Que retenir de la loi de santé présentée par Marisol Touraine ?

Par Fabien Piliu  |   |  740  mots
L'été sera studieux avenue de Ségur avant la présentation du texte définitif de la loi sur la santé
La ministre des Affaires sociales et de la santé a présenté ce jeudi les grandes orientations de son projet de loi de santé. De nombreuses précisions doivent être apportées au texte.

Il ne s'agit pour l'instant que d'orientations. Pour les détails et le financement de la prochaine loi sur la santé, il faudra attendre la rentrée, le texte étant présenté en septembre en Conseil des ministres avant son examen en 2015 au Parlement.

En attendant cette échéance, l'été devrait être studieux avenue de Ségur et dans les états-majors des syndicats professionnels, de salariés et les laboratoires pharmaceutiques pour préciser le contenu du texte.

De nombreux points sont en effet en suspens, notamment la notion d'accessibilité financière, critère qui conditionnerait l'appartenance d'un établissement de santé au Service public hospitalier.

" Le flou persistant autour de la notion d'accessibilité financière, condition pour qu'un établissement de santé appartienne au Service public hospitalier (SPH), mérite précisions. La notion n'apparaît pas claire et le sujet mal posé. N'est-il pas préférable de parler de « reste à charge » pour les patients ? La question fondamentale se trouve là. En effet, comment le gouvernement peut-il d'un côté encadrer le secteur 2 des médecins et dans le même temps refuser sa mise en œuvre dans le cadre du SPH ? Comment peut-il ne pas accepter de compléments d'honoraires pour être éligible au SPH tout en continuant à accepter le secteur privé au sein de l'hôpital public ? ", s'interroge la Fédération hospitalière privée (FHP)

Le tiers payant pour tous est-il une bonne solution ?

S'agissant de l'extension du tiers payant pour tous, la mesure emblématique de ce texte , la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) considère que le gouvernement fait fausse route. " D'une part le tiers payant existe déjà pour les personnes en situation précaire (CMU, ACS, AME), de plus les médecins libéraux le pratiquent spontanément et volontiers pour les autres patients, en fonction de la situation, mais aussi pour les actes les plus coûteux. Le risque de transformer la carte vitale en carte de paiement est non seulement de déresponsabiliser les patients au regard du coût de leur santé, mais surtout de déprécier les actes médicaux devenus virtuellement « gratuits »",  considère le syndicat de médecins.

Le dispositif encadrant l'action de groupe n'est pas écrit

Le sujet de l'action de groupe  - intégrée au droit français par la loi Hamon - qui doit permettre aux patients victimes de dommages médicaux dus à leurs traitements de défendre leurs intérêts et de réclamer des réparations doit encore être éclairci. S'il souligne l'importance de la mise en place de ce "?moyen juridique nouveau?", le ministère de la Santé précise que le dispositif n'a pas encore été "?écrit?".

Le "parcours éducatif de santé" que la ministre souhaite mettre en place est également dans les limbes. Au regard du calendrier de ce texte mais également des délais nécessaires pour que le Conseil supérieur des programmes installés en 2013 par Vincent Peillon se saisisse de ce sujet, la mise en place de cette mesure risque de prendre un peu de temps. Sera-t-elle intégrée aux nouveaux programmes scolaires actuellement en phase de réécriture et qui entreront en vigueur à la rentrée 2015-2016 ?

Comment prévenir le consommateur ?

Quant à la la mise en place prévue d'une étiquette nutritionnelle, elle suscite également des réactions. Alors qu'une " pétition citoyenne "  lancée à la mi-mai par des sociétés savantes médicales, des associations de professionnels de santé, de consommateurs et des patients, propose un système de logos simples sur les emballages afin d'éviter de manger "trop gras, trop salé, trop sucré" auquel Marisol Touraine n'est pas opposé, les industriels de l'agroalimentaire réunis au sein de l'Association nationale des industries alimentaires met la pression sur le gouvernement.

Dans un communiqué, le lobby qui représente 20 fédérations nationales sectorielles et 21 associations régionales, représentatives des entreprises estime qu'il est certes " nécessaire de mieux informer le consommateur sur son alimentation " mais il s'oppose fermement " à la mise en place de tout dispositif simpliste et partiel visant à discriminer les produits par une couleur ou une note ". Pour infléchir la décision du gouvernement, l'Ania précise souhaiter " poursuivre son engagement aux côtés des pouvoirs publics, en plaçant l'intérêt et le libre arbitre du consommateur au coeur de la réflexion ".