Le gouvernement Valls II pourra-t-il disposer d'une majorité à l'Assemblée nationale ?

Par Romaric Godin  |   |  888  mots
La majorité relative des députés suffit dans la plupart des cas pour gouverner en France
Le gouvernement Valls II n'est pas assuré de pouvoir compter sur une majorité absolue pour mener sa politique. Mais une majorité relative sera suffisante pour gouverner.

Les divisions de la majorité créées par à la création du gouvernement Valls II amènent évidemment cette question : un gouvernement français peut-il se contenter d'une majorité relative à l'Assemblée nationale ? Pour le moment, en effet, l'exécutif dirigé par Manuel Valls n'est pas certain de disposer des 289 sièges constituant la majorité absolue à l'Assemblée. Dans Le Monde daté du 29 août, 200 députés socialistes sur 290 affirment leur fidélité au gouvernement. Le gouvernement peut également compter sur les voix des 16 députés du groupe RRDP, majoritairement radicaux de gauche, puisque le parti de Jean-Michel Baylet participe au gouvernement.

Un gouvernement minoritaire ?

La majorité « sûre » du gouvernement serait donc de 216 sièges, soit moins que l'opposition de droite qui compte 236 élus (189 UMP et 30 UDI ainsi que les 7 non-inscrits de droite (1 Modem, 3 divers droite et 3 FN ou alliés)). Sans compter l'opposition de gauche des 15 élus du Front de gauche qui pourraient être tentés par un vote-sanction contre le gouvernement. Il pourrait donc manquer de 20 à 35 sièges (en cas de vote négatif du Front de gauche) à Manuel Valls pour disposer d'une majorité relative.

Combien de députés déçus par le départ d'Arnaud Montebourg

Évidemment, ce chiffre est très suspect, car entre ne pas voter un texte dans Le Monde et voter ou s'abstenir contre le gouvernement, il y a une marge importante. Pour s'appuyer sur une majorité relative, Manuel Valls devra donc convaincre de 21 à 36 des 108 députés de gauche qui n'ont pas affirmé leur soutien au gouvernement (90 socialistes et les 18 écologistes). La tâche paraît réalisable puisque lors des votes sur le plan de stabilité du gouvernement, 41 députés socialistes seulement se sont abstenus, ce qui laisse en théorie 49 élus socialistes potentiellement favorables au gouvernement. Avec un bémol : lors du vote, Arnaud Montebourg était toujours au gouvernement. Si l'on considère que les 41 qui se sont abstenus confirmeront cette position, la vraie question est de savoir s'il y aura plus ou moins de 14 députés socialistes qui rejoindront leurs rangs. Si les nouveaux frondeurs sont 14, alors la majorité est en danger en cas d'opposition des députés du Front de gauche. Sinon, elle ne sera en danger qu'en cas de ralliement de 29 députés socialistes aux mécontents. Rappelons que les députés frondeurs étaient 90 en avril dernier lorsqu'ils ont signé un texte contre la politique du gouvernement.

La majorité relative suffisante dans la plupart des cas

Mais si Manuel Valls parvient à obtenir cette majorité relative, sera-t-elle suffisante ? Dans la plupart des cas, oui. Dans l'immense majorité des cas, l'Assemblée adopte les textes à la majorité des exprimés. Les abstentions et les absences ne sont pas prises en compte. Mais il existe quelques exceptions d'importance prévue par la Constitution. Le vote des lois organiques nécessite ainsi la majorité absolue des sièges effectivement pourvus. De même, pour renverser le gouvernement dans le cadre d'une motion de censure, il faut obtenir la majorité des sièges pourvus. En revanche, ni la loi de Finances, ni même l'engagement de la responsabilité du gouvernement dans le cadre des articles 49-1 et 50-1 de la Constitution n'exigent que le gouvernement dispose d'une majorité absolue des sièges, une majorité relative (majorité des exprimés) suffit. Sauf donc à envisager une alliance consciente, baroque et aujourd'hui peu probable de la droite, du centre, des Verts, des Frondeurs du PS et du Front de gauche contre lui, le gouvernement Valls II peut donc espérer tenir longtemps.

L'usage limité du 49-3

S'il n'est pas très sûr d'un soutien suffisant, Manuel Valls pourra toujours user de l'article 49-3 qui permet l'adoption d'un texte sans vote. Le seul recours est alors de déposer une motion de censure qui, comme on l'a vu, doit obtenir la majorité absolue des sièges pourvus. Ce procédé avait été largement utilisé lors de la période 1988-1993 où le PS et ses alliés ne disposaient que de la majorité relative. Mais l'usage de ce procédé a été largement limité par la réforme constitutionnelle de 2008. Désormais, le gouvernement ne peut l'utiliser qu'une fois par session parlementaire, ainsi que lors du vote des projets de lois de finance et de financement de la sécurité sociale. Il n'y aura donc pas de gouvernement « par le 49-3 », mais si ce dernier reste un outil utile pour gouvernement en cas de textes difficiles à faire passer.

Un recours aux ordonnances ?

Quant aux ordonnances, ce ne sont pas des moyens de contourner le parlement, mais ce sont des moyens d'aller plus vite. Selon l'article 38 de la Constitution, le gouvernement doit en effet demander au parlement le droit de gouverner par ordonnances pour un délai limité. Les ordonnances doivent cependant être ratifiées par le parlement ensuite. Le tout, à la majorité des exprimés, bien sûr. C'est un outil qui peut permettre d'éviter des lenteurs, mais pas de contourner une absence de majorité.

La majorité de Valls II n'est donc pas certaine, mais le Premier ministre dispose d'une marge de manœuvre assez confortable. Intenable dans un régime parlementaire, sa position dans le régime présidentiel français est bien plus assurée.

La composition de l'Assemblée nationale.