Croissance : les ménages peuvent-ils continuer à sauver la croissance française ?

Par Fabien Piliu  |   |  837  mots
L'exécutif peut-il permettre à la consommation des ménages de résister ?
Au premier semestre, la consommation des ménages a résisté, tant bien que mal, évitant à l’économie française d’échapper de peu à la récession. Les Français continueront-ils à jouer les cigales indéfiniment ?

Le gouvernement peut remercier les ménages. Après avoir reculé de 0,5% au premier trimestre, les dépenses de consommation des Français ont avancé ... de 0,5% au deuxième. Sans ce rebond, l'activité de l'économie française aurait reculé au lieu d'afficher une croissance nulle, l'investissement et le commerce extérieur étant dans le rouge. Au premier trimestre, seule une variation positive des stocks avait permis à l'économie de... stagner. Pour mémoire, la consommation représente 55% du PIB et explique 30% des variations du PIB chaque trimestre.

La fiscalité, un souci pour de plus en plus de ménages

Les ménages pourront-ils indéfiniment sauver l'économie française ? C'est délicat. Selon l'Insee, l'opportunité de faire des achats importants est de plus en plus faible. Plusieurs facteurs pourraient inciter les ménages à troquer leur costume de cigale contre celui de fourmi. Pour ceux qui sont assujettis à l'impôt sur le revenu et qui ont vu la pression fiscale augmenter, la période de rentrée est parfois délicate. C'est la raison pour laquelle les services fiscaux s'attendent à une nouvelle progression des demandes de délai de paiement ou de demandes gracieuses, réclamations qui ont déjà augmenté de 20% entre 2012 et 2013, 80% de ces demandes ayant été formulées par des particuliers. Le ras-le bol fiscal pourrait donc se traduire par un attentisme de la part des consommateurs.

Autre élément à mettre en avant : la modération salariale. Tant que le chômage continuera de progresser, les pressions salariales resteront orientées à la baisse. La recherche effrénée de gains de productivité pour lutter contre la concurrence internationale vient participer à cette tendance de fond. Même les secteurs abrités de l'économie pourraient être concernés. Dans une note dévoilée la semaine dernière, France Stratégie, le think tank du gouvernement dédié à la Prospective recommande une modération salariale et/ou une intensification de la concurrence dans le secteur abrité pour permettre à la France de baisser son taux de change interne et réduire ainsi les déficits de sa balance courante.

Les salaires progresseront peu en 2015

Cette modération salariale n'est pas prête de s'arrêter. Selon une étude réalisée par le cabinet de conseil Deloitte, les entreprises restent " extrêmement prudentes " en France et prévoient d'augmenter en 2015 les salaires de seulement 2%, soit un rythme « proche » de celui de 2014. " Même au plus fort de la crise économique en 2008, les entreprises envisageaient des augmentations autour de 2,4% (contre 3,3% en 2008 avant la crise économique) ", rappelle le cabinet de conseil. Selon Deloitte, c'est le faible niveau d'inflation, tombée à 0,5% en France en juillet sur douze mois qui explique en grande partie cette faible progression des salaires.

Une évolution des prix qui, si elle continuer à être orientée à la baisse, pourrait également influencer le comportement des ménages au moment de passer à l'acte à la caisse. Selon l'Insee, les ménages étaient moins nombreux en août à estimer que les prix avaient augmenté (-3 points). " Le solde correspondant reste inférieur à sa moyenne de long terme et atteint un plus bas niveau depuis décembre 1999 ", observe l'Institut. En clair, si ce sentiment perdure, les ménages pourraient anticiper une baisse des prix qui, quelle soit réelle ou virtuelle, rendrait possible la menace déflationniste que la plupart des économistes actuellement redoutent. L'indice des prix n'a-t-il pas reculé de 0,3% en juillet ? Sur un an, les prix ont progressé de 0,5%.

La marge de manœuvre du gouvernement est faible

Dans ce contexte, que peut faire le gouvernement ? La prochaine loi " Croissance et pouvoir d'achat " lancée en juillet par Arnaud Montebourg et dont s'est saisi Emmanuel Macron, son successeur à Bercy devait, selon les calculs de l'ex-ministre de l'Economie " redonner 6 milliards d'euros de pouvoir d'achat", principalement en libéralisant certaines professions règlementées. A condition que les calculs économétriques de l'ancien ministre soient justes, à quelle échéance ces milliards tomberont-ils dans les poches des Français ? Difficile à dire. Par ailleurs, rien ne permet d'affirmer que les ménages dépenseront davantage. Effrayés par la montée du chômage et les faibles perspectives de croissance, les Français prennent en effet les devants. En juillet, l'assurance-vie retrouve les faveurs des Français. Selon les chiffres publiés par l'Association française de l'assurance (AFA), la collecte nette, qui correspond aux dépôts des épargnants moins les retraits, s'est élevée à 3,9 milliards d'euros. Un plus haut depuis juillet 2010. En mai et en juin, la collecte nette avait à peine dépassé le milliard d'euros.

L'assouplissement du travail dominical, la solution ?

L'assouplissement des règles encadrant le travail dominical peut-il permettre à la consommation de résister ? Rien n'est moins sûr estiment la plupart des études sur le sujet partant du principe qu'un achat réalisé le dimanche est une dépense en moins le lundi. Publiées le 30 septembre, les statistiques sur les dépenses des ménages sur la période juillet-août sont attendues avec impatience.