Finances publiques : le tournant, c’est maintenant

Par Ivan Best  |   |  931  mots
Si le tournant vers la politique de l'offre a eu lieu dès novembre 2012 -et non en janvier dernier-, la gestion des finances publiques est fortement infléchie par Manuel Valls. Priorité est donnée à la croissance, via des allègements fiscaux. La réduction des déficits publics attendra....

« Il faut entretenir la reprise comme un feu naissant » et pour ce faire « je vous propose un changement de rythme » dans le redressement des finances publiques « pour éviter tout recours à l'impôt ».  En deux phrases, Manuel Valls a délivré son message s'agissant de la politique économique : finie la réduction du déficit public à marche forcée, telle qu'annoncée depuis la campagne électorale de 2011-2012.

Plus question d'afficher une baisse de plus d'un point de PIB par an, à coup de hausses d'impôts massives : une réduction inatteignable en raison des effets désastreux sur la croissance de ces prélèvements supplémentaires. On l'a vu pour l'année 2013. L'Insee a annoncé récemment que le déficit public avait représenté 4,3% du PIB. La comparaison avec la dernière prévision (4,1% du PIB) a été mise en avant. Mais la prévision initiale correspondait à un déficit limité à 3% du PIB. C'est dire l'ampleur du  dérapage.

 L'échec de la rigueur en 2013

Alors qu'un véritable plan de rigueur, représentant quelque 40 milliards d'euros (deux points de PIB) a été mis en œuvre pour 2013, le déficit n'a été réduit in fine que de… 12 milliards (0,6 point de PIB), en raison d'un effondrement des recettes, lié à une croissance en berne.

Cette politique est derrière nous, a signifié Manuel Valls. La priorité, désormais, c'est la croissance, qui sera dopée par des allègements d'impôts. Et la réduction du déficit public viendra, à son rythme, pourrait-on presque dire. Presque, car il faudra bien négocier avec Bruxelles un calendrier de baisse de ces déficits…. En tout état de cause, le rythme sera moins élevé, on le connaîtra au cours des prochaines semaines. Il n'est évidemment plus question d'afficher 3% de déficit pour 2015, comme promis l'an dernier. Ce sera pour plus tard. Et ce sera difficile, compte tenu des baisses d'impôts annoncées.

 Une masse d'allègements fiscaux

Car, et l'opposition, par la voix notamment de Gilles Carrez, président UMP de la commission des Finances, ne s'y trompe pas, Manuel Valls a annoncé une baisse importante des prélèvements obligatoires, dont le financement n'est que très partiellement assuré. Au total, selon Gilles Carrez, entre la baisse des charges patronales,  pour les rémunérations comprises entre 1 et 1,6 smic, la diminution des cotisations famille payée par les employeurs sur tous les salaires, la suppression de la contribution sociale des sociétés (C3S), la suppression de surtaxe d'impôt sur les bénéfices des sociétés (IS), la baisse du taux normal d'IS à 28%, la baisse de l'impôt sur le revenu en faveur des ménages les plus modestes et l'allègement de cotisations sociales des salariés sur les bas salaires, il y en aura pour 20 à 25 milliards d'euros. Le député de l'opposition a peut-être la main un peu lourde, en l'occurrence. Mais il est certain que les prélèvements obligatoires vont baisser…

 50 milliards d'euros d'économies, comme prévu: insuffisant pour financer les baisses d'impôts

En regard, il y aura certes des diminutions de dépenses. Mais celles-ci avaient été programmées bien avant cette rafale d'allègements fiscaux, étant destinées à réduire le déficit. Des économies ne peuvent pas servir deux fois…

Ce qui ne veut pas dire que rien ne sera fait pour diminuer l'impasse des finances publiques. Manuel Valls a confirmé le chiffre de 50 milliards d'euros d'économies dans les dépenses, entre 2015 et 2017. L'Etat devra économiser 19 milliards, l'assurance maladie 10 milliards, les autres branches de la sécu 11 milliards (via « une plus grande justice, une mise en cohérence et une meilleure lisibilité de notre système de prestations »), et les collectivités locales 10 milliards.

Près de 17 milliards par an, ce la représente un peu moins d'un point de PIB, mais il s'agit d'économies par rapport à une tendance, que le gouvernement définit lui-même. Un effort important, donc, mais pas exorbitant. Et en tous cas insuffisant pour financer les nouvelles baisses d'impôts annoncées. Le déficit en sera d'autant moins réduit.

 Étaler la baisse des déficits

Le pari du gouvernement, c'est donc de parvenir à étaler suffisamment dans le temps sa baisse, en France et dans le reste de l'Europe, pour éviter de tuer dans l'œuf le début de reprise que constatent tous les conjoncturistes. In fine, l'amélioration des finances publiques pourrait être alors plus rapide qu'affiché. C'est ce qui s'est passé en 2011 : grâce à une croissance du PIB relativement conséquente (révisée récemment par l'Insee +2%), le gouvernement Fillon est parvenu à réduire le déficit de 1,8 point de PIB d'une année sur l'autre. La plus forte baisse enregistrée depuis que le déficit public est calculé, c'est-à-dire depuis 1974 !

En regard, faute de croissance, les gouvernements Fillon puis Ayrault n'ont réduit l'impasse que de 0,9 point entre 2011 et 2013....

Un vrai tournant la gestion des finances publiques

Le vrai tournant dans la politique économique de François Hollande n'a pas eu lieu en janvier, comme l'ont affirmé de nombreux commentateurs. Il a eu lieu en novembre 2012, avec l'annonce du Crédit d'impôt compétitivité emploi, qui a signé la conversion hollandaise à la politique de l'offre.

Le gouvernement Valls continue dans cette voie, il ne fait que l'approfondir, avec une forte baisse annoncée des impôts sur les entreprises. L'inflexion qui a lieu aujourd'hui se situe sur un autre plan. C'est dans la gestion des finances publiques qu'elle se produit.