Le "coup de gueule" de Force Ouvrière sur l'état des services publics dans les territoires

Par Jean-Christophe Chanut  |   |  759  mots
Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO, réclame en vain de puis 7 ans un débat sur la place des services publics
Suppression de maternités, de commissariats, de gendarmeries. Fermetures de bureaux de poste... Dans un ouvrage, Force Ouvrière dresse la véritable "carte noire" de la dégradation des services publics sur l'ensemble territoire.

Baisse des effectifs des douaniers de 25% en vingt ans; réforme de la carte judiciaire qui a entraîné la fermeture de 178 tribunaux d'instance; suppression de 400 bureaux de poste en 2014, etc. C'est un nouveau cri de colère que pousse le syndicat Force Ouvrière pour dénoncer la dégradation du service public en France. Pour attirer l'attention, le secrétaire général de FO, Jean-Claude Mailly publie le 1er octobre un ouvrage intitulé "Il faut sauver le Service public"* dans lequel le syndicat recense plus de 250 cas de dégradation, voire de disparition d'un service public dans tous les secteurs et sur l'ensemble du territoire.

Pour Jean-Claude Mailly, cet état de déliquescence reste de la responsabilité autant de la droite que de la gauche. "Dès l'élection de Nicolas Sarkozy en 2007, je lui ai demandé un débat sur le rôle et les missions du service public. Rien n'a été fait. Idem en 2012, après l'élection de François Hollande."

Au contraire, dénonce FO, depuis la crise économique et financière de 2008, les choses ont empiré, d'abord avec la Révision générale des politique publiques (RGPP), chère à Nicolas Sarkozy, puis la Modernisation de l'action publique (MAP), apanage de la majorité socialiste.  Autant de politiques qui ont conduit à serrer les boulons partout.

39% des tribunaux ont disparu et 21% des gendarmeries

Force Ouvrière multiplie ainsi les exemples chocs, parlant de "véritable hécatombe dans le service public de proximité".  Selon le syndicat, en six ans, 12% des services ont fermé dans les hôpitaux, 6% des maternités ont disparu. Ce serait aussi le cas de 12% des commissariats, 21% des gendarmeries, 39% des tribunaux.  Et aussi à La Poste, qui "au niveau de chaque département, a supprimé 45% de ses implantations en dix ans".

Pour illuster son propos, Jean-Claude Mailly met en exergue la ville de Joigny, dans l'Yonne, qui vient d'être classée "ville pauvre". Cette commune de 10.400 habitants a tout cumulé depuis dix ans.

Le terrible exemple de Joigny (Yonne)

En 2009 et 2010, au nom de la RGPP, la ville perdait ses tribunaux de commerce et d'instance. La même année, toujours au nom de la RGPP, l'armée quitte son implantation de Joigny pour la transférer à Haguenau, dans le Bas-Rhin. Or, les militaires injectaient 650.000 euros environ chaque mois dans l'économie locale. L'immobilier a chuté à la suite du départ des fonctionnaires, et les entreprises du BTP locales ont perdu de gros clients. La gendarmerie a perdu 30 postes. Le collège et le lycée de Joigny ont vu des classes fermer... La spirale infernale.

Des exemples comme ça, FO les multiplie. Ainsi, le syndicat note que 50 commissariats ont été fermés depuis 2003. Idem pour les gendarmeries. A Allevard-les-Bains (Isère), c'est la commune qui doit payer l'essence de la brigade de gendarmerie qui, à défaut ne peut se déplacer... Et le syndicat de menacer: "Comment faire face à de nouveaux "Xynthia", lorsqu'on supprime la moitié des centres Météo-France, comme à Saint-Brieux ou à Niort?".

Une dégradation due à une politique récessive

A travers ces exemples concrets, FO dresse la véritable carte noire de la France des services publics. Pour expliquer cette dégradation, le syndicat a son idée. Force Ouvrière s'en prend à la "politique récessive" menée dans le pays depuis six ans. Jean-Claude Mailly tonne:

"Cela fait six ans que les gouvernements mènent une politique d'austérité. Quand, dans le cadre du pacte de responsabilité, le gouvernement Valls promet 41 milliards d'euros sur trois ans aux entreprises pour alléger les cotisations patronales et que, dans le même temps, il cherche à faire 50 milliards d'euros d'économies dans les dépenses publiques, il n'y a pas de miracle. On rentre dans un tuyau et cela conduit à serrer les boulons, à bloquer les investissements. La logique suivie est récessive. Et le pire, c'est que le gouvernement ne peut plus reculer, il est dans un entonnoir, sinon il va se prendre une sanction des marchés qui vont dire: regardez, la France ne tient pas ses engagements."

Mais, pour FO le pire est encore à venir, avec la réforme territoriale souhaitée par François Hollande. Le syndicat craint que la suppression des départements éloigne encore davantage le citoyen du service public et que l'on aboutisse à de nouvelles zones de désertification. D'où, un nouvel appel de Force Ouvrière à l'ouverture d'un grand débat sur l'avenir des services publics.

* "Il faut sauver le Service Public", 2014, Librio (collec Idées); 95 pages; prix: 3 euros)