La fiscalité peut-elle modifier les comportements des consommateurs ?

Par Fabien Piliu  |   |  584  mots
Comme les boissons énergisantes ou sucrées, la bière fait notamment partie des produits alimentaires visés par une taxe spécifique (Crédits : <small>Reuters</small>)
Réalisé par la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) du Sénat, un rapport étudie la pertinence du recours à la fiscalité pour influencer des comportements jugés à risque pour la santé publique.

Elles ont fleuri ces dernières années. Sur les boissons sucrées et édulcorées, les boissons énergisantes, la bière, les alcools titrant plus de 18 degrés et bien sûr le tabac, les nouvelles taxes comportementales se sont multipliées dans les dernières lois de financement de la Sécurité sociale (LFSS).

La mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) du Sénat a décidé de jauger de leur efficacité, via un rapport confié au sénateur socialiste de l'Aisne Yves Daudigny, le rapporteur général de la commission des affaires sociales, et à Catherine Deroche, la sénatrice UMP du Maine-et-Loire. Un sujet qui a agité l'opinion et les industriels ces derniers automnes.

Quelles sont ses principales conclusions ? La première d'entre elles est que l'utilisation par les pouvoirs publics de l'outil fiscal est jugé légitime. " Mais il nous semble nécessaire d'affiner son pilotage pour améliorer son efficacité ", estime Yves Daudigny, alors qu'une étude Sofinco/OpinionWay publiée ce mercredi indique que  97% des personnes interrogées déclarent tenter de maitriser leurs dépenses alimentaires en changeant leurs comportements.

Un double objectif

Pour atteindre cet objectif, qui permet à la fois de remplir les caisses de l'Etat et de renforcer la politique publique de santé, les deux sénateurs formulent dix propositions.

La première consiste à remplacer le terme de "fiscalité comportementale" par le terme "contribution de santé publique" pour désigner l'ensemble des prélèvements liés à des questions sanitaires. " Ce serait un peu moins moralisateur. Aucun citoyen n'apprécie de voir son comportement jugé. Constater que les pouvoirs publics tentent de modifier leur comportement, leurs habitudes de vie est très mal accepté ", avance Catherine Deroche.

Le rapport suggère également que les objectifs de ces contributions de santé publique soient clarifiés et que les modalités de définition de ces contributions soient repensées au sein d'une politique de santé publique plus globale et cohérente. Un exemple : le texte propose que le Programme national de lutte contre le tabagisme prévoie une hausse de 10 % par an du prix des différents produits du tabac sur les cinq prochaines années afin de donner un peu de visibilité aux industriels.

La correction des incohérences du système fiscal actuel est également réclamée, notamment en harmonisant et en alignant les taux de taxation pour les produits similaires, pour les produits du tabac par exemple dont la fiscalité varie selon la qualité des tabacs, et en repensant le taux de TVA "réduit" pour certains aliments.

Les messages sanitaires sont-ils utiles ?

Parmi les autres propositions, citons également celle consistant à repenser les messages sanitaires imposés depuis 2007 par le Programme National de Nutrition et de Santé (PNNS) - manger cinq fruits et légumes par jour, évitez de manger trop gras, trop sucré, trop salé... - accompagnant les publicités alimentaires pour garantir leur efficacité. Une récente étude menée par deux enseignantes en marketing à Grenoble Ecole de Management (GEM) montre l'inefficacité de ces messages sanitaires dans la prévention de l'obésité.

Un texte de loi sur la santé publique prévu en 2015

Quel sera l'avenir de ce rapport ? Estimant que ses conclusions et les recommandations qu'ils formulent sont plutôt consensuelles, les deux parlementaires ont bon espoir qu'elles seront retenues par le gouvernement lors de l'élaboration de la loi de santé publique. Celle-ci devrait débattue au Parlement début 2015.