Avec son plan d’économies, Manuel Valls joue-t-il avec le feu ?

Par Fabien Piliu  |   |  793  mots
La plan d'économies présenté par le Premier ministre peut-il casser la consommation des ménages ?
Le Premier ministre prend-il le risque de casser la consommation des ménages, le seul moteur encore vaillant de la croissance ? Le pari semble risqué. Ni l’investissement des entreprises, ni l’export ne semblent réellement prêts à prendre le relais de la consommation.

Les partisans d'une relance keynésienne par la demande en seront pour leurs frais. Même si Manuel Valls a pris soin lors de la présentation de son plan d'économies d'épargner en partie les ménages les plus modestes, le Premier ministre prend avec cette initiative le risque de casser le seul moteur encore un peu vaillant de l'économie française, la consommation des ménages. Un moteur dont la vigueur est déjà clairement menacée par le spectre déflationniste qui plane au-dessus de la zone euro.

La consommation est déjà atone

" Certes, le gel des prestations et du point d'indice des fonctionnaires aura un impact limité du fait que le niveau de l'inflation est très bas, autour de 0,6 %. Il n'en demeure pas moins que cela devrait peser sur la consommation qui est déjà atone ", explique l'économiste Philippe Crevel.

Si tel devait être le cas, la reprise tant espérée de l'économie française ne pourrait avoir lieu que si l'investissement des entreprises ou le commerce extérieur se ressaisissent enfin. En effet, compte tenu du tour de vis budgétaire également appliqué aux dépenses des collectivités locales - le gouvernement leur ordonne d'économiser 11 milliards d'euros sur trois ans -, il est en effet impensable de compter sur elles pour insuffler un peu d'élan dans les territoires.

Le gouvernement mise gros avec le pacte de responsabilité

Tout dépendra de l'accueil que réserveront les chefs d'entreprises au pacte de responsabilité dont les détails précis seront présentés le 23 avril en conseil des ministres. A moins d'une surprise de dernière minute, son contenu est d'ores et déjà connu.

Le maintien du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), la baisse ou la suppression de certains impôts (impôt sur les sociétés, C3S, surcotisation de l'IS, baisses des cotisations familiales patronales …) étalées sur plusieurs années sont-elles des mesures assez fortes pour restaurer la confiance et redresser la compétitivité de l'économie française ?

La CGPME et le Medef en veulent plus

Rien n'est moins sûr, surtout si la demande des ménages s'effrite. Mollement applaudi par les organisations patronales, en particulier par la CGPME qui regrette l'absence de mesures spécifiques pour les TPE et les PME, ce pacte semble encore insuffisant pour le Medef. Pierre Gattaz, son président n'a-t-il pas réclamé la création d'une Smic transitoire pour les jeunes pour à la fois résorber le taux de chômage des moins de 25 ans et stimuler la compétitivité de l'économie française ?

Si le patronat estime que ce pacte de responsabilité n'est pas à la hauteur e leurs espérances, quid des légères contreparties, notamment en matière d'emploi, qu'il a accepté ? Si ces emplois « promis » ne devaient pas voir le jour, c'est une fois de plus la consommation des ménages qui en serait affecté.

Les investissements pourraient repartir en 2014

Quand au rebond de l'investissement, il est encore hypothétique. Les résultats de la l'enquête de conjoncture menée en janvier par l'Insee sur l'investissement dans l'industrie  sont certes encourageants. Après avoir réduits leurs investissements de 7% en 2013, les chefs d'entreprises interrogés prévoient de les augmenter de 3% cette année. Vœu pieux ? Fausse promesse ? Traditionnellement très optimistes en début d'année, les estimations formulées par les industriels sont régulièrement révisés à la baisse. Et pas seulement depuis 2008. Il faut donc rester prudent.

La "reprise européenne" s'essouffle-t-elle déjà ?

Le commerce extérieur peut-il relancer la croissance ? La récente réduction du déficit commercial mensuel, passé de 5,6 à 3,3 milliards d'euros entre février et mars, est-il annonciatrice d'une envolée durable des exportations ? Malheureusement, cette baisse du déficit commercial s'explique par une diminution de 2 milliards des importations, notamment de produits énergétiques…

La France peut-elle néanmoins tirer parti du retour de la croissance en zone euro, qui concentre près de 60% de ses exportations ? Si l'on met de côté le fait que cette reprise est toute relative - le PIB de la zone euro devrait progresser de 1,2% cette année avance la Commission européenne -, il faut avoir à l'esprit que cette reprise, perceptible depuis le début du second semestre 2013, donne déjà des signes d'essoufflement. L'indice ZEW, qui mesure le moral des investisseurs outre-Rhin, s'est replié plus fortement que prévu en avril. « La prudence affichée par l'enquête de ce mois-ci est probablement liée au conflit en Ukraine, qui génère encore de l'incertitude », estime Clemens Fuest, le président du ZEW.