Libéralisation de l'économie : Emmanuel Macron choisit la méthode douce

Par Fabien Piliu  |   |  958  mots
Emmanuel Macron a-t-il trouvé la martingale pour libéraliser l'économie
Emmanuel Macron a présenté plusieurs mesures pour libéraliser l'économie. Plus qu'un choc, ces assouplissements sont très consensuels. La principale révolution porte sur le transport en autocar, bientôt libéralisé. Avec ce texte, le gouvernement semble commencer l'écriture d'un long feuilleton.

Où sont passés les six milliards d'euros promis par Arnaud Montebourg ? Lorsqu'il était ministre de l'Economie, Arnaud Montebourg avait de belles ambitions. Avec sa loi sur la croissance, il se fixait pour objectif de redonner six milliards d'euros de pouvoir d'achat aux Français. On allait voir ce qu'on allait voir. Toutes les mesures martelées dans les multiples rapports concluant sur la nécessité de réformer et libéraliser l'économie française allaient être - brutalement pour certains - appliquées. En clair, il suffisait de relire le rapport Attali commandé par Nicolas Sarkozy, qui constitue une belle synthèse des réformes à mener dans ce domaine, et partiellement appliqué lors du précédent quinquennat pour évaluer l'ampleur du choc attendu sur l'économie et la société française.

Quand Emmanuel macron reprend le flambeau d'Arnaud Montebourg

Arnaud Montebourg éjecté par le gouvernement pour l'ensemble de son œuvre - ses prises de positions personnelles ont régulièrement perturbé l'exécutif - son successeur à Bercy, Emmanuel Macron at-il des ambitions plus mesurées ? Ce n'est pas certain. Mais sa méthode est plus douce. Les mesures présentées ce jeudi sont plus consensuelles et ne devraient pas - trop - heurter l'opinion et les professionnels concernés. Dès sa prise de fonction, il avait clairement remis en question les objectifs chiffrés de la loi. Il avait indiqué qu'il ne se risquerait pas à faire des promesses mathématiquement douteuses. Il a tenu parole.

Un choc a minima pour les professions réglementées

Premier point du projet de loi pour l'activité qui doit être bouclé fin novembre, les conditions d'installation des professions juridiques sont " simplifiées " afin que les titulaires des diplômes requis pour exercer les métiers de notaire, avocat, huissier, mandataire de justice ou greffier des tribunaux de commerce puissent plus facilement s'installer à leur compte. Cette concurrence nouvelle devrait faire baisser les tarifs des actes juridiques " de la vie courante ", notamment pour les transactions immobilières. En outre, Bercy a décidé d'ouvrir le capital des sociétés détenues par les professionnels du chiffre. La médecine libérale n'est en revanche pas concernée, à son grand soulagement.

Les pharmaciens et les dentistes sont également concernés par la loi. Ainsi, l'installation des nouveaux entrants dans la profession est facilitée, le nombre de règlementations en la matière passant de douze à deux. Pour limiter la concurrence, une " distance minimale " entre deux pharmacies serait mise en place. Le capital des pharmacies sera également ouvert aux autres professionnels du secteur afin de favoriser les regroupements d'officines pour " faire baisser les prix grâce à des économies d'échelle". Quant à la vente de médicaments sur Internet, elle sera elle aussi facilitée.

Le travail dominical timidement réformé

Deuxième volet du texte gouvernemental, la travail dominical dans lequel se sont embourbés tous les gouvernements depuis 2007. Là encore, le compromis a été choisi, les conclusions du rapport Bailly remis au gouvernement en decémbre 2013 étant partiellement suivi. Concrètement, le repos dominical reste la règle mais la possibilité d'obtenir une dérogation pour ouvrir son commerce le dimanche sera élargie, notamment dans les " zones touristiques à fort potentiel économique "et les gares. La question de la valorisation des salariés volontaires devrait faire réagir les distributeurs, le texte prévoyant le doublement du salaire dans les entreprises de plus de 11 personnes.

La transport par autocar est libéralisé

Finalement, le principal choc de ce texte porte sur  le transport par autocar. Jugeant la réglementation actuelle " drastique ", Bercy a décidé de la modifier en profondeur. Jusqu'ici, les trajets interrégionaux en car n'étaient autorisés que dans le cadre du cabotage, c'est-à-dire que le trajet du voyageur ne doit constituer qu'une partie d'un trajet international de l'autocar. Ainsi, un particulier qui souhaite rallier Paris à Lille ne peut le faire que s'il voyage dans un autobus qui fait Paris-Bruxelles. En outre, le cabotage ne peut représenter plus de la moitié du chiffre d'affaires de la compagnie d'autocar sur le territoire français. Le projet de loi prévoit donc de lever ces contraintes pour que des lignes d'autocar puissent ouvrir sur tout le territoire, sans autorisation préalable.

La CGT a immédiatement réagi, estimant que que l'autocar est un moyen de transports pour  " les pauvres ". «On va avoir trois sortes de Français, ceux qui auront les moyens et prendront l'avion pour aller à Marseille, ceux qui auront un peu moins d'argent et prendront le train et les pauvres qui prendront le bus. Voilà le monde dans lequel on veut nous installer.», a déclaré sur France 2 Thierry Lepaon, le secrétaire général de la CGT. Alors que le covoiturage décolle, que la rentabilité des lignes secondaires est sujette à caution, quel peut être l'effet d'une telle mesure ? La question reste en suspens.

La réforme des seuils sociaux est oubliée, pour l'instant

Estimant probablement le calendrier trop serré, le ministre de l'Economie n' a pas voulu intégrer la réforme des seuils sociaux, malgré les appels du pied répétés du patronat. Pour l'instant, il laisse les syndicats et les organisations patronales avancer sur ce dossier. Ils ont jusqu'à fin décembre pour le faire.

Un nouveau feuilleton ?

Peut-on imaginer que Bercy reprenne la main si les partenaires sociaux ne trouvent pas d'accord ? C'est bien probable, comme il est également fort envisageable que les questions pour l'instant laissées en suspens soient à nouveau remises sur la table par l'exécutif. Il y a fort à parier que ce premier projet de loi pour l'activité devienne le feuilleton de l'automne jusqu'à la fin du quinquennat.