Pour ne pas froisser les ego, Matignon coupe le Trésor en tranches !

Par Fabien Piliu  |   |  621  mots
Jusqu'à présent, le Trésor était placé sous l'autorité du ministre des Finances uniquement
Selon le décret publié ce vendredi au Journal Officiel, Michel Sapin, le ministre des Finances et Arnaud Montebourg, le ministre de l’Economie disposent d'une autorité conjointe sur la direction générale du Trésor. C’est inédit. Le ministère des Affaires étrangères a également autorité sur cette direction jusqu’ici contrôlée par le ministère des Finances.

Le 2 avril, Manuel Valls présentait son nouveau gouvernement. A Bercy, Arnaud Montebourg était nommé ministre de l'Economie, du Redressement productif et du Numérique quand Michel Sapin était transféré du ministère du Travail aux Finances.  Les commentateurs ont immédiatement fait des gorges chaudes dès ces nominations dévoilées, les deux ministres n'ayant jamais entretenu de bonnes relations.

Traditionnellement, c'est le ministère des Finances qui contrôle la direction du prestigieux Trésor. Pourtant, depuis le 2 avril, le suspense se prolongeait sur cette question. Qui allait emporter le Trésor ? Pour ménager les susceptibilités, l'exécutif a tranché… mollement. En effet, la direction du Trésor est placée sous la tutelle des deux ministres selon le décret paru ce vendredi au Journal Officiel. Ils partageront également leur autorité sur l'Insee, l'Inspection générale des finances et le contrôle général économique et financier. Quant au sort de l'Agence des participations de l'Etat, elle sera bientôt notifiée par un arrêté du Premier ministre.

Les relations entre Arnaud Montebourg et le Trésor étant tendues, on peut s'attendre à ce que des frictions apparaissent au cours des prochains mois. A plusieurs reprises Arnaud Montebourg a critiqué cette administration de Bercy dirigée par Ramon Fernandez, un homme nommé par Nicolas Sarkozy. En octobre 2012, il avait par exemple accusé le Trésor de ressortir " les vieilles recettes éculées de Raymond Barre ". " Nous avons besoin qu'ils prennent l'air intellectuellement ! ", avait-il également déclaré lors d'un entretien sur les ondes radiophoniques.

Laurent Fabius est aussi dans la boucle

Par indécision, ou pour tenter de contrôler la situation, Matignon a donc décidé de faire entrer dans le jeu un troisième homme, Laurent Fabius, le ministre des Affaires étrangère et du Développement international qui a vu ses attributions élargies le 2 avril au Commerce extérieur et au Tourisme. Selon un autre décret paru au Journal Officiel vendredi, " pour l'exercice de ses attributions en matière de commerce extérieur, le ministre des affaires étrangères et du développement international dispose de la direction générale du Trésor. Il a autorité, conjointement avec le ministre des finances et des comptes publics et avec le ministre de l'Economie, du Redressement productif et du numérique, sur les services économiques à l'étranger régis par le décret du 3 mai 2002 susvisé. Le ministre des finances et des comptes publics et le ministre de l'économie, du redressement productif et du numérique s'assurent de l'accord du ministre des affaires étrangères et du développement international lorsqu'une mesure d'organisation de la direction générale du Trésor affecte directement les conditions d'exercice de ses missions au titre du commerce extérieur ", précise le texte.

Concrètement, Arnaud Montebourg et Michel Sapin doivent obtenir l'accord de Laurent Fabius s'ils veulent procéder à des aménagements au sein de la gouvernance du Trésor. Les trois hommes s'entendent-ils bien ?

Un différend entre Laurent Fabius et Arnaud Montebourg

A l'exception des primaires socialistes, au cours desquelles quelques tensions étaient apparues entre les deux hommes - Laurent Fabius soutenait Martine Aubry quand Michel Sapin était dans le camp Hollande -, ces deux personnalités n'ont pas eu à régler de gros différends.

En revanche, on l'a vu, Michel Sapin et Arnaud Montebourg ne s'apprécient guère, même s'ils tentent actuellement de s'accorder. Quant aux relations entre Laurent Fabius et Arnaud Montebourg, elles se sont détériorées depuis que le quai d'Orsay a subtilisé le Commerce extérieur et le Tourisme au ministre de l'Economie. Dans ce dossier, Matignon avait su trancher.