Contrôle renforcé des chômeurs : le PS a-t-il raison de changer d'avis ?

Par Mounia Van de Casteele  |   |  588  mots
Selon Xavier Timbeau, chef de service à l'OFCE, "Cela va avoir un effet sur les statistiques du nombre de chômeurs inscrits. Car ceux qui n'ont pas fait de démarche seront radiés. Le nombre de demandeurs d'emplois va donc diminuer pendant un mois ou deux". Mais cela ne va pas résorber le chômage de masse.
Le Parti socialiste a décidé d'adopter une politique drastique à l'égard des demandeurs d'emploi, alors qu'il dénonçait une telle méthode en 2008. Ce choix est-il judicieux, voire nécessaire pour faciliter le retour à l'emploi ? Entretien avec Eudoxe Denis, directeur des études à l'Institut de l'Entreprise et Xavier Timbeau, chef de service à l'OFCE.

"Je pense qu'il faut renforcer les contrôles". Le ministre du Travail a demandé mardi 2 septembre à Pôle Emploi de faire montre de plus de rigueur à l'égard de ses inscrits. S'il est depuis quelque peu revenu sur ses propos en précisant qu'il ne s'agissait en aucun cas de "stigmatiser les chômeurs", François Rebsamen prend toutefois un virage que le parti Socialiste dénonçait lui-même en 2008. Il évoquait alors une politique "nocive". Le gouvernement a-t-il donc raison de vouloir s'engager dans cette voie ?

Pour Eudoxe Denis, directeur des études à l'Institut de l'Entreprise, cela ne fait aucun doute:

"Oui il a raison de le faire."

Ailleurs ce n'est pas "anormal"

Il explique ainsi  qu'à l'étranger, "tous les pays européens ont durci les contreparties des demandeurs d'emploi":

"Au Royaume-Uni, ils ont la politique de workfare la plus avancée. Il existe une continuité politique dans les contraintes imposées indépendamment de la couleur politique au pouvoir. Ainsi, en 2009, Gordon Brown alors Premier ministre, a demandé un test d'aptitude, un examen médical aux personnes qui percevaient une allocation en tant qu'handicapé. Une politique encore durcie par le gouvernement Cameron : les chômeurs de longue durée devant s'engager à rencontrer leur conseiller toutes les semaines".

Eudoxe Denis ajoute ainsi qu'en Allemagne, en Suisse ou en Espagne, la baisse des droits ou la perte de prestations n'est pas du tout vue "comme quelque chose d'anormal".

En France, plus de théorie que de pratique ?

Or, selon lui, "en France, le contrôle existe surtout en théorie". Il explique:

"Selon une étude de l'OCDE concernant les conditions d'éligibilité au chômage réalisée sur 36 pays, la France arrive en 17e position.  Les conditions sont assez souples. En revanche, la France est considérée comme étant plutôt sévère eu égard au contrôle. Par exemple, le suivi mensuel personnel a été abandonné en 2013. Il faut attendre le deuxième refus pour une offre d'emploi raisonnable avant d'être radié. Et seulement 15 jours. On suspend vos droits, mais on n'y met pas fin. Il y a peu de radiations en réalité. Ailleurs, cela vaut dès le premier refus. Au Royaume-Uni, il peut même y avoir jusqu'à six mois de suspension des allocations".

Le contrôle, plus efficace que la sanction

Toujours est-il que selon le directeur d'études du think tank, "contrôler l'effort de recherche a plus d'efficacité que la sanction du refus d'une offre d'emploi", d'après une étude de la Dares publiée en 2013.

Mais pour que cela soit efficace, encore faut-il que "les conditions nécessaires soient réunies", précise Eudoxe Denis. Ainsi prend-il encore l'exemple du Royaume-Uni, faisant valoir que la croissance de 3% y est, de fait, plus propice aux créations d'emplois, qu'une croissance nulle en France:

"Les sanctions sont plus importantes mais l'accompagnement l'est également. Il y a une logique donnant-donnant. Si l'on explique qu'il y a des sanctions, mais qu'il n'y a pas d'emploi ni d'accompagnement [comme en France, ndlr.], alors ça ne marche pas"

Une affirmation que Xavier Timbeau, chef de service à l'OFCE nuance quelque peu. Certes le tournant libéral annoncé par François Rebsamen ne va pas résorber le chômage de masse "involontaire". Toutefois:

"Cela va avoir un effet sur les statistiques du nombre de chômeurs inscrits. Car ceux qui n'ont pas fait de démarche seront radiés. Le nombre de demandeurs d'emplois va donc diminuer pendant un mois ou deux".