Avec la lutte contre la fraude, le gouvernement a-t-il trouvé la martingale ?

Par Fabien Piliu  |   |  633  mots
" Tout le monde doit acquitter l'impôt. L'effort doit être juste", a déclaré Michel Sapin
Grâce aux recettes fiscales supplémentaires tirées des fonds rapatriés de Suisse par des contribuables français, le gouvernement a pu financer les réductions d'impôts pour les ménages modestes. Ce jeudi, il a été présenté à Bercy le Comité national de lutte contre la fraude pour accentuer la chasse aux milliards évaporés dans la nature.

Surprise, surprise ! Alors que l'on croyait la marge de manœuvre budgétaire de l'Etat réduit à la portion la plus congrue, le gouvernement, à quelques jours des élections européennes, a opportunément annoncé des réductions d'impôts pour les ménages modestes, un geste qui, cerise sur le gâteau, ne sera pas un « coup » mais pérennisé en 2015, 2016 et 2017.

Pour financer cet effort, qui profitera à 1,8 million de personnes, l'exécutif puisera dans les 764 millions d'euros engrangés entre janvier et avril au titre des fonds rapatriés de Suisse par des contribuables français. Michel Sapin, le ministre des Finances compte sur un milliard d'euros de recettes supplémentaires d'ici la fin de l'année.

Fracture sociale et cohésion sociale

" Tout le monde doit acquitter l'impôt. L'effort doit être juste. C'est l'un des éléments constitutifs de la cohésion sociale ", a déclaré Michel Sapin ce jeudi lors de la présentation du Comité national de lutte contre la fraude. " Frauder, c'est appauvrir l'Etat, c'est aggraver la fracture sociale ", a renchéri Christiane Taubira, la Garde des Sceaux.

En 2013, 18, milliards d'euros, soit 100 millions d'euros de moins qu'en 2012, ont été notifiés par l'administration fiscale. Ils se décomposent ainsi : 14,29 milliards d'euros ont été rectifiés et 3,71 milliards de pénalités ont été appliquées. Sur cette somme, l'administration fiscale a récolté plus de 10 milliards d'euros. Quant à la fraude sociale, elle a été estimée à 562,3 millions d'euros en 2012. De son côté, Pôle emploi a détecté 100 millions d'euros de fraude. Les Douanes ont redressé 323 millions d'euros de droits et de taxes en 2013, un chiffre en hausse de 9,8% par rapport à 2012.

Vers moins de sanctions ?

Pour engranger de nouvelles recettes, ce Comité, qui complète les 60 mesures législatives adoptées depuis deux ans pour améliorer la lutte contre la fraude fiscale, reposera sur quatre piliers : la mesure de la fraude, mieux sanctionner la fraude, mieux prévenir et détecter la fraude et enfin mieux communiquer. Concrètement, l'ensemble de ces mesures doit permettre de ne laisser aucune fraude sans réponse adaptée, « en particulier en approfondissant la réponse aux fraudes les plus complexes », précise Bercy. « Ce plan sera bien évidemment renforcé par la lutte contre la fraude fiscale au niveau international », a précisé Michel Sapin

Bercy tend la main

« L'idée n'est pas de sanctionner davantage. Il faut éduquer, faire œuvre de pédagogie pour moins sanctionner. Il faut dialoguer car sanctionner est un échec », estime Christian Eckert, le secrétaire d'Etat chargé du Budget. En clair, le gouvernement espère avec ces mesures vont instaurer une relation de confiance avec les citoyens qui se mettent en position délicate vis-vis des services des impôts et des institutions sociales Cette main tendue du gouvernement est-elle saisie par les chefs d'entreprises ?

« C'est en grandes pompes que Bercy a annoncé ce matin que la lutte contre la fraude fiscale aurait rapporté 10 milliards d'euros. Cette communication est d'une indigence absolue. L'administration devrait s'interroger sur ce que le taux de prélèvements obligatoires a fait perdre à notre pays. Comment le gouvernement peut il d'un côté annoncer des signaux positifs à l'égard des entrepreneurs français et de l'autre user et abuser de son pouvoir de contrôler pour saper la confiance des entrepreneurs qui constatent concrètement qu'ils se font retirer d'une main ce qu'ils ont reçu de l'autre. Ainsi, nous dénonçons la schizophrénie de l'Etat qui a notamment poussé ses administrations à ce que le bénéfice des crédits d'impôts annoncés constitue un axe de contrôle. Cette incohérence est une véritable entrave de notre compétitivité. Elle tétanise notre économie. », a violemment réagi le Club des entrepreneurs.