L'industrie française pénalisée par l'effet Fukushima sur l'approvisionnement en GNL

Par Fabien Piliu  |   |  848  mots
Le 11 mars 2011, la centrale nuclaire de Fukushima était frappée par un tsunami d'une violence inédite
Décidé après la catastrophe de Fukushima en 2011, l'arrêt des centrales nucléaires de l’Archipel a des conséquences sur l’industrie tricolore, en particulier chimique, qui voit son approvisionnement en gaz naturel liquide (GNL) se réduire et le prix augmenter. Le Sud de la France est particulièrement touché.

Il y a trois ans, jour pour jour, la centrale nucléaire de Fukushima, située dans la partie orientale d'Honshû, la plus grande île de l'archipel nippon, était frappée de plein fouet par un tsunami provoqué par le plus violent tremblement de terre connu dans l'histoire du Japon.

Dans la foulée de cet accident, classé au niveau 7, le niveau le plus élevé de l'échelle internationale des évènements nucléaires (INES), faisant de Fukushima la deuxième plus grave catastrophe nucléaire de l'histoire après Tchernobyl, le gouvernement nippon a ordonné l'arrêt total de ses centrales nucléaires.

Les conséquences économiques de cette décision stratégique ne sont pas circonscrites à l'Archipel. En effet, en décidant de ne plus produire d'énergie nucléaire, qui couvrait 30% de ses besoins en électricité avant la catastrophe, le Japon doit trouver des énergies de substitution.

 

Les États-Unis se distinguent

Dérivé du gaz, le gaz naturel liquide (GNL) fait partie de ces ressources désormais indispensables à l'Archipel. Résultat, il absorbe de façon boulimique toutes les quantités de GNL disponibles sur le marché, entraînant une hausse mécanique des prix. Selon GRT Gaz, une filiale de GDF SUEZ et de la Société d'Infrastructures Gazières, le prix de l'électricité produite à partir du GNL oscillait entre 40 et 50 euros le mégawatheure (MWh) en Asie en 2013 quand il s'élevait à 28 euros en moyenne en Europe et à moins de 10 euros aux Etats-Unis grâce à la production de gaz de schiste locale en plein développement depuis 2009.

A cette hausse des prix, s'ajoutent des difficultés d'approvisionnement. "L'Europe, et en particulier la France, n'est plus desservie correctement en GNL : 50 % de baisse depuis 2011 dans ses terminaux de Montoir et de Fos. La zone sud est donc aujourd'hui approvisionnée très majoritairement par le réseau venant du nord qui n'a pas été conçu pour et il est donc à présent congestionné en permanence ", explique l'Union des industries chimiques (UIC).

Fortes tensions inflationnistes dans le sud de la France

" L'augmentation des exportations vers l'Espagne participe également à la congestion du réseau ", constate Philippe Prudhon, le directeur des affaires technique de l'UIC.

" Cette situation de rareté physique, parfaitement identifiée depuis deux ans, a pris une tournure dramatique depuis le dernier trimestre où les opérateurs sont venus disputer aux industriels consommateurs les rares capacités disponibles ", observe l'UIC, entraînant une surcharge de coût durable de 20 % pour les industries implantées dans le sud de la France.

Mise aux enchères et loi de la jungle

Pour résoudre ce problème d'approvisionnement et tenter d'apaiser les tensions inflationnistes, la Commission de Régulation de l'Energie (CRE) a décidé fin 2013 de mettre aux enchères de façon anticipée les capacités de transport nord-sud pour les quatre années à venir. Mais cette solution n'a pas eu les effets escomptés. La méthode des enchères donnant le pouvoir aux plus puissants, ou à défaut, à ceux qui n'ont pas d'autres solutions que de payer le prix fort, les enchères en cours depuis le début du mois contribuent, selon l'UIC, à une accélération de la distorsion nord-sud au lieu de la réduire.

"Les industriels voient, avec une préoccupation extrême, la situation se dégrader, inexorablement, puisqu'ils n'ont pas d'autre choix que de suivre les enchères pour essayer d'obtenir quelques droits de passage supplémentaires, au-delà des 50 % déjà acquis en ce qui concerne les gazo-intensifs », explique l'UIC, rappelant que l'industrie chimique tricolore est durement touchée par l'atonie de la demande européenne et souffre de son handicap de compétitivité concernant l'accès à l'énergie face à la concurrence. En France, le prix du gaz, dont le GNL est un dérivé, est trois fois supérieur à celui observé aux États-Unis. « Les variations du prix du gaz sont extrêmement importantes pour l'industrie chimique car le gaz est à la fois une ressource énergétique mais également une matière première », explique Philippe Prudhon.

Dans ce contexte délicat, l'UIC tire la sonnette d'alarme et demande au gouvernement de prendre immédiatement les trois mesures qui ont émergé au fil de la concertation comme les seules structurelles possibles : la création au 1er octobre 2014 d'une zone tarifaire unique en France, la prise du décret d'application, avant le 1er juillet 2014, d'importation de GNL nécessaire pour quatre ans et le lancement immédiat des travaux des nouveaux gazoducs " Val de Saône " et " Gascogne-Midi " à réaliser selon une procédure de travaux accélérée d'ici fin 2018.

Le débat sur l'exploitation du gaz de schiste divise en France

Ces difficultés relanceront-elles le débat sur l'exploitation du gaz de schiste en France ? Au sein du gouvernement, Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif s'est plusieurs fois prononcé en faveur d'une reprise des recherches dans ce domaine, pour l'instant bloquées en vertu du principe de précaution. Présidente de la Commission Innovation 2030, Anne Lauvergeon y est également favorable.