Finalement, le chômage est-il en hausse ou en baisse ?

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  879  mots
Selon que l'on se base sur les statistiques de Pôle emploi ou sur celles de l'Insee, le chômage progrese ou se réduit légèrement...
L'Insee vient d'annoncer que le taux de chômage avait reculé de 0,2 point au deuxième trimestre pour se fixer à 9,7%. Or, mois après mois, les statistiques de Pôle emploi indiquent une hausse du chômage. Comment expliquer ce hiatus.

Fin août 2014 : les dernières statistiques de Pôle emploi tombent : en juillet, le nombre des demandeurs d'emploi en France métropolitaine progresse, une nouvelle fois, de 0,8%. Il y a maintenant 3.424.400 demandeurs d'emploi inscrits en catégorie « A ».
4 septembre 2014 : les statistiques de l'Insee, fondées sur les normes du Bureau international du travail (BIT), indiquent que le chômage a... baissé de 0,2 point dans l'Hexagone, pour s'établir au deuxième trimestre 2014 à 9,7%. 2,8 millions de personnes au chômage étaient ainsi recensées en France métropolitaine. En revanche, si l'on inclut l'Outre-mer, le taux de chômage s'établit à 10,2%, soit une progression de 0,1 point sur un an.

Pour les non spécialistes, il y a de quoi s'arracher les cheveux et se demander si le chômage augmente, diminue ou stagne... Même si le « ressenti » général, bien sûr, est qu'il n'y a aucune amélioration à attendre avant, au mieux, 2015. Ce que vient d'ailleurs de confirmer l'OCDE.
Mais comment expliquer ce hiatus qui arrange bien les politiques? Selon qu'ils sont dans l'opposition ou au pouvoir, ils peuvent s'appuyer sur la statistique la plus favorable à leur démonstration...
En vérité, tout le monde a raison... ou tout le monde a tort. Car les différentes statistiques « officielles » du chômage - celles de Pôle emploi et celles de l'Insee/BIT - ne reposent pas sur les mêmes données. Résultat, il y a une différence de... près de 500.000 chômeurs entre les deux méthodes.

L'Insee s'appuie sur la définition du chômeur donnée par le BIT

On peut se concentrer sur le taux de chômage qui mesure le nombre de chômeurs par rapport à la population active. Ce que font donc trimestriellement le BIT et l'Insee. Ces données servent aux comparaisons internationales. Ce qui constitue un avantage.
Pour le BIT, est considérée comme chômeur une personne de plus de 15 ans à la recherche active d'un emploi qui n'a pas du tout travaillé au cours de la semaine de référence et qui se trouve immédiatement disponible pour exercer un métier. Pour la France, c'est l'Insee, sur la base donc des critères définis par le BIT, qui se charge de mener cette enquête trimestrielle réalisée auprès de 110.000 personnes. De cette enquête, elle évalue l'évolution du taux de chômage.

Pôle emploi comptabilise les personnes qui se présentent au guichet

Pôle emploi, lui, pour fournir ses statistiques mensuelles, se base sur les personnes qui se présentent (ou qui « pointent » pour confirmer une inscription intervenue antérieurement) à ses guichets. Pour mesurer l'évolution mensuelle du chômage, Pôle emploi fait donc le solde entre un mois donné et le mois précédent. Il évalue ainsi l'évolution. Plus compliqué encore, il y a à Pôle emploi cinq  catégories de chômeurs  « A,B,C,D,E ». Ces catégories correspondent à la situation du demandeur d'emploi : celui qui n'a pas du tout travaillé, celui qui a exercé une activité réduite le mois précédent, celui qui est en formation, celui qui n'est pas immédiatement disponible, etc.

Et c'est de là que vient le fameux hiatus : on peut être chômeur au sens de Pôle emploi et ne pas l'être aux sens du BIT/Insee et vise versa. Par exemple, le BIT comptabilise des jeunes à la recherche d'un premier emploi qui ne se sont pas inscrits à Pôle emploi faute de pouvoir percevoir une indemnisation. A l'inverse, le BIT ne considèrera pas comme un chômeur un demandeur d'emploi qui aurait exercé une activité réduite, alors que Pôle emploi le fera dans certaines circonstances.

L'exemple parlant des demandeurs d'emploi de plus de 50 ans

Un autre exemple, très parlant, concerne les "seniors", ces demandeurs d'emploi de plus de 50 ans. Jusqu'en 2008, ces personnes bénéficiaient dans certaines conditions d'une « dispense de recherche d'emploi ». Depuis, cette dispense n'existe plus et ces personnes sont donc de nouveau inscrites à Pôle emploi souvent en « catégorie A ». Or, quand l'Insee les interroge, elles reconnaissent, par lassitude, ne pas être activement à la recherche d'un emploi... L'Insee ne va donc pas les comptabiliser... à la différence de Pôle emploi.

Résultat,  fin 2013, 743.000 demandeurs d'emploi de plus de 50 ans étaient inscrits à Pôle emploi en catégorie « A », contre « seulement » 502.000 au sens du BIT, soit un écart de plus de 200.000 personnes.

En 2013, François Hollande avait pris le risque d'annoncer une « inversion » de la courbe du chômage pour la fin de l'année. Si l'on se base sur les critères retenus par Pôle emploi, il s'est trompé, le chômage a encore progressé. En revanche, les données du BIT/Insee ont donné raison a postériori au président de la République avec une baisse du taux de chômage de... 0,1 point au dernier trimestre 2013.

La pluralité de ces sources statistiques a  le mérite de donner à chacun du grain à moudre selon la démonstration qu'il a besoin de faire. Mais l'idéal serait tout de même que ces différentes données indiquent unanimement, un jour, une tendance à la baisse.