Simplification administrative : ce n'est que le début !

Par Fabien Piliu  |   |  1054  mots
Le projet de loi est présenté mardi à l'Assemblée nationale
A partir de mardi, le projet de loi d'habilitation pour simplifier la vie des entreprises sera examiné par les députés. Le chantier s'annonce gigantesque.

Entamé lors du quinquennat précédent, le choc de simplification annoncé en... mars 2013  deviendra bientôt réalité. A partir de demain mardi, les députés examineront le projet de l'habilitation pour simplifier la vie des entreprises. Il contient 14 des 50 mesures présentées en avril par le Conseil de la simplification coprésidé par Guillaume Poitrinal et Thierry Mandon, ce dernier ayant été remplacé après sa nomination au secrétariat d'Etat à la réforme de l'Etat par le député socialiste de Côte d'Or Laurent Grandguillaume.

Les mesures au programme

Concrètement, quelles sont les principales mesures d'ores et déjà décidées par l'exécutif ? Celui-ci a décidé d'harmoniser la notion de « jour » dont il existe six définitions dans le droit français (jour, jour calendaire, jour ouvrable, jour franc, jour ouvré, jour travaillé). Le texte vise à harmoniser ces définitions pour les faire converger au maximum vers la notion de " jour ouvrable ".

Réservé aux entreprises de moins de dix salariés, le Titre emploi service entreprises (TESE) permettra de payer plus simplement des salaires et sera ouvert aux entreprises de moins de vingt salariés et il sera également élargi de manière progressive à différentes branches qui ne sont pas éligibles à ce stade. Deux millions d'entreprises sont concernées.

Simplifier, stimuler...

Le gouvernement propose aussi de développer l'usage du rescrit dans le domaine social. Ce dispositif, qui existe dans le domaine fiscal mais qui est peu utilisé par les entreprises, permet à une entreprise d'interroger l'administration qui sera tenue de lui délivrer une prise de position formelle en cas de doute sur l'application d'une norme à une situation concrète. Cette prise de position sera opposable juridiquement.

Pour stimuler le secteur du bâtiment et de la construction en perte de vitesse, notamment en raison des dispositions contenues dans la loi ALUR et qui, selon les professionnels, complexifient l'achat d'un bien immobilier, les enquêtes d'urbanisme seront allégées. En clair, l'idée est de réduire les délais de délivrance des autorisations d'urbanisme. La fiscalité est également simplifiée. Ainsi, certaines obligations déclaratives en matière fiscale seront supprimées, notamment, la déclaration des honoraires versés à des conseils (DAS 2), ou les relevés de frais généraux.

Autre mesure contenue dans le projet de loi, la réduction du nombre d'actionnaires obligatoires pour constituer une société anonyme (SA). Jusqu'ici, il faut sept actionnaires minimum pour constituer une SA non cotée. Le projet de loi prévoit de ramener à deux le nombre d'actionnaires minimum. Ce sont 100.000 entreprises qui sont concernées.

D'autres mesures d'ici octobre

On l'aura compris, ce projet de loi n'est qu'une première étape. En plus des cinquante propositions formulées en avril, une cinquantaine de nouvelles propositions seront mesures seront actées d'ici octobre. Mais la tâche du Conseil de la simplification est immense, comme le rappelle la CGPME.

"Harmoniser la notion de « jour » dans le code du travail ou instaurer un rescrit social figurent parmi les mesures du texte présenté demain au Parlement sur la simplification de la vie des entreprises. La démarche, qui répond aux attentes des PME, mérite d'être saluée. Reste maintenant à transformer l'essai alors que 73 % des chefs d'entreprises [enquête IFOP pour la CGPME et KPMG - mai 2014] se déclarent dubitatifs sur les mesures gouvernementales de simplification administrative. Pour cela il convient, au-delà de la simplification annoncée, de cesser de légiférer sur tous les sujets internes à l'entreprise et de mettre fin à cette instabilité juridique et fiscale qui rend aléatoire l'investissement et la création d'emplois. Déjà, en 2012, la CGPME avait réclamé l'application d'un principe simple consistant à ce que tout nouveau texte soit gagé sur la disparition d'un autre texte. Cette proposition reste d'actualité », explique la Confédération.

La France est mal classée par l'OCDE

Selon l'OCDE, qui publie depuis 1998 un classement des pays en fonction de la simplicité de leur environnement règlementaire pour les entreprises (nombre, délais et coûts des procédures), la France est mal classée. En dépit d'une réduction significative des charges administratives - de l'ordre de deux tiers en dix ans -, la France occupe le 126ème rang mondial sur 144 en matière de fardeau administratif dans le classement du Global Competitiveness Report (2012-2013) du Forum économique mondial. Les deux derniers classements plaçaient la France respectivement aux 127ème (2010-2011) et 116ème rangs (2011-2012).

L'OCDE estime que le coût de ces charges administratives représente en moyenne entre 3 et 4 % du PIB, soit entre 60 et 80 milliards en France. Selon le Rapport économique et financier (REF) annexé au projet de loi de finances 2014 , elles représentent " un surcroît de charges administratives par rapport à ce qui apparaît nécessaire aux objectifs visés tels que l'efficacité de la collecte des prélèvements, la stabilité économique et financière, la protection des consommateurs ", qui " pèse sur les coûts des entreprises ", parmi lesquels le coût de la mise en conformité, la paperasserie, les heures de travail consacrées. Alléger le fardeau administratif permettrait donc aux entreprises " de baisser leurs coûts, d'améliorer l'allocation de leur main d'œuvre et d'accroître leur productivité. En outre, les économies résultantes pour les finances publiques devraient permettre d'alléger les prélèvements obligatoires ", expliquait le document, reposant sur les derniers travaux théoriques sur le sujet.

Un sujet abondamment traité par les économistes

Ainsi, selon Tang et Verweij (2004), une réduction de 25 % des coûts administratifs dans l'ensemble des pays de l'Union européenne conduirait à une augmentation de 1,1 % du PIB la première année et de 1,4 % à long terme.

Ces résultats sont en ligne avec ceux de Gelauff et Lejour (2006) qui estiment qu'une réduction de 25 % des coûts administratifs augmenterait de 1,6 % la productivité du travail et de 1,7 % le PIB en France en 2025, contre 1,5 % en moyenne dans l'Union européenne.

Bercy cite également les travaux de Costa et Aubyn (2012) selon lesquels les programmes de simplification mis en œuvre dans quarante pays développés entre 1996 et 2009 auraient en moyenne un impact positif sur le niveau de la productivité globale des facteurs de l'ordre de 0,6 % à long terme.