Martine Aubry éreinte la ligne sociale-libérale du gouvernement Valls

Par latribune.fr  |   |  1081  mots
Martine Aubry dénonce la dérive sociale libérale du gouvernement Valls et préconise une autre politique
Martine Aubry effectue son grand retour et se positionne, dans un entretien au JDD et dans une contribution aux états généraux du PS, contre la ligne sociale-libérale défendue par le gouvernement Valls. Elle propose de mieux cibler les aides aux entreprises afin de libérer 20 milliards d'euros. Elle conteste les réformes souhaitées par le Medef.

Martine Aubry, le retour!  La maire de Lille demande à François Hollande et à Manuel Valls d'engager une "réorientation de la politique économique" et d'"emprunter le bon chemin dans les deux ans qui viennent", faute de quoi la gauche va "échouer" en 2017, déclare-t-elle dans un entretien au Journal du dimanche.

N'en restant pas là, l'ancienne ministre des Affaires sociales de Lionel Jospin a aussi  lancé une deuxième salve en publiant dans la nuit sur internet (www.ensemble-reussir.fr) sa contribution aux Etats généraux du PS, où elle plaide pour "une nouvelle social-démocratie", un projet qui n'est, insiste-t-elle, "ni le libéralisme économique, ni le social-libéralisme".

Un texte signé à ce stade par 34 responsables socialistes: des frondeurs comme Jean-Marc Germain et Christian Paul, des présidents de région (Jacques Auxiette, François Bonneau, Marie-Guite Dufay et René Souchon), les ex-ministres François Lamy et Philippe Martin, des présidents de conseils généraux (Matthieu Klein, André Vezinhet) mais aussi des députés non étiquetés "frondeurs".

Dans le JDD elle éreinte la politique menée actuellement en déclarant:

"Il nous faut trouver au plus vite le bon réglage des politiques économiques qui permettra de sortir la France de la crise. Et puis, il nous faut refaire de la politique (...) Regardons la vérité en face. La politique menée depuis deux ans, en France, comme presque partout ailleurs en Europe, s'est faite au détriment de la croissance", lance-t-elle en prônant "une nouvelle social-démocratie" et en réclamant d'en "finir avec les vieilles recettes libérales".

Et d'ajouter: "La question n'est pas de renoncer à réduire les déficits (...) Il n'y a pas d'un côté les sérieux et de l'autre les laxistes. Mais je demande une inflexion de la politique entre la réduction des déficits et la croissance. Je demande qu'on réoriente la politique économique", lâche encore Martine Aubry en estimant qu'on "ne mobilise pas un pays sur la seule gestion financière" et qu'il faut "donner la destination du voyage".

Mieux cibler les aides aux entreprises

L'ancienne ministre des Affaires sociales "propose de mieux cibler les aides aux entreprises sur celles qui sont exposées à la concurrence internationale, et sur celles qui investissent et embauchent", un "plan de soutien à la croissance, qui touche les ménages et les collectivités locales" ainsi qu'une "fusion" du CICE (crédit d'impôt compétitivité emploi) avec le crédit d'impôt recherche. "20 milliards d'euros peuvent et doivent être ainsi libérés sur les 41  milliards d'euros" en faveur des entreprises, exige-t-elle.

Elle jette également un pavé dans la mare en disant "partager les propositions" des députés PS frondeurs et "regrette que le Parlement n'ait pas pu en discuter" dans le cadre du Pacte de responsabilité et de solidarité.

"J'espère que la prise de conscience sera là, que le débat aura lieu. En tout cas, plus on sera nombreux à le dire à gauche -élus nationaux ou locaux, mais aussi dans la société civile- plus on aura une chance d'être entendus. Dans le passé, faute d'avoir débattu, nous avons souvent payé le prix (...) Et puis, ne peut-on arrêter d'appeler «+frondeurs + des députés qui connaissent l'économie, souhaitent le succès du gouvernement et portent une vision de la Ve  République où le Parlement est pleinement respecté dans ses prérogatives ?", ajoute Martine Aubry.

Pour une grande réforme fiscale

Elle juge ainsi qu'une grande réforme fiscale "est plus que jamais nécessaire pour réconcilier les Français avec l'impôt". "Elle est préférable à des mesures au fil de l'eau, aux allers-retours sur les mesures fiscales, aux baisses des prestations familiales ou au gel des retraites qui inquiètent les Français en situation difficile", assène-t-elle.

"Nous disons depuis des années qu'il faut faire de la CSG et de l'impôt sur le revenu un seul et même impôt citoyen. Il est temps de le faire. On pourrait ainsi distribuer du pouvoir d'achat aux plus modestes et le prélèvement à la source permettrait d'éviter de se retrouver dans la difficulté quand votre revenu baisse brutalement", ajoute-t-elle.

Favorable à une "nouvelle social-démocratie", elle juge que "la réforme doit être synonyme de progrès". "Il faut en finir avec les vieilles recettes libérales. Ne perdons pas notre temps dans des débats du passé sans cesse remis sur la table par le Medef : le repos dominical, c'était il y a un siècle, l'assurance-chômage, soixante ans, les lois Auroux et les seuils sociaux, trente ans, les 35 heures, seize ans", ajoute-t-elle en visant autant le gouvernement Valls que le patronat.

Contre les propositions du Medef

"Les remettre en cause aujourd'hui, ne nous leurrons pas, ne créera pas d'emplois. Va-t-on passer le XXIe siècle à défaire ce que l'on a fait au XXe ? La responsabilité de notre génération politique n'est pas celle-là. Résolument tournés vers l'avenir, nous devons investir pour régler les trois défis de notre temps : la révolution numérique, le réchauffement climatique et les fractures entre les territoires. Il n'est pas trop tard pour réussir. Tout dépend de nous", lance celle qui se dit "candidate" seulement "au débat d'idées"... A voir.

Des réactions assez hostiles

En attendant, les réactions ne se sont pas fait attendre. S'exprimant devant les Radicaux de gauche,  le Premier ministre a répondu, indirectement, sans jamais citer son nom, à Martine Aubry en assurant "avoir les nerfs solides".

"Nous n'allons pas nous arrêter au milieu du gué", a prévenu M. Valls. "On ne peut pas zigzaguer, changer tous les jours de position. Les entreprises ont besoin de lisibilité, de visibilité", a-t-il ajouté.

Il s'agit de "vieux débats" qui ont été "tranchés" et "rejetés", a renchéri le patron des députés PS, Bruno Le Roux.

Du côté de l'opposition,  François Bayrou (MoDem) s'est dit d'accord sur "le diagnostic" mais "pas sur le cap" proposé par Mme Aubry, qui est "un leurre". François Bayrou voit dans ce débat "une guerre entre deux fractions irréconciliables du PS".

Les "recettes" de Mme Aubry "sentent un peu la naphtaline" et "n'ont pas marché", a jugé pour sa part le président UMP du Sénat, Gérard Larcher.