations françaises, son avenir à Bercy n'est pas assuré. Débarquée du ministère du Développement durable quelques semaines après son arrivée, après avoir tenté, au prétexte de revoir le code minier, de revenir sur des  permis d'exploration au large de la Guyane obtenus par Shell et Total, la ministre du Commerce extérieur n'a pas encore eu le bonheur de voir les statistiques des Douanes  se redresser. Est-ce suffisant pour légitimer un départ anticipé ? Pas vraiment. Depuis 2003, la balance commerciale est dans le rouge.

Que peut faire le gouvernement pour inverser cette tendance ? Créer des dispositifs de soutien aux entreprises ? Il ne s'en est pas privé. La Cour des comptes s'est émue de la piètre performance du soutien public à l'export, malgré la multiplication des structures. Son départ, s'il se concrétisait, pourrait provoquer l'intégration de ce ministère au quai d'Orsay pour renforcer la diplomatie économique chère à Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangères

La polémique sur l'auto-entreprise a trop duré

Malgré le soutien du Parti radical de gauche dont elle est membre, le départ de Sylvia Pinel du ministère de l'Artisanat serait déjà acté. En cause, son empressement à appliquer les promesses tenues par François Hollande lors de la campagne présidentielle d'encadrer et de limiter le régime fiscal et social de l'auto-entreprise . Sur ce dossier qui a provoqué la colère des "Poussins", la ministre a multiplié les bourdes, n'hésitant pas à contredire publiquement Jean-Marc Ayrault, pour un résultat… nul, le dispositif restant quasiment inchangé après plus d'un an de polémiques.

Benoît Hamon a réussi son examen d'entrée

Benoît Hamon pourrait également quitter Bercy… pour atterrir dans un autre ministère.  Peut-être au Travail... ce qui ne satisfait pas trop le Medef. Considérant que son passage au tout nouveau ministère de l'Economie, sociale et solidaire (ESS), mais également à la Consommation, est un succès, l'Elysée et Matignon songeraient à confier à l'ancien député européen un portefeuille plus prestigieux. Sa confiance est telle qu'il ne se prive pas de donner son avis sur un éventuel remaniement " Pour un certain nombre de mes collègues et moi-même sans doute, ce ne serait pas forcément sympa. Cela étant dit, je pense que c'est mieux d'avoir un gouvernement, effectivement, plus resserré ", a-t-il expliqué dimanche lors de l'émission BFM Politique (BFMTV/Le Point/RMC).