Intensifier la diffusion des génériques, la potion du docteur Migaud pour soigner la Sécu

Par Fabien Piliu  |   |  1062  mots
Les médecins et les pharmaciens sont dans le viseur de Didier Migaud
Parallèlement à la cure d'amaigrissement qu'il faudrait imposer à l'hôpital, à la meilleure maîtrise des dispositifs médicaux, à l'intensification de la fraude aux cotisations sociales, la Cour des comptes recommande d'intensifier l'usage des médicaments génériques. Mais de nombreux obstacles existent.

Mercredi, la Cour des comptes présidée par Didier Migaud a dévoilé son rapport annuel sur la Sécurité sociale. De nombreuses pistes sont avancées pour parvenir à accélérer la réduction du déficit : cure d'amaigrissement à l'hôpital, meilleure maîtrise des dépenses de matériel médical, à l'intensification de la fraude aux cotisations sociales, la Cour des comptes recommande une meilleure gestion de l'hôpital, une meilleure maîtrise des dispositifs médicaux et une intensification de la fraude aux cotisations sociales. Une augmentation de la consommation des médicaments génériques est également une piste d'économies suggérée par les Sages de la rue Cambon.

Dans le chapitre au titre particulièrement évocateur - " La diffusion des médicaments génériques : des résultats trop modestes, des coûts élevés " - la Cour des comptes met en lumière les blocages qui entravent leur développement.

Certes, le nombre des boîtes de génériques a été multiplié par trois en dix ans avec un peu plus d'une boîte de génériques sur quatre boîtes de médicaments vendues en 2012 (689 millions d'euros) contre une sur dix en 2002. Selon la Cour, bien que le taux de substitution d'un médicament original par son générique ait augmenté de 35 à 82% entre 1992 et 2012, la France reste à la traîne de ses voisins européens. Certes, le développement des génériques est l'une des priorités du ministère de la Santé dont l'objectif est de relever à 25% leur part de marché à en 2017, permettant ainsi la réalisation de 3,5 milliards d'euros d'économies. A titre de comparaison, les génériques représentaient environ trois quarts du volume du marché des médicaments remboursés en Allemagne, au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande et au Danemark selon le dernier panorama de santé de l'OCDE publié en 2011. Mais, martèle la Cour des comptes, les économies pourraient être bien plus élevées.

Remise à plat du rôle du pharmacien

Comment ? En remettant à plat le dispositif "uniquement incitatif" centré autour du pharmacien qui se révèle aujourd'hui être d'une "efficacité limitée et extrêmement coûteux". Sur deux euros d'économies potentielles, un euro est versé aux pharmaciens précise la Cour qui rappelle que les pharmaciens ont bénéficié d'environ 1,7 milliard d'euros en 2013, soit un montant du même ordre que les économies nettes calculées par l'Assurance maladie la même année (1,6 milliard d'euros) au titre des incitations financières mises en place pour développer le générique. Résultat, entre 2007 et 2012, ces incitations ont coûté 5,9 milliards d'euros.

Autre remarque formulée par la Cour des comptes : le périmètre "trop limité" du répertoire qui recense les groupes génériques pouvant être proposés par les pharmaciens au patient en remplacement d'un médicament princeps. "Elargir significativement" la liste des médicaments substituables est donc suggéré.

Les médecins sont aussi dans le viseur

Les médecins sont-ils exempts de tous reproches ? Pas vraiment. Jugé "marginal", leur rôle est aussi critiqué.

"Les prescriptions s'orientent vers les produits plus récents, donc plus chers, toujours sous brevet, sans souvent qu'ils apportent une amélioration du service médical par rapport à des molécules substituables", regrette la Cour des comptes.

Les médecins perçoivent eux aussi une rémunération supplémentaire dont le montant s'est élevé à 75 millions d'euros en 2013, s'ils atteignent les objectifs de prescription de génériques pour cinq grandes classes thérapeutiques. Mais cette rémunération supplémentaire ne constitue "qu'un bonus" et n'est pas modulée ou diminuée en cas de non respect des objectifs.

Elargir le répertoire des génériques et mobiliser les médecins

Dans ce contexte, pour dynamiser la politique des génériques, la Cour recommande de prescrire plus de médicaments substituables, en mobilisant les médecins. La Cour propose d'élargir les objectifs des praticiens et d'introduire des taux de prescriptions comportant non pas le nom de marque du médicament mais le nom de la molécule, estimant que ce changement permettrait de sécuriser les prescriptions et de faciliter l'utilisation des médicaments génériques. La Cour cite notamment le cas du paracétamol.

" Bien que cela soit juridiquement possible depuis 2003, le répertoire n'inclut toujours pas le paracétamol, qui représente pourtant près de 500 millions de boîtes vendues et près de 400 millions d'euros de remboursement pour la CNAMTS. Ainsi si un médecin prescrit du Doliprane, le pharmacien n'a pas le droit de substituer ce produit, alors même que des copies de ce médicament existent. La possibilité de substituer le paracétamol, évoquée dès 2002 et à nouveau proposée par l'ANSM fin décembre 2013, pourrait pourtant contribuer à de nouvelles économies en instaurant une concurrence par les prix entre les producteurs sur un marché dominé aujourd'hui par deux entreprises. Les pouvoirs publics ont pour le moment fait le choix d'une baisse du prix de cette molécule297, ce qui devrait permettre à l'assurance maladie de faire des économies à hauteur de 38 millions d'euros par an ", estime la Cour.

Et si les médecins ne jouaient pas le jeu ? La Cour recommande de baisser le montant de la rémunération si les objectifs ne sont pas atteints.

Le rapport suggère également de redéfinir les modalités de la rémunération en baissant progressivement les incitations en faveur des génériques, pour aller vers une rémunération davantage forfaitaire, moins dépendante du volume des ventes.

Des économies supérieures à 1 milliard d'euros par an

Les laboratoires fabriquant de génériques sont également dans la boucle. " Des accords prix/volume pourraient être conclus avec les fabricants de génériques car l'augmentation des volumes vendus devrait permettre de rendre supportables, à terme, des baisses de prix plus fortes, une fois atteint un certain développement du marché, à l'instar de ce qui a été pratiqué en Allemagne ", explique la Cour qui recommande d'intensifier la prévention en renforçant les campagnes d'informations à destination des ménages.
Reprenant à son compte les calculs de l'Assurance maladie, la Cour évalue à 1,125 milliard d'euros par an la baisse potentielle des remboursements de médicaments par la Sécu.