Le discours de Manuel Valls peut-il redonner le moral aux Français ?

Par Fabien Piliu  |   |  1134  mots
Manuel Valls redonnera-t-il confiance aux chefs d'entreprises ?
Lors de son discours de politique générale, le Premier ministre a décliné une série de mesures en faveur des ménage et des entreprises. Suffiront-elles à restaurer leur confiance ?

Avec son discours aux accents gaulliens, qui dresse un portrait terriblement déprimant d'une société française en souffrance, Manuel Valls s'était fixé un objectif clair : redonner confiance aux Français.

A tous les Français ? Tel est son souhait. Mais comme ses annonces dans le domaine économique ne concernent pas tout le monde - tous les ménages, toutes les entreprises -, on peut penser que le Premier ministre espère un large effet de diffusion.  

En effet, seuls les ménages les plus modestes ont retenu l'attention du nouveau locataire de Matignon. Pour augmenter leur pouvoir d'achat, Manuel Valls a annoncé que les salariés payés au SMIC bénéficieront d'une baisse des cotisations salariales à compter du 1er janvier 2015. " Cette mesure permettra de procurer 500 euros par an de salaire net supplémentaire. C'est presque la moitié d'un treizième mois pour un salarié payé au SMIC" a estimé le chef du gouvernement. Ce gain sera dégressif entre le SMIC et 1,3 fois le SMIC ", a-t-il déclaré. A cette mesure s'ajouteront des allègements fiscaux pour stimuler leur pouvoir d'achat. Au total, l'ensemble de ces mesures en faveur des ménages modestes représenteront 5 milliards d'euros d'ici 2017.

Le CICE est inchangé

Pour restaurer la confiance des entreprises, Manuel Valls a également été sélectif. Il aussi joué la montre. Alors que la rumeur circulait concernant la création d'un crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) « Plus », celui-ci est donc inchangé comme La Tribune l'annonçait en fin de matinée.

A l'issue des travaux et des discussions qui se sont tenues lors des Assises de la fiscalité entamées fin janvier, l'exécutif avait en effet longuement réfléchi à la création de deux seuils supplémentaires au CICE, en vigueur depuis le 1er janvier pour stimuler les créations d'emploi des bas et des hauts salaires. Matignon a donc fait machine arrière lors des derniers arbitrages même si, dans son discours, Manuel valls a indiqué qu'il refusait " d'opposer l'effort pour les emplois les moins qualifiés - dont nous avons besoin - et celui pour les emplois qualifiés qui font notre compétitivité - notamment dans l'industrie ". 

En revanche, les indépendants (artisans, commerçants et professions libérales) ne sont pas oubliés. Ils bénéficieront d'une baisse de plus de trois points de leurs cotisations famille dès 2015, ce qui représente un milliard d'euros de baisses de charges.

La suppression de la surcotisation de l'impôt sur les sociétés (IS) en 2016 est officialisée, comme prévu. La suppression de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S), également prévisible, est également actée mais étalée dans le temps, sur trois ans, jusqu'en 2017.

Quid de la promesse de François Hollande ?

Promise par François Hollande le 14 janvier pour réduire le coût du travail, la suppression des cotisations patronales pour financer la branche famille de la Sécurité sociale n'est plus d'actualité. Prévue pour 2017, cette mesure serait repoussée sine die. Pour ne pas tout à fait trahir la parole du chef de l'Etat, Matignon a décidé de les abaisser de 1,8 points en 2016 pour les salaires jusqu'à 3,5 SMIC, "c'est-à-dire plus de 90% des salariés", a précisé le Premier ministre. Actuellement, ces cotisations s'élèvent à 5,4% du salaire brut.

Quant à la baisse de l'IS sous la barre des 30% des bénéfices - la moyenne européenne atteint 27% -, elle aura bien lieu mais par étapes. Le taux d'IS sera réduit à 28% en 2020, avec une premier geste de l'exécutif en 2017 !

"Pour simplifier notre système fiscal, plusieurs dizaines de petites taxes complexes et de faible rendement seront enfin supprimées", a également précisé le Premier ministre.

Quels commentaires peut-on faire de ce discours ? Si les artisans devraient se réjouir de la baisse des charges annoncée, il faut s'attendre à ce que les dirigeants de PME soient déçus sachant que les suppressions de la cotisation de l'IS et de la C3S ne concernent que les moyennes et grandes entreprises. En effet, la première est acquittée par les entreprises affichant un chiffre d'affaires supérieur à 250 millions d'euros. La seconde concerne les entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 760.000 euros. " En matière fiscale, disons-le clairement, les grands gagnants sont es grands groupes. Puis viennent les 10% d'entreprises assujetties à la C3S et enfin, en queue de peloton,les 90% de TPE et de PME françaises à qui l'on promet un hypothétique impôt sur les sociétés à 28% en 2020 ", estime la CGPME.

Le choc de compétitivité est-il puissant ?

Ces mesures seront-elles assez puissantes pour restaurer la confiance des entreprises vis-à-vis de l'État et leur permettre d'améliorer leur compétitivité, embaucher et innover ? Compte tenu de la nature de ce Pacte, les contreparties réclamées aux entreprises - aussi minimales soient-elles - en matière d'emploi seront-elles respectées ? Si la suppression des charges patronales pour les salariés payés au SMIC devraient favoriser les recrutements d'emplois peu qualifiés - avec le risque de renforcer le phénomène de trappe à bas salaires -, le maintien du CICE en l'état et la réduction des cotisations familiales patronale semblent insuffisamment calibrés pour restaurer le taux de marge des entreprises et redresser leur compétitivité. Quand le gouvernement décide de provoquer un choc de compétitivité sur le coût de 30 milliards, le Medef plaide - dans le désert - pour un choc d'au moins 100 milliards d'euros. 

Pourquoi Matignon a changé son fusil d'épaule

En concoctant un Pacte à l'ambition mesurée, au-delà de la question du vote de confiance des députés dont le résultat laisse peu de place au doute, le Premier ministre ne tente-t-il pas de s'attirer les bonnes grâces de tous les tendances de la majorité ? Peut-être. Il faut se rappeler que le Pacte de responsabilité a été très attaqué par l'aile gauche du PS qui le considérait comme un cadeau fait aux entreprises. Pour Manuel Valls, qui se situe à l'aile droite du PS, il est urgent et impératif de rassembler toutes les familles qui composent la majorité actuelle pour pouvoir gouverner sereinement.  

A ce calcul s'en ajoute peut-être un autre. Sachant que toute mesure est financée par des économies supportées par l'État (État, Collectivités locales et Sécurité sociale), dont le montant s'élèvera à 50 milliards d'euros, le gouvernement a peut-être préféré restreindre ses efforts en faveur des entreprises pour limiter les dégâts attendus dans la fonction publique.

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