Laurence, Pierre, Denis et les autres... bisbilles au Medef sur fond de rémunérations

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  943  mots
L'ancienne présidente du Medef estime que son succesur Pierre Gattaz fait preuve de misogyniee
"Misogynie", "logique esclavagiste", Laurence Parisot, l'ancienne présidente du Medef, et son successeur Pierre Gattaz, s'échangent des mots très vifs. Le tout sur fond de polémiques sur la rémunération de dirigeants... dont celles de Pierre Gattaz et de Denis Kessler l'emblématique président du réassureur Scor.

Règlement de comptes public au Medef entre l'ancienne présidente Laurence Parisot et son successeur Pierre Gattaz. Le tout sur fond de polémique sur les hausses de rémunération de certains dirigeants d'entreprises, tel… Pierre Gattaz, encore lui, et Denis Kessler, l'emblématique patron du réassureur Scor et lui-même ancien… vice-président délégué du Medef.

De fait, les débats sur la rémunération des dirigeants peuvent d'autant plus vite s'enflammer en ce moment que le patronat prône une certaine modération salariale pour regagner en compétitivité. Et ce en plus du pacte de responsabilité qui a accordé de nouveaux allègements de cotisations et d'impôt sur les sociétés aux entreprises.

Pierre Gattaz s'augmente de 29%...

Pierre Gattaz, l'actuel  président du Medef s'est fait épinglé par un article du Canard enchaîné, qui soulignait que sa rémunération fixe et variable perçue en tant que dirigeant de l'entreprise industrielle Radiall, avait augmenté de 29% entre 2012 et 2013. Cette somme est passée de 329.189 à 426.092 euros, selon le rapport annuel 2013 de l'entreprise, en ligne. Piqué, l'industriel s'est défendu sur son blog, en précisant que son salaire fixe avait augmenté de 3%. C'est son bonus, indexé sur la croissance du résultat opérationnel courant de sa société, qui a atteint 102.000 euros en 2013, contre 14.000 en 2012, 58.400 en 2011, et zéro sur les trois années 2008, 2009, 2010. "Au final, ma rémunération en 2013 s'élève donc à 420.000 (...) Pour mémoire, la limite maximum des salaires des PDG des entreprises publiques a été fixée par l'Etat à 450.000 euros", affirme -t-il.

Bien entendu, cette affaire n'a pas échappé au président de la République lors de son intervention mardi 6 mai sur BFM-RMC : "Il y a un moment où chacun doit être responsable: on ne peut pas demander la baisse du Smic, voire sa suppression, et en même temps considérer qu'il n'y a pas de salaire maximum", a-t-il déclaré.

Car, outre la modération des salaires, Pierre Gattaz avait en avril appelé à l'élaboration avec les syndicats et le gouvernement d'un "Smic intermédiaire temporaire" inférieur au Smic actuel, notamment pour encourager l'embauche de personnes en situation de chômage de longue durée.

... et Laurence Parisot intervient pour dénoncer le sous-Smic

C'est là qu'intervient un autre protagoniste : Laurence Parisot, l'ancienne présidente du Medef dont elle est toujours présidente d'honneur. Laurence Parisot avait taclé son successeur sur cette question de sous-Smic, évoquant une « logique esclavagiste ».

Comme ce n'est pas la première fois que Pierre Gattaz reproche ses prises de parole à Laurence Parisot, celui-ci a fini par prendre sa plume pour écrire à l'ancienne présidente afin de lui signifier que : « à tout le moins » elle devait veiller à ce que la mention « ancienne présidente du Medef » n'apparaisse pas lors de ses interventions médiatiques.

Et hop, la réponse de Laurence Parisot n'a pas traîné. Interrogée à son tour sur RMC ce mercredi 7 mai elle a déclaré : 

« C'est stupéfiant. C'est une façon choquante de réécrire l'histoire. C'est comme s'il souhaitait que de Gattaz à Gattaz, il ne se soit jamais rien passé. Cette lettre est aussi un superbe exemple de misogynie, une façon de dire: femmes, taisez-vous ! »

Ambiance ! Il faut dire que les bisbilles entre Laurence Parisot et Pierre Gattaz ne datent pas d'hier. L'actuel président du Medef avait était l'un des premiers à s'opposer à l'ancienne présidente en 2013 quand celle-ci cherchait désespérément à modifier les statuts du Medef pour pouvoir effectuer un troisième mandat.

  Denis Kessler, lui, perçoit plus de 5 millions d'euros annuels

Mais l'histoire n'est pas terminée. Avec l'apparition d'un troisième homme : Denis Kessler, président de Scor et ancien vice-président délégué du Medef. Un homme fort du patronat dont la personnalité est très influente. Or, le journal Libération révélait dans son édition du 6 mai que la Macif " s'apprête à valider une augmentation de salaire, à 5 millions d'euros en 2013, pour Denis Kessler, PDG de Scor", dont la Macif est actionnaire.

L'assemblée générale de Scor a en effet approuvé mardi 6 mai, par 64% de voix contre 35%, une rémunération brute totale en 2013 (y compris actions et stock-options) de 5,13 millions d'euros (+10%).

"C'est tout à fait en ligne voire inférieur à la rémunération de mes concurrents. C'est un métier extrêmement technique, extrêmement compliqué, qui ne doit pas être jugé à l'aune des normes purement françaises", a déclaré Denis Kessler, en réponse à une question de l'AFP

Certes, mais les affaires Kessler et Gattaz n'ont pas échappé au Parti Socialiste qui, dans un communiqué estime que :

« Le Pacte de responsabilité engage les comportements de tous les partenaires sociaux. Aux 30 milliards d'euros de réduction de cotisations doivent être associées des contreparties en termes d'investissement, de compétitivité et d'emploi.

 Nous ne laisserons pas les comportements de certains patrons briser et mettre en danger ce compromis social d'intérêt général. Le versement des trois quart des sommes allouées au titre du CICE distribués en dividendes dans l'entreprise de M. Gattaz est inacceptable et porte un coup évident à la philosophie du Pacte. La hausse de la rémunération de M. Kessler, d'environ 500 000 euros, soit plus ou moins le crédit d'impôt reçu par la société Scor au titre du CICE, est une provocation ».

La polémique n'est donc pas terminée surtout que les partenaires sociaux doivent se lancer dans de délicates négociations de branches sur les contreparties à apporter au pacte de responsabilité en termes d'emplois.